Auteur de l’article : Diego Jiménez
LE FLEUVE DE JADE
Il s’agit du dernier tome d’Alix issu de la collaboration entre Jacques Martin et Rafaël Morales publié fin 2003 avec la participation de Marc Henniquiau.
Mon but n’est pas dans cet article de formuler un jugement de valeur sur cet album mais d’en présenter une analyse construite.
La trame :
Je n’en dirai pas un mot ici car la neutralité objective n’existe pas, que je n’écris pas cet article pour dispenser le lecteur d’avoir à acheter l’album et enfin parce que c’est à chacun de se faire une opinion personnelle. Je ne dirai rien non plus sur le traité graphique des personnages et décors car je n’estime pas avoir les compétences techniques pour en juger et que mon but n’est pas de critiquer mais de construire une réflexion.
Les lieux :
C’est l’un des intérêts majeurs de cet album je pense. Comme dans beaucoup d’albums d’Alix publiés depuis 1949, on ne reste pas longtemps en place et le contraste entre les cultures distinctes mais pourtant en interaction plonge le lecteur dans une nouvelle conscience du monde antique. Ici nous nous déplaçons en Egypte, pays bien connu des lecteurs mais aussi en Nubie et sans doute en Ethiopie.
L’Egypte
L’histoire commence à Alexandrie que l’on n’avait pas vraiment revisitée depuis « Le Sphinx d’Or » et à peine survolé dans l’album improprement nommé « Ô Alexandrie ».
La description des lieux a un caractère légèrement fade dans la première partie de l’album : dès les premières vignettes nous sommes confinés dans le palais des Ptolémée que l’on avait aperçu dans le récit de Sénoris mettant en scène Ptolémée Aulète.
On y voit très succinctement Alix et Enak assis dans des divans de l’époque puis on enchaîne assez vite sur une croisière au large du quai d’Alexandrie avant que nos deux héros ne s’embarquent pour la Nubie.
La dernière partie de l’album qui voit le retour d’Alix et Enak à Alexandrie est à mon sens beaucoup plus soignée : on y voit notamment l’influence de l’architecture grecque sur le style architectural égyptien lorsque les marchands d’esclaves passent sous un pont dominé par une statue d’éphèbe.
On y apprend aussi que le magnifique palais royal, ou l’un d’eux, est situé en bordure du Nil de façon à faciliter les communications par bateaux. A ma connaissance il n’y a en Europe que deux villes à avoir repris cette politique d’aménagement territoriale : Bruges et Venise.
Passons ensuite aux autres lieux. Alix et Enak remontent le Nil en compagnie du dignitaire méroïtique pour visiter deux temples : celui de Sobek, le dieu crocodile à Ombos et celui de Philae.
Dans ces deux séquences j’ai été admiratif du savoir-faire de l’auteur qui parvient à nous cultiver tout en n’oubliant pas de nous rappeler le contexte.
Le temple d’Ombos est relativement peu décrit mais on apprend qu’il est célèbre pour ses momies de crocodiles. Le dieu Sobek est en effet un dieu à tête de crocodile et cet animal était sacré dans ses terres qui comprenaient également celles de Crocodilopolis.
La description de Philae est elle aussi assez lapidaire mais il faut admettre que l’architecture égyptienne est à peu près similaire en tout lieu si l’on excepte l’évolution des pyramides de Khéops à Djoser. Il y a surtout un détail intéressant à Philae : le fronton de l’édifice. Notre aimable vizir nubien commente en effet pour nos héros qu’y est représenté Ptolémée Neo Dionysos (présenté dans « Ô Alexandrie » sous le nom de Ptolémée Aulète et historiquement sous celui de Ptolémée XII), massacrant symboliquement les ennemis de l’Egypte.
