Jacques Martin aimait beaucoup le lac Léman. Les rives sont un lieu de promenade et on peut y voir les enfants qui jouent dans les parcs ou les bateaux de la CGN qui accostent à Ouchy, Lutry ou Cully. C'est un lieu de plaisance et chaque fois que j'allais le visiter l'année dernière, "le maître" me proposait de faire un petit tour au port de Lutry. Il ne marchait plus beaucoup mais il aimait rester là, à causer de choses et d'autres, et à humer l'ambiance des lieux.

Il aimait aussi les plaisirs de la table, et quand il écrivait dans cet album que "l'excellence des plats aide à la conversation", cela traduisait une évidente conviction intime. Il subissait avec philosophie les divers régimes que lui imposaient les médecins et on ne faisait donc pas de folie dans ce restaurant. On prenait simplement une boisson en devisant de choses et d'autres. Détail amusant: la table était divisée en deux. D'un côté, il y avait les dames qui parlaient enfants, ménage ou santé, et de l'autre les messieurs qui parlaient BD.

J'ai pensé à tout cela en relisant la Cible tout récemment. C'est un album que je n'ai pas souvent lu, il faut bien le dire. L'histoire m'avait semblé un peu curieuse, la toute première fois, et j'ai retrouvé aujourd'hui une impression de déséquilibre. L'histoire démarre bien pourtant, avec une petite séquence helvétique qui est bien sentie. Lefranc part ensuite au Québec, à la recherche d'industriels peu scrupuleux qui veulent enterrer des fûts toxiques sous une piste de ski, et son enquête se déroule dans des lieux bien reconstitués. Je ne suis jamais allé au Canada, mais j'imagine que Jacques Martin et Gilles Chaillet se sont livrés à un minutieux travail de repérage.

Il y a au départ une trame policière assez classique, ainsi que la création d'une ambiance. Tout change cependant au milieu de l'histoire, avec un attentat contre Lefranc, dont la voiture est propulsée au fond d'un fleuve. On pourrait presque croire qu'il est mort, et l'intrigue se déplace d'un coup au milieu du Pacifique. Un bateau arrive devant l'îlot Taka-Maruh et on apprend deux choses. Premièrement, qu'Axel Borg a sauvé Lefranc de la noyade, et deuxièmement qu'il va tout de même le tuer. En effet, Lefranc est déposé sur cet îlot qui va être la cible d'un missile atomique dans un délai de deux semaines.

A ce stade, j'ai compris le titre le l'album, bien sûr, mais pas le comportement d'Axel Borg.
Quoique ... ce n'est pas vrai ... j'ai bien une hypothèse ... mais je vous laisse la deviner.
C'est une transition brutale, en tout cas, et il y a un surprenant raccourci du scénario. On change par ailleurs de style et l'intrigue policière est alors remplacée par un récit de suspense. Lefranc va bien sûr se sortir d'affaire, mais à la suite d'un véritable thriller qui rappelle la manière des films de James Bond. La bombe est lancée contre l'île ... va t-elle éclater ... non elle est désamorcée à la dernière seconde .... on a déjà vu tout cela. Cela ne ressemble pas tout-à-fait à un Lefranc, je trouve, mais Jacques Martin semble y prendre du plaisir. Il raconte avec beaucoup de détails cette longue deuxième partie.
Quelques personnages intéressants apparaissent, comme Thelma Ritter-Borg, déjà entrevue dans l'Apocalypse, ou le célèbre danseur Lipsky, personnage semble t-il inspiré par le fameux Serge Lifar. Lipsky meurt à la fin de l'histoire et au vu des événements, on peut légitimement se demander si il a été empoisonné ? Jacques Martin ne nous éclaire cependant pas là-dessus, et Lefranc ne semble même pas se poser la question.

