La relecture de cet album hier soir m'a remémoré la dernière conversation que j'ai pu avoir avec Jacques Martin, au début de cette année. Bien que malade du coeur et séjournant à l'hôpital, il restait passionné par la BD et par l'Histoire. Il avait bien sûr un grand plaisir à reparler de tout cela et nous avons discuté en particulier de ce curieux roi d'Angleterre, Henri VI, dont la faiblesse (puis l'assassinat) a été à l'origine de la Guerre des Deux Roses. Etait-il aliéné comme le pensent certains historiens, ou était-il simplement faible et pieux ? Jean Pleyers pensait qu'il était fou et Jacques Martin était convaincu du contraire. En illustrant la scène pendant laquelle le roi arrache le chapeau de Jhen du bout de sa canne à pêche, Pleyers avait d'abord indiqué que cet acte était intentionnel (et motivé par la folie). Jacques Martin n'était pas d'accord avec cette version du récit et lui a demandé de redessiner ces images.
J'avais bien pour ma part le souvenir qu'Henri VI était devenu aliéné, mais Jacques Martin était tellement péremptoire que je n'ai pas insisté. En fait, ce monarque reste un peu mystérieux. Fils du puissant Henri V (vainqueur d'Azincourt et héros d'une célèbre pièce de Shakespeare), Henri VI restera dans l'Histoire comme une victime. Il a été détrôné avant de se faire assassiner par son successeur Edouard IV et cette triste fin n'était pas totalement imméritée car le bilan de son règne était catastrophique. Le résultat de son action (ou plutôt de son inaction) politique peut se résumer ainsi : l'Angleterre perd la Guerre de Cent Ans avant de s'enfoncer dans la guerre civile (entre autre parce que le roi n'avait d'héritier). Dans l'Archange, le souverain est encore très jeune (il a moins de 20 ans) mais Jacques Martin prophétise malicieusement sa triste fin.
Henri VI était cependant généreux envers son peuple. Sa piété l'emportait sur tout autre considération et il est à l'origine de la construction de la chapelle du Kings College, à Cambridge, On lui doit également le collège d'Eton et Jacques Martin nous montre un jeune homme faible et naïf qui, face à la dureté du monde médiéval, semble se réfugier dans la religion.
L'Archange nous raconte d'abord la naissance d'une surprenante amitié entre Jhen et le roi, après que ce dernier ait accidentellement décoiffé le héros. A plusieurs reprises, il sauve la vie de Jhen qui est la cible de complots cherchant à l'éliminer. Je note qu'Henri VI se fie à son ami malgré certaines évidences et, il faut bien l'avouer, seul un saint ou un fou peut ainsi protéger un étranger que tout semble désigner comme un ennemi.
Face à ce roi sans charisme, un démon (s'agit-il de Satan lui-même ?) décide de construire une cathédrale dédiée au mal. Cet édifice gigantesque doit dominer la cité de Londres, et il sera surmonté d'une statue en or représentant l'archange du mal. Cette histoire incroyable me fait penser à certaines légendes médiévales, car le diable était à cette époque un personnage bien "vivant". Cette action directe de Satan me semble être une faiblesse dans le scénario (nous sommes au XXIème siècle tout de même) mais Jacques Martin et Jean Pleyers la racontent avec un grand souci de réalisme. Il en résulte un album curieux, dont le ton est à moitié fantastique et à moitié historique.
Graphiquement, le récit est réalisé avec beaucoup de maîtrise. On découvre de multiples images de la cathédrale en fin de construction et pour mieux montrer son impressionnante élévation, les auteurs utilisent de grandes vignettes verticales, qui occupent parfois toute la hauteur de la page. Des angles de vue avec effet de plongée ou de contre plongée accentuent encore la sensation d'une hauteur vertigineuse.
Comme toujours, Pleyers dessine avec minutie les scènes de cour ou les parties de chasse dans les bois, en détaillant les costumes et les décors. Il dessine avec efficacité le tournoi de chevaliers auquel participe Jhen, bien qu'il ne soit pas noble lui-même (eh oui Jacques Martin prend tout de même des libertés avec l'histoire). J'aime particulièrement les images d'époque de Londres, dont les rues boueuses sont entourées par de belles maisons à colombages, et qui apparaissent grouillantes de cavaliers et de badauds.