Il est remarquable que dans cette scène où l’on voit le pharaon brandir une hache-gourdin au dessus des têtes des captifs qu’il tient par la chevelure, Jacques Martin se cite lui-même. Il s’agit en effet d’une reprise d’une scène de la série « Kéos » où le pharaon Mineptah est prié d’occire les achéens faits prisonniers. Ici il y a un détail intéressant : le pharaon pour ptolémaïque qu’il soit est représenté de profil, à l’Egyptienne, ce qui témoigne de la volonté d’acculturation de la dynastie ptolémaïque.
Napata-Méroé
Nous nous retrouvons ensuite à Méroé qui est présentée plus ou moins explicitement comme une principauté vassale de l’Egypte. J’ouvre ici une parenthèse historique dont je déplore l’absence dans « Le Fleuve de Jade ». Le royaume de Napata-Méroé (du nom de ses deux capitales successives) a été fondé par le pharaon nubien Piankhi en 730 av J.C et fut détruit par celui d’Aksoum (Ethiopie) en 350 de notre ère. De 730 à 660 av J.C l’Egypte eut pour la première fois de son histoire des pharaons nubiens issus de ce royaume sous la XXVe dynastie. Il s’agit d’un des premiers royaumes africains historiquement constitués et qui resta indépendant de Rome jusqu’à sa chute.
Le traité graphique de Méroé est assez pauvre dans l’album, je suis contraint de l’admettre, et c’est très dommage car celui de Sakkarah située dans la même région était magnifique dans « Le Prince du Nil ». A la décharge de Jacques Martin, les vestiges de Méroé sont assez peu nombreux et se réduisent surtout à des pyramides. On sait beaucoup de choses sur les pratiques funéraires des méroïtiques qui étaient assez proches des pratiques égyptiennes, quelques détails sur leurs pratiques religieuses (on a retrouvé un temple d’Amon, un temple d’Isis et un temple dédié à Apademak, dieu à tête de lion typiquement méroïtique) mais très peu de choses sur leur architecture. Ce royaume ayant vécu de façon indépendante vis-à-vis de Rome on n’a pas encore réussi à déchiffrer non plus leur langue qui est pourtant hiéroglyphique.
Il existe une hypothèse très controversée selon laquelle les méroïtiques auraient introduit la métallurgie dans l’Afrique subsaharienne mais ce n’est pas prouvé.
Je terminerai en soulignant que la vision que Jacques Martin nous donne de Méroé n’est pas nécessairement erronée : aucun historien n’a le droit d’imaginer à quoi ressemblait une ville s’il n’en a trouvé aucun vestige et c’est à peu près le cas ici. Les Grecs et Romains tout en ayant connaissance de ce royaume le nommaient « Ethiopie » (terme qui désignait pour les Egyptiens le royaume de Pount) et les Egyptiens « royaume de Koush ». Toujours est-il que dans le « Fleuve de Jade » on ne voit guère de Méroé qu’une rade de débarquement, quelques logis assez rustiques, une salle de banquet et une piscine.
L’Ethiopie
Après leur fuite de Méroé, Alix et Enak, se retrouvent sur les chemins d’Ethiopie. J’utilise ce dernier terme car la carte politique de l’Afrique telle que nous la connaissons actuellement est très différente de celle de l’Antiquité : des Etats comme d’Ouganda étaient sans doute inclus dans le royaume d’Aksoum qui a longtemps revendiqué la possession de la source du Nil (le lac Victoria). Ils descendent donc vers le Sud en croisant au passage un village de Noirs, Jacques Martin a ici renoncé au terme de « nègre » utilisé dans la Griffe Noire qui est éthologiquement correct et sera utilisé par Sédar Senghor pour caractériser l’identité africaine mais a acquis une connotation raciste depuis le début des années 70, dont on apprend que la reine est la tante de Djerkao de Méroé. Ce fait est assez remarquable car il témoigne de l’identité africaine du royaume de Méroé.