Au final, la Cible n'est pas un chef d'oeuvre, et je pense qu'il appartient plutôt à la catégorie des albums honorables. Le dessin de Gilles Chaillet est encore excellent, et cela se relit sans déplaisir. Mais relit-on encore souvent cet album, aujourd'hui ? C'est à vous de répondre.

Il aimait aussi les plaisirs de la table, et quand il écrivait dans cet album que "l'excellence des plats aide à la conversation", cela traduisait une évidente conviction intime. Il subissait avec philosophie les divers régimes que lui imposaient les médecins et on ne faisait donc pas de folie dans ce restaurant. On prenait simplement une boisson en devisant de choses et d'autres. Détail amusant: la table était divisée en deux. D'un côté, il y avait les dames qui parlaient enfants, ménage ou santé, et de l'autre les messieurs qui parlaient BD.


J'ai pensé à tout cela en relisant la Cible tout récemment. C'est un album que je n'ai pas souvent lu, il faut bien le dire. L'histoire m'avait semblé un peu curieuse, la toute première fois, et j'ai retrouvé aujourd'hui une impression de déséquilibre. L'histoire démarre bien pourtant, avec une petite séquence helvétique qui est bien sentie. Lefranc part ensuite au Québec, à la recherche d'industriels peu scrupuleux qui veulent enterrer des fûts toxiques sous une piste de ski, et son enquête se déroule dans des lieux bien reconstitués. Je ne suis jamais allé au Canada, mais j'imagine que Jacques Martin et Gilles Chaillet se sont livrés à un minutieux travail de repérage.

Il y a au départ une trame policière assez classique, ainsi que la création d'une ambiance. Tout change cependant au milieu de l'histoire, avec un attentat contre Lefranc, dont la voiture est propulsée au fond d'un fleuve. On pourrait presque croire qu'il est mort, et l'intrigue se déplace d'un coup au milieu du Pacifique. Un bateau arrive devant l'îlot Taka-Maruh et on apprend deux choses. Premièrement, qu'Axel Borg a sauvé Lefranc de la noyade, et deuxièmement qu'il va tout de même le tuer. En effet, Lefranc est déposé sur cet îlot qui va être la cible d'un missile atomique dans un délai de deux semaines.

A ce stade, j'ai compris le titre le l'album, bien sûr, mais pas le comportement d'Axel Borg.

Quoique ... ce n'est pas vrai ... j'ai bien une hypothèse ... mais je vous laisse la deviner.

C'est une transition brutale, en tout cas, et il y a un surprenant raccourci du scénario. On change par ailleurs de style et l'intrigue policière est alors remplacée par un récit de suspense. Lefranc va bien sûr se sortir d'affaire, mais à la suite d'un véritable thriller qui rappelle la manière des films de James Bond. La bombe est lancée contre l'île ... va t-elle éclater ... non elle est désamorcée à la dernière seconde .... on a déjà vu tout cela. Cela ne ressemble pas tout-à-fait à un Lefranc, je trouve, mais Jacques Martin semble y prendre du plaisir. Il raconte avec beaucoup de détails cette longue deuxième partie.
Quelques personnages intéressants apparaissent, comme Thelma Ritter-Borg, déjà entrevue dans l'Apocalypse, ou le célèbre danseur Lipsky, personnage semble t-il inspiré par le fameux Serge Lifar. Lipsky meurt à la fin de l'histoire et au vu des événements, on peut légitimement se demander si il a été empoisonné ? Jacques Martin ne nous éclaire cependant pas là-dessus, et Lefranc ne semble même pas se poser la question.

Au final, la Cible n'est pas un chef d'oeuvre, et je pense qu'il appartient plutôt à la catégorie des albums honorables. Le dessin de Gilles Chaillet est encore excellent, et cela se relit sans déplaisir. Mais relit-on encore souvent cet album, aujourd'hui ? C'est à vous de répondre.

Dernière édition par Raymond le Sam 23 Aoû 2014 - 8:28, édité 3 fois