Je n'alimente pas souvent cette rubrique, d'une part parce que je relis assez peu (il y a trop de nouveautés) et d'autre part parce qu'il me semble plus intéressant de commenter l'actualité. Mais il m'arrive tout de même de relire mes vieux albums usés par le temps (et aussi par des manipulations multiples). Ce week-end, il n'y avait pas de nouveauté importante et j'en profite pour donc vous parler d'un "vieux classique" de la BD franco-belge.
Connaissez vous
Timour contre Attila ? C'est une tout bonne histoire de la série des Timour, ou plutôt des
Images de l'Histoire du Monde pour reprendre le titre originel (un peu plus ronflant) du scénariste Xavier Snoeck. Pendant mon enfance, bien avant de posséder cet album, j'avais beaucoup rêvé devant cette couverture splendide qui montre le visa raffiné et rusé d'Attila, le terrible et légendaire Fléau de Dieu. Je fus un peu surpris par la suite de le voir faire preuve d'une étonnante générosité vis-à-vis de Timour, mais les héros ont toujours une certaine grâce qui leur est propre.
Les aventures historiques des Timour sont souvent de belles aventures au grand air, qui alternent la rêverie du voyage avec les folles cavalcades. Timour contre Attila ne fait pas exception à cette règle, car on n'y trouve presque pas de monuments ni d'architecture. Et cette image introductive en pleine campagne montre donc bien le ton général de cette histoire, composée de multiples explorations et de cruels combats.
Timour et ses compagnons avancent dans une campagne hostile où règne la peur de l'invasion des Huns, et on ressent tout de suite cette tension. Nous sommes en l'an 451, pendant les dernières décennies d'existence de l'Empire Romain et l'affrontement du héros contre les Huns commence. Au début, il n'y a que des escarmouches et la violence est uniquement suggérée. Il est vrai que l'on est dans le journal Spirou, envers qui la Censure se montre parfois sévère. Les auteurs utilisent donc souvent l'ellipse. Ils suggèrent la violence plutôt que de la montrer et si on devine facilement ci-dessous qu'un homme est mort, on ne le voit pas.
Les scènes de combats sont très présentes, mais pas toujours spectaculaires. Les coloristes en sont en partiellement responsables car on voit beaucoup de scènes de foules qui sont maladroitement recouvertes d'une teinte uniformément brunâtres. Les détails graphiques s'estompent ainsi et seul le récitatif de Xavier Snoeck permet au lecteur de se repérer dans le récit. On constate cependant sans peine que l'on meurt beaucoup dans cette histoire, et vous ne serez pas surpris d'apprendre que Sirius a souvent connu des problèmes de censure pendant ces années-là.
De combat en combat, Timour est finalement capturé et c'est ainsi qu'il se retrouve devant Attila. Le guerrier franc interpelle avec audace le Rois des Huns et ce dernier se montre presque magnanime. Il épargne le frère de Timour mais s'offrira le plaisir de torturer le héros du récit. La cruauté s'associe à l'élégance et le récit va désormais raconter le duel des deux personnages principaux. Un grand souffle épique commence à naître.
La cruauté du supplice de Timour n'était pas vraiment racontable en ce temps-là. Sirius utilise donc avec habileté les gros plans, afin que seuls les visages des protagonistes témoignent de la tension qui règne autour du poteau de torture. Le récitatif prend ainsi la place principale, comme bien souvent dans les BD de cette époque.
Timour échappe à son supplice, bien sûr, et la cavalcade reprend. Le héros fait temporairement alliance avec un autre guerrier et un humour malicieux apparait à l'occasion, grâce à de nouvelles ellipses. En fait, ce genre de cassure est un truc que Sirius aime bien utiliser et par la suite, l'humour prendra une place de plus en plus grande dans son œuvre.
Mais oublions les détails ! Le grand moment de l'album, c'est le récit épique de la bataille des Champs Catalauniques qui conclut toute l'histoire. Sirius prend pour une fois un peu de hauteur et compose d'intéressants plans généraux (assez mal coloriés d'ailleurs) qui montrent les adversaires en présence. Le général Aetius n'est que rapidement mentionné et c'est bien du côté de la cavalerie franque que le narrateur se place. Et au moment crucial du combat, ce sera le grand chef Mérovée qui sonnera la charge.
Et puis, une fois la bataille perdue, Attila qui s'enfuit rencontre une dernière fois Timour. Ce dernier est blessé mais toujours aussi fier, et l'on retrouve dans leur conversation la nostalgie d'une amitié qui ne pouvait pas exister. Toujours le souffle du romantisme !
Et Attila quitte à nouveau Timour en faisant un beau geste. Le héros se dresse alors devant ce qui reste du champ de bataille, et contemple paisiblement cette plaine remplie de cadavres. Et le vent qui souffle à ce moment-là soulève un grand nuage de poussière ... fin de l'histoire !
Soyons honnête !
Timour contre Attila n'est pas un chef-d'œuvre, mais c'est quand même une belle aventure, et une bonne BD qui est honnêtement dessinée par Sirius. Un lecteur moderne pourrait facilement y critiquer l'abondance du texte, le manque de détails dans le décor, l'idéologie un peu trop "scout" et les couleurs parfois épouvantables, mais il y a tout de même dans cette histoire un ton épique et des élans de générosités qui participent au romantisme évident de cette histoire. Tout cela est un peu naïf, certes, mais le romantisme n'est pas un handicap pour une bande dessinée, surtout lorsque la cruauté, la mort et l'amitié y sont exposées d'une façon simple, avec un enchaînement logique et parfois avec une pincée d'humour. Malgré la censure qui veillait, les deux auteurs ont tout de même travaillé avec une certaine liberté.
Je n'arrêterai jamais de relire mes vieux albums de Timour !
Entre
EE et
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