Par la suite il n’y a pas grand-chose à dire sur les lieux jusqu’à l’arrivée au fleuve de Jade. Ce fleuve est un vrai mystère : Alix nous dit qu’il est un affluent du grand fleuve (le Nil) mais qu’il ne se jette pas dans ce dernier, ce qui rend son eau imbuvable et gluante. Nous sommes en face d’une énigme qui suppose plusieurs hypothèses. Soit nos amis ont atteint le Lac Victoria auquel cas ils se trouvent en Ouganda actuelle soit ils ont poussé jusqu’au Kenya et ont atteint l’une des branches de la Rift Valley qui s’étend sur 3.800 km de la Syrie au Mozambique et passe pour avoir séparé l’humanité des autres grands singes, l’obligeant à migrer vers l’Ouest et le Nord. S’ils sont sur la branche orientale de la Rift Valley alors Alix et Enak doivent se trouver sur les bords du lac Tanganikya où se situent des sources d’eau chaude que l’on peut assimiler à l’eau du fleuve de Jade.
Soit nos deux héros se trouvent sur la branche occidentale de la Rift Valley auquel cas Jacques Martin suggère qu’il y aurait eu à cet endroit un fleuve qui se serait tari.
Je penche plus pour la première solution qui me paraît justifier l’existence des hommes lézards dans cette région.
Les personnages :
Alix : Toujours aussi courageux et charismatique, il ne semble plus s’étonner de rien notamment lorsqu’il se trouve en présence de singes qui se tiennent debout ou d’hommes-lézards. Il affecte même un certain détachement de temps à autre, donnant l’impression d’être entraîné par Markha dans la fuite vers l’Afrique plus qu’il ne donne lui-même l’impulsion.
Il est toujours très fraternel pour Enak qu’il déculpabilise lors de la mort des hommes lézards et fait même preuve d’un remarquable esprit scientifique en théorisant l’évolution des espèces mille neuf cent ans avant Darwin et Lamarck. Il fait même un peu d’évergétisme en suggérant que les hommes lézards seraient en fait les modèles des Titans, divinités du panthéon grecque, que les grecs auraient combattu par « esprit de conquête ». Les théories historiques actuelles s’orientent plus vers une assimilation des Titans au panthéon Achéen et des Olympiens au panthéon Dorien qui leur succèdent. Son personnage est finalement assez spectateur dans cet album, il ne semble même pas s’émouvoir de la mort d’un esclave par sa faute indirecte et accepte assez docilement les caresses de Cléopâtre.
Enak : J’ai été assez surpris de lire qu’il avait quatorze ans dans les premières pages de l’album. Je serais assez curieux de savoir depuis combien de temps il est avec Alix et combien de garçons de quatorze ans ont déjà été centurions. Mais le procédé de vieillissement ralenti des personnages est très fréquent dans les bandes dessinées.
Il a très mauvais caractère dans cet album, jusqu’à la misogynie que l’on a pu observer dans la chute d’Icare à l’égard de Julia et qu’il ne semblait pas éprouver à l’égard de Malua dans les « Proies du Volcan » ou Ariela dans « Iorix le Grand ». Cela dit l’antiquité est assez misogyne en général. Il doit épouser Markha en tant que prince Menkhara, ce qui laisse à penser qu’il est effectivement de rang princier puisque des souverains lui reconnaissent cette qualité. Il se montre très courageux face aux Titans qu’il repousse à coup de braises et pour la première fois il montre du plaisir devant la violence : lorsqu’il blesse Djerkao au bras d’une flèche, il crie « Hourra ! ». Dans le même temps il semble sincèrement regretter la disparition des hommes lézards dont l’attachement à leurs enfants lui rappelle peut-être qu’il n’a pas de mère. Il semble également plus affecté qu’Alix par le sacrifice d’un vieil esclave par Cléopâtre. La dernière partie de l’album permet de lui faire retrouver son rôle de talon d’Achille d’Alix lorsqu’il est assommé par les marchands d’esclaves. Le personnage apparaît toujours très humain mais aussi davantage porté à l’emportement et à la témérité dans certains cas.
