Pablo Auladell, né en 1972 à Alicante, est un auteur d'une remarquable originalité dont l'oeuvre a souvent partie liée avec la littérature. Autodidacte, il travaille en qualité (notamment des contes de Grimm et d’Andersen) mais est aussi auteur de bandes dessinées, notamment pour les éditions Sinsentido, Anaya et Ponent. En 2008, son album Soy mi sueño, sur scénario de Felipe Hernandez Cava, est très remarqué. La Torre blanca (La Tour blanche) reçoit le prix de la révélation au Salon de Barcelone en 2006, tout en étant également nominée dans les catégories « meilleure œuvre » et « meilleur dessin ».
A partir de 2010, sollicité par un éditeur de poésie, Pablo Auladell entreprend la tache écrasante d'adapter en bande dessinée Le Paradis perdu de John Milton, immense poème épique dont la première version remonte à 1667 et dans lequel l'auteur dépeint l'histoire de la Chute d'Adam et Eve, conséquence de celle de Satan et des Anges rebelles qui ont suivi celui-ci dans sa révolte contre Dieu.
A partir de 2010, sollicité par un éditeur de poésie, Pablo Auladell entreprend la tache écrasante d'adapter en bande dessinée Le Paradis perdu de John Milton, immense poème épique dont la première version remonte à 1667 et dans lequel l'auteur dépeint l'histoire de la Chute d'Adam et Eve, conséquence de celle de Satan et des Anges rebelles qui ont suivi celui-ci dans sa révolte contre Dieu.
C'est à un travail de longue haleine que Pablo Auladell s'attaque alors, ainsi qu'il le précise dans la préface de l'édition française publiée chez Actes-Sud. Il commence par le premier livre du poème, Satan, où est racontée la révolte de Satan contre l'exil auquel lui et ses fidèle sont été condamnés après avoir refusé d'obéir. Après une interruption de deux ans, il reprend son travail qu'il conduira à son terme avec la parution de l'ensemble en 2015, non sans avoir connu de nombreux moments de doute dus à l'ampleur de la tache mais aussi à l'évolution de son propre style graphique. Comme il s'en explique dans sa préface, Pablo Auladell, après avoir songé à tout détruire et tout reprendre à la base, finit par intégrer cette évolution et les faiblesses dont elle prote à ses yeux les stigmates, dans le processus de sa création
Dans la première partie, Satan qui ne peut accepter la condamnation à séjourner aux enfers sans réaction audacieuse convoque les Anges déchus qui sont comme on le découvre alors une assemblée de dieux païens et décide de s'attaquer au niveau monde entretemps créé par Dieu et aux êtres qui en sont les bénéficiers, à sa voir les êtres humains en la personne d'Adam et Eve. Dans un premier temps, Satan doit parvenir à traverser les enfers en en forçant le gardien qui n'est autre que son fils, l'esprit de la mort, à lui ouvrir le passage.
Une fois cette première étape accomplie, Satan peut approcher de la terre et, en cessant de se métamorphoser afin croit-il de se dissimuler, espionner de l'intérieur l'existence d'Adam et Eve au Paradis. Mais l'Ange Gabriel a surpris sa présence et l'arrête au moment où il s'attaque à Eve pendant son sommeil, puis le lendemain, afin de mettre en garde le couple humain contre les agissements de Satan, il leur raconte l'histoire de sa rébellion initiale contre Dieu dans une séquence somptueuse où les combats entre légions divines et Anges rebelles évoquent les batailles de super héros dans Kingdom Come d'Alex Ross et Mark Waid, quoique dans un style graphique extrêmement différent bien sûr - viendront ensuite l'épisode de la tentation, de la Chute d'Eve puis d'Adam et enfin la condamnation chassant les deux victimes de Satan du Paradis. La dernière image nous montrer les chérubins barrant l'accès de leurs épées flamboyantes.
Il me faut dire l'admiration que j'éprouve devant le somptueux travail de Pablo Auladell qui associe fusain et lavis avec une puissance visionnaire sans égale. Une longue critique parue sous le titre La croix et la Bannière, dans Sens Critique BD, peu après la parution française de l'ouvrage, précise de façon très juste et significative la nature du travail accompli par Pablo Auladell :
"Pour Auladell l'interprétation doit être véhiculée par plusieurs choix esthétiques raisonnés: D'abord la texture, appuyée ici par les effets de matière provoqués par les crayonnés rehaussés de pastels, de lavis et de fusains. La technique imprime le grain d'une épaisseur aux choses et aux êtres, les encombrent d'une masse congrue et de postures hiératiques qui conviennent à une iconographie chrétienne héritée des primitifs italiens. Cette référence s'affirme aussi bien dans la représentation de la nature édénique que dans le dessin des visages, paupières béates et doigts sinueux du sacrement citent Giotto et l'école florentine jusqu'à Botticelli; les physionomies et les cadrages, qu'ils évoquent la divinité ou suscitent une proximité charnelle, payent leurs dettes à Blake, Martin et Doré. Un champ référentiel documenté et synthétique qui préside au style expressionniste du dessinateur, où le graphisme varie selon les soubresauts de la narration, et y participe donc pleinement. Que l'orgueil de Lucifer soit blessé par l'élection du Fils de Dieu, et son visage se brouille dans la figure d'un oiseau de proie charbonneux. Qu'il brandisse son poing menaçant à la face de Gabriel, et son membre s'atrophie jusqu'à devenir une masse boursouflée. Qu'il s'agisse de faire la démonstration de sa puissance, et son corps prend les dimensions d'un géant terrible, procédé récurrent de la littérature sacrée quand elle veut affirmer l'échelle du divin.
