J'ai enfin lu ce nouveau Lefranc pendant le samedi après-midi, et ce fût une agréable surprise !
Précisons d'abord que c'est une intrigue entièrement policière et que le scénariste Corteggiani semble avoir abandonné toute velléité de raconter un récit fantastique. Sous sa plume, les aventures de Lefranc restent des polars ou des récits d'espionnage mais ce n'est au fond pas désagréable. Les ambiances réalistes conviennent bien à Lefranc et le début de cet album nous plonge d'emblée dans une belle scène nocturne, dans la vieille ville de Gand. Ce genre de séquence nous rappelle bien sûr "La Marque Jaune" et on a aussitôt le sentiment que tout pourrait se passer.
Consacré en partie au célèbre triptyque des Juges Intègres (nous en avons déjà parlé), cet album bien documenté nous présente surtout le monde des faux tableaux et du traffic d'œuvres d'art. La fiction se mélange tout naturellement avec quelques faits authentiques et je n'ai pas encore élucidé certains détails, mais le sujet m'a passionné. J'aime en fait quand l'art se mélange aux enquêtes policières (comme par exemple dans "L'Art du Crime", série télévisuelle que l'on peut voir en ce moment sur les chaînes françaises).
Les femmes sont présentes dans la série, et on retrouve à nouveau la jeune stagiaire Mélanie Cardo, qui prend de plus en plus de place dans la série. Je suppose qu'eleanore-clo ne sera pas d'accord avec moi, mais je trouve que ce personnage est bien conçu. Mélanie a de l'intelligence et du caractère et lorsqu'elle est présente, les conversations deviennent pleines de vie. La série s'éloigne un peu de la banalité policière.
Certains d'entre vous l'ont déjà signalé, il y a dans cet album beaucoup d'hommages sympathiques envers des personnages réels ou fictifs. Et c'est ainsi que l'on retrouve l'écrivain Bob Garcia (qui a beaucoup écrit sur Hergé et qui est probablement un ami de Corteggiani), le dessinateur/coloriste martinien Erwin Drèze (hélas décédé) ainsi que le grand dessinateur flamand Hec Leemans, auteur bien connu de la longue série Bakelandt qui est hélas un peu méprisée chez nous. Peut-être y a t-il encore d'autres apparitions que je n'ai pas reconnues.
Et puis, plusieurs membres du forum ont déjà remarqué la présence du fameux cambrioleur André Papignoles, plus connu sous le nom de Libellule, et cet illustre personnage des années 50 nous ramène un peu au monde de Tillieux. Libellule n'est dans ce livre qu'un simple barman mais on retrouve avec un brin de nostalgie son célèbre rire. Il ne fait nul doute que Gil Jourdan ne doit pas être loin.
Il faut également faire l'éloge du dessin de Christophe Alvès qui a maintenant attient une belle maturité. Les personnages (en particulier Lefranc) sont dessinés avec une belle constance et son trait se distingue par un parfait compromis de rigueur et de dynamisme. Alvès compose par ailleurs de belles et grandes illustrations qui deviennent de charmants tableaux et j'ai tout particulièrement apprécié cette grande image d'une rue parisienne, pleine de vie et de détails typiques des années 50. C'est tout un monde en partie disparu qui revit avec cette belle case.
Et c'est ainsi que cet album frais et dynamique se révèle plein de découvertes et de bonnes surprises. Il faudra que je creuse encore certains détails et cela me promet de belles relectures, car il y a sûrement un certain nombre de détails qui m'ont échappés.
Ce n'est bien sûr pas du Jacques Martin, mais c'est quand même un bon Lefranc.