Cléopâtre : Belle, dangereuse, cruelle, sensuelle, vénale sont sans doute les adjectifs qui la caractérisent le mieux dans cet album. Elle accepte le pot de vin de Djerkao comme elle a accepté celui d’Enak sans qu’on sache l’usage qu’elle va en faire. Elle sacrifie les deux garçons sans aucun scrupule et ne se montre repentante qu’à la toute fin.
Elle témoigne toujours du même mépris pour son frère, Ptolémée XIII mais aussi d’un certain mépris pour la vie humaine comme en témoigne l’empoisonnement de l’esclave (sûrement grec), ce qui n’était pas une chose courante même dans l’Antiquité.
Qaâ : Grosse surprise pour ce personnage que l’on a connu prophète un peu fantasque dans « Le Prince du Nil » et dont on a découvert l’affection pour le mode de vie nomade dans « Ô Alexandrie ». Il est ici l’amant soumis d’une jeune femme dont on ne sait absolument rien et qui témoigne d’un certain snobisme. Misanthrope mais pas misogyne donc.
Markha : Personnage un peu décevant que cette soeur de Djerkao qui ressemble à Saïs par son désir de suivre Alix à Rome mais n’en a ni le charisme ni le courage.
Elle entraîne Alix et Enak dans une fuite éperdue vers le Sud en pensant naïvement que son frère les laissera échapper puis témoigne d’un dédain très aristocratique pour Madoo qu’elle blesse avant de laisser tomber Alix et Enak à leur sort pour aller demander la clémence de son frère. Elle meurt finalement noyée dans le fleuve de Jade, ce qui clôt la vie d’un personnage assez limité.
Djerkao : Surprise pour lui aussi. On l’avait quitté veuf inconsolable et touchant dans « Le Prince du Nil », très amoureux de Saïs je ne pensais pas qu’il pardonnerait à Alix d’avoir été la cause indirecte de la mort de sa promise. On le retrouve ici remarié à une femme très semblable à Markha. Il témoigne ici d’un sens politique discutable en proposant de réunir deux provinces dont l’une a été absolument anéantie par un cataclysme.
Plutôt manipulateur il n’exclut pas de marier sa soeur à Alix car celui-ci a l’oreille de César.
Blessé par Enak, il veut la tête de Alix et son compagnon qui ont compromis ses plans d’annexion. Violent, il brûle le village de sa tante. On ne saura pas s’il survivra à sa blessure, je dirais que non : lorsque Auguste annexera l’Egypte il signera un traité avec une reine de Nubie.
Madoo : Personnage intéressant très représentatif des héros de la littérature de la négritude de Sédar Senghor. Pasteur nomade, il se dit sorcier et membre d’une tribu africaine, les Inkars, sur laquelle je n’ai aucune information.
Il s’exprime dans une langue compréhensible pour Alix et Enak, je suppose donc qu’il appartient à l’ethnie Amhara (ethnie dominante en Ethiopie dont la langue est sémitique, c’est-à-dire proche de l’hébreu et de l’arabe), on peut supposer qu’il appartient au royaume de Pount ou à celui d’Aksoum.
Très amoureux de Markha, il abandonne Alix et Enak à la mort de celle-ci pour mieux voler à leur secours par la suite, offrant un superbe exemple d’amitié spontanée. Depuis « La Griffe Noire », il est le premier africain avec lequel Alix sympathise et sans doute le plus intéressant.
Ptolémée : Cruel, immature, ivrogne. Il ne change guère. Je reste quand même sceptique sur la cohérence du personnage : en 51 av J.C, Ptolémée XII décède, Cléopâtre lui succède, elle a 17 ans et épouse son frère qui en a… dix. Sachant que Cléopâtre est exilée en 48 av J.C et que César envahit l’Egypte en 47 av J.C, Ptolémée a dans Alix entre 10 et 13 ans. Sachant que son père est encore vivant dans « Ô Alexandrie », il est sans doute plus proche de 10 que de 13.