"Pour Auladell l'interprétation doit être véhiculée par plusieurs choix esthétiques raisonnés: D'abord la texture, appuyée ici par les effets de matière provoqués par les crayonnés rehaussés de pastels, de lavis et de fusains. La technique imprime le grain d'une épaisseur aux choses et aux êtres, les encombrent d'une masse congrue et de postures hiératiques qui conviennent à une iconographie chrétienne héritée des primitifs italiens. Cette référence s'affirme aussi bien dans la représentation de la nature édénique que dans le dessin des visages, paupières béates et doigts sinueux du sacrement citent Giotto et l'école florentine jusqu'à Botticelli; les physionomies et les cadrages, qu'ils évoquent la divinité ou suscitent une proximité charnelle, payent leurs dettes à Blake, Martin et Doré. Un champ référentiel documenté et synthétique qui préside au style expressionniste du dessinateur, où le graphisme varie selon les soubresauts de la narration, et y participe donc pleinement. Que l'orgueil de Lucifer soit blessé par l'élection du Fils de Dieu, et son visage se brouille dans la figure d'un oiseau de proie charbonneux. Qu'il brandisse son poing menaçant à la face de Gabriel, et son membre s'atrophie jusqu'à devenir une masse boursouflée. Qu'il s'agisse de faire la démonstration de sa puissance, et son corps prend les dimensions d'un géant terrible, procédé récurrent de la littérature sacrée quand elle veut affirmer l'échelle du divin.
"Ces figures de style côtoient des panoramas silencieux et la délicate symétrie des visages romans, auxquels l'auteur accorde des attentions particulières, postulant que leurs physionomie traduise quelques vérités intérieurs - Ainsi les habitants du ciel partagent-ils des profils aviaires hérités de la Colombe immaculée, tandis que les anges révoltés se trouvent affublés de masques grotesques et bigarrés faisant passer leur assemblée pour un conclave de dieux païens ou une sinistre Commedia Dell'Arte, dans laquelle on sent poindre, peut être, les danses macabres imaginées par Jérôme Bosch.
Les regards forgent les expressions complexes de la suggestion - Le visage mobile de Satan s'oppose aux traits résolus et acérés de l'archange Michel sa némésis, Les silences de Belzébuth suspendent le temps à son regard mélancolique et lucide. Ève tend le Fruit à Adam, elle nous le tend, et dans son regard confiant affleure déjà la compréhension du Mal. Ce fruit, ce sourire esquissé et ce regard entendu deviennent captivants de justesse et forment une image iconique, une icône parmi d'autres capables de contenir le livre à elles seules."
L'ensemble de l'article peut être retrouvé ici : https://www.senscritique.com/bd/Le_Paradis_perdu_de_John_Milton/critique/50526601
Pour ma part, je ne peux que recommander à tous ceux qui ne connaissent pas encore cette oeuvre, de la lire et surtout, de se laisser glisser en elle sans se soucier forcément de suivre le récit que nous donne le poème en dialogue avec les peintures dessins de Pablo Auladell, parfois en vastes pages qui sont des tableaux à part entière. Le texte en version française vient de la traduction du poème de Milton par Chateaubriand. Il est d'une grande beauté et les images conviennent sans nulle faille à sa tonalité sombre.
Les regards forgent les expressions complexes de la suggestion - Le visage mobile de Satan s'oppose aux traits résolus et acérés de l'archange Michel sa némésis, Les silences de Belzébuth suspendent le temps à son regard mélancolique et lucide. Ève tend le Fruit à Adam, elle nous le tend, et dans son regard confiant affleure déjà la compréhension du Mal. Ce fruit, ce sourire esquissé et ce regard entendu deviennent captivants de justesse et forment une image iconique, une icône parmi d'autres capables de contenir le livre à elles seules."
L'ensemble de l'article peut être retrouvé ici : https://www.senscritique.com/bd/Le_Paradis_perdu_de_John_Milton/critique/50526601
Pour ma part, je ne peux que recommander à tous ceux qui ne connaissent pas encore cette oeuvre, de la lire et surtout, de se laisser glisser en elle sans se soucier forcément de suivre le récit que nous donne le poème en dialogue avec les peintures dessins de Pablo Auladell, parfois en vastes pages qui sont des tableaux à part entière. Le texte en version française vient de la traduction du poème de Milton par Chateaubriand. Il est d'une grande beauté et les images conviennent sans nulle faille à sa tonalité sombre.