En terminant ce livre, je retrouve tout de même cette perplexité qui m'avait assailli après ma première lecture, il y a 10 ans. Ce n'est pas la meilleure histoire de Jhen et j'ai au fond bien de la peine à y croire mais, dans ce récit peu réaliste, le Moyen-Age est décrit avec une certaine justesse. Faut-il le considérer comme un "mystère" issu du théâtre médiéval, une sorte de drame liturgique illustrant une fois de plus l'éternelle lutte du bien et du mal. Ce n'était pas, je crois, l'idée de Jacques Martin mais c'est bien l'interprétation que jai fini par retenir puisque, dans ce Moyen Age où l'histoire se mélange souvent à la légende, les auteurs se sont permis de prendre quelques libertés avec le réalisme.
J'avais bien pour ma part le souvenir qu'Henri VI était devenu aliéné, mais Jacques Martin était tellement péremptoire que je n'ai pas insisté. En fait, ce monarque reste un peu mystérieux. Fils du puissant Henri V (vainqueur d'Azincourt et héros d'une célèbre pièce de Shakespeare), Henri VI restera dans l'Histoire comme une victime. Il a été détrôné avant de se faire assassiner par son successeur Edouard IV et cette triste fin n'était pas totalement imméritée car le bilan de son règne était catastrophique. Le résultat de son action (ou plutôt de son inaction) politique peut se résumer ainsi : l'Angleterre perd la Guerre de Cent Ans avant de s'enfoncer dans la guerre civile (entre autre parce que le roi n'avait d'héritier). Dans l'Archange, le souverain est encore très jeune (il a moins de 20 ans) mais Jacques Martin prophétise malicieusement sa triste fin.
Henri VI était cependant généreux envers son peuple. Sa piété l'emportait sur tout autre considération et il est à l'origine de la construction de la chapelle du Kings College, à Cambridge, On lui doit également le collège d'Eton et Jacques Martin nous montre un jeune homme faible et naïf qui, face à la dureté du monde médiéval, semble se réfugier dans la religion.
L'Archange nous raconte d'abord la naissance d'une surprenante amitié entre Jhen et le roi, après que ce dernier ait accidentellement décoiffé le héros. A plusieurs reprises, il sauve la vie de Jhen qui est la cible de complots cherchant à l'éliminer. Je note qu'Henri VI se fie à son ami malgré certaines évidences et, il faut bien l'avouer, seul un saint ou un fou peut ainsi protéger un étranger que tout semble désigner comme un ennemi.
Face à ce roi sans charisme, un démon (s'agit-il de Satan lui-même ?) décide de construire une cathédrale dédiée au mal. Cet édifice gigantesque doit dominer la cité de Londres, et il sera surmonté d'une statue en or représentant l'archange du mal. Cette histoire incroyable me fait penser à certaines légendes médiévales, car le diable était à cette époque un personnage bien "vivant". Cette action directe de Satan me semble être une faiblesse dans le scénario (nous sommes au XXIème siècle tout de même) mais Jacques Martin et Jean Pleyers la racontent avec un grand souci de réalisme. Il en résulte un album curieux, dont le ton est à moitié fantastique et à moitié historique.
Graphiquement, le récit est réalisé avec beaucoup de maîtrise. On découvre de multiples images de la cathédrale en fin de construction et pour mieux montrer son impressionnante élévation, les auteurs utilisent de grandes vignettes verticales, qui occupent parfois toute la hauteur de la page. Des angles de vue avec effet de plongée ou de contre plongée accentuent encore la sensation d'une hauteur vertigineuse.
Comme toujours, Pleyers dessine avec minutie les scènes de cour ou les parties de chasse dans les bois, en détaillant les costumes et les décors. Il dessine avec efficacité le tournoi de chevaliers auquel participe Jhen, bien qu'il ne soit pas noble lui-même (eh oui Jacques Martin prend tout de même des libertés avec l'histoire). J'aime particulièrement les images d'époque de Londres, dont les rues boueuses sont entourées par de belles maisons à colombages, et qui apparaissent grouillantes de cavaliers et de badauds.
En terminant ce livre, je retrouve tout de même cette perplexité qui m'avait assailli après ma première lecture, il y a 10 ans. Ce n'est pas la meilleure histoire de Jhen et j'ai au fond bien de la peine à y croire mais, dans ce récit peu réaliste, le Moyen-Age est décrit avec une certaine justesse. Faut-il le considérer comme un "mystère" issu du théâtre médiéval, une sorte de drame liturgique illustrant une fois de plus l'éternelle lutte du bien et du mal. Ce n'était pas, je crois, l'idée de Jacques Martin mais c'est bien l'interprétation que jai fini par retenir puisque, dans ce Moyen Age où l'histoire se mélange souvent à la légende, les auteurs se sont permis de prendre quelques libertés avec le réalisme.
Dernière édition par Raymond le Lun 11 Aoû - 0:00, édité 1 fois