Or on a rarement vu un enfant de cet âge faire plus d’1 mètre 50, résister à l’alcool et à une tentative de noyade (voir « Ô Alexandrie »).
Les costumes et détails anthropologiques :
Les Titans : Je ne les ai pas mis dans les personnages car cela suppose une dimension d’individualité que ces sauriens n’ont pas.
Ils sont assez étonnants : leurs pattes sont reptiliennes et griffues, la forme de leur crâne fait penser à celle d’un dinosaure du Cétacé mais en même temps ils détiennent des caractéristiques propres aux mammifères : leurs femelles ont des mamelles et surtout ils ont des cheveux ou une crinière sur le crâne, ce qui est une caractéristique des équidés et des félins mais aussi des humains. Oui j’ai bien dit « humain » : la composition des cheveux n’est pas la même que celle des poils.
A ma connaissance il n’existe qu’une seule espèce réunissant ces attributs à l’heure actuelle : les ornithorynques qui pondent des oeufs et les couvent mais allaitent leur progéniture, ce qui a posé un gros problème aux scientifiques pour savoir s’ils étaient des oiseaux ou des mammifères d’ailleurs.
Ils ont également un certain niveau de culture : on les voit porter des pagnes pour couvrir les parties génitales, ce que l’homo sapiens est le premier à faire, ils se déplacent en groupe, ce qui en fait des êtres sociaux et ils possèdent des armes en pierre taillée, ce qui est également une caractéristique de l’humanité à un certain stade de son développement. Ce qui est assez surprenant c’est qu’avec toutes ces caractéristiques, ils ne soient pas devenus l’espèce dominante d’Afrique australe. J’ajoute qu’ils obéissent apparemment à des ordres de la part de leur chef et ont l’intelligence de déraciner un arbre pour en faire tomber des singes. Alix les appelle « Titans » en suggérant que leur nombre réduit s’explique par leur lutte passée contre les Grecs.
A ma connaissance, c’est la première fois que Jacques Martin va aussi loin dans la science-fiction : on avait connu les moteurs à vapeur dans « l’île noire », la poudre avant l’heure dans « Le Sphinx d’Or », l’orichalque atomique dans « Le Spectre de Carthage » et même la fission nucléaire et l’alchimie dans « L’Enfant Grec », voilà que nous revenons en arrière, aux origines de l’humanité.
Je trouve cela d’autant plus intéressant que si l’on admet que l’on se situe à côté de la « Rift Valley », cela suppose que les êtres humains et ces lézards ont la même origine et des traits communs : la station debout, les cheveux, l’usage des armes, la sociabilité et l’appartenance à l’espèce mammifère. Cela dit il est certain que l’apparition de ces sauriens a de quoi déconcerter le lectorat.
Les Méroïtiques : Peu de choses à dire sur eux. Il n’y a pas de critère de différenciation très net entre eux et les Egyptiens si ce n’est la couleur de la peau. Ils connaissent l’usage du cheval, de l’arc, des flèches etc. Ils ont un niveau culturel égal à celui de l’Egypte. Du reste peu de choses qui nous sont connues permettent de les différencier des Egyptiens : on sait d’après les sépultures que leurs rois étaient rarement embaumés et souvent placés en position foetale, ils se faisaient enterrer avec leurs armes et leurs serviteurs et leur tombe est souvent recouverte d’un tumulus. A part ça on sait peu de choses sur eux surtout dans la mesure où leur langue n’est pas encore traduite.
Les marchands d’esclaves : Apparemment grecs, on ne sait pas où ils ont capturé Alix et Enak, probablement entre la cinquième et la sixième cataracte du Nil où se trouve Méroé. Il est assez étonnant de trouver des Grecs dans cette région où les échanges économiques étaient peu denses. Ils sont cependant habillés d’une façon assez arabisée qui laisse à penser qu’ils pourraient avoir des relations avec la péninsule arabique. Ils sont peut-être des intermédiaires entre les Egyptiens et les Nabatéens (peuplade du Nord Ouest de l’Arabie) que Pline le Jeune désigne sous le nom d’ « Arabes » et accuse de spolier Rome d’une partie de ses ressources par des droits de douanes trop élevés. Région annexée par Rome en 106 après J.C.
Les gardes de Cléopâtre : L’exemple même de l’influence hellénistique en Egypte sous les Ptolémées. Dans « Le Sphinx d’Or », Jacques Martin identifiait les forces de police et forces armées égyptiennes aux « archers royaux » dont le design était objectivement très mauvais : on n’a jamais vu de soldat égyptien porter une tiare. Quelques cinquante ans plus tard,
Jacques Martin revient sur son erreur et nous présente des soldats profondément hellénisés. Il s’agit là d’un détail intéressant de la dynastie ptolémaïque : depuis la période des Néchao et des rois Saïtes dont un autre personnage de Jacques Martin, Orion, est le contemporain, les pharaons ont pris l’habitude de recruter des mercenaires grecs qui ne se montrent pas toujours fidèles. Les Ptolémées ont renoué avec cette tradition imposée par les guerres des diadoques qui suivent la mort d’Alexandre le Grand et Cléopâtre est sans doute la dernière reine d’Egypte qui lorsqu’elle est contrainte de s’exiler en Syrie en 48 av J.C suite à un coup d’Etat raté lève des troupes grecques contre son frère.
Repères historiques :
69 av J.C : Naissance de Cléopâtre
67-66 av J.C : Pompée est chargé par le Sénat de détruire les pirates en Méditerranée
Se déroule peut-être à l’époque de la « Chute d’Icare »
58 av J.C : Début de la conquête des Gaules par Jules César
53 av J.C : Crassus vaincu à la bataille de Carrhes trouve la mort
Première apparition d’Alix dans « Alix l’intrépide »
52 av J.C : Défaite de Vercingétorix à Alésia
Seconde apparition d’Alix dans « Le Sphinx d’Or »
51 av J.C : Mort de Ptolémée XII Aulète. Mariage de Cléopâtre avec Ptolémée XIII
Evènement relaté dans « Ô Alexandrie »
49 av J.C : César franchit le Rubicon. Début de la guerre civile contre Pompée
Mentionné dans « Le Tombeau Etrusque » sans qu’on sache si la guerre est déclarée ou s’il s’agit d’affrontement de partisans.
48 av J.C : Cléopâtre s’exile en Syrie où elle lève des troupes et tente de faire valoir ses droits à la couronne d’Egypte
48 av J.C : Victoire de Pharsale de César sur Pompée qui se réfugie en Egypte et est peut-être assassiné sur l’ordre de Ptolémée XIII frère de Cléopâtre.
47 av J.C : César arrive en Egypte et donne le trône à Cléopâtre.
Donc l’intrigue du « Fleuve de Jade » se situe après 51 av J.C et avant 49 av J.C puisque César est encore en Gaule et que Pompée est encore vivant dans « Les Barbares ».
Le « Fleuve de Jade » se déroule donc dans l’intervalle de ces deux dates. Toutefois il est difficile d’établir une chronologie cohérente historiquement des aventures d’Alix : si l’on s’en tient aux dates, il se passe au plus un an entre « Le Sphinx d’Or » et « Ô Alexandrie » qui sont publiés à une cinquantaine d’années d’intervalle.
De plus dans « Le Sphinx d’Or », le courtisan Amon dit du pharaon « qu’il est encore bien jeune et n’écoute pas toujours ses conseils », il parle évidemment de Ptolémée XIII donc le « Sphinx d’Or » se déroule après la mort de Ptolémée XII, c’est-à-dire soit en même temps que « Ô Alexandrie » soit après.