La saga de Grimr fait partie de la sélection officielle du festival d’Angoulême 2018 et je suis très heureuse d'évoquer cette épopée.
Quel est le vrai héros de cette BD ? Un jeune homme maltraité par la vie ou une ile volcanique perdue dans le Nord-Atlantique ? Sans hésiter, je penche vers la 2ème hypothèse. En fait, la vie de Grimr est un prétexte utilisé par Jérémie Moreau pour nous emmener en l’Islande, ce pays rude et minéral. L'intrigue se déroule au XVIIIème siècle. Un enfant, à la force colossale, Grimr, perd ses parents lors d’une éruption volcanique. Il est alors recueilli et élevé par un vagabond, Vigmar. Le jeune homme est ambitieux et volontaire. A 14 ans, Victor Hugo aurait écrit : Je veux être Chateaubriand ou rien. Et on retrouve ici cette volonté de s’élever, et de triompher des obstacles. Mais les hommes vont contrarier le destin de Grimr. A l’époque, l’Islande est sous domination danoise, et ce désir de liberté et de grandeur, cette recherche de la justice et de l’indépendance ne plaisent pas à l'occupant. Devenu adulte, Grimr restera un vagabond, au destin pathétique puis tragique. L'enfant, puis le jeune homme, évoluent dans toutes sortes de paysages différents, maritimes, montagneux, désertiques, et les grandes crises de sa vie se confondent avec de grands bouleversements naturels, météorologiques ou volcaniques. La BD, quoique réaliste, s'autorise une once de fantastique, car le héros semble en communion avec la terre et pressent séismes et éruptions.
La BD traite aussi de la solitude. Grimr perd ses parents, puis son père adoptif. Et la relation avec la femme qu'il aime sera marquée par l’épreuve de la distance. Dans une ile désertique où l'homme est seul face à la nature, il ne peut pas compter sur les siens. Les communautés sont minuscules et perdues dans l'immensité.
L'injustice est aussi un des thèmes majeurs de l’œuvre : l'injustice politique des danois confisquant le pouvoir, l'injustice sociales des nantis fasse aux démunis. Grimr va toutes les subir, dans une spirale négative sans fin. Là encore, le pays et les cœurs sont aussi durs les uns que les autres.
Le dessin est grandiose, et il émane une force primaire de ces paysages volcaniques. La juxtaposition de touches longues fait parfois penser à Van Gogh ou à Derain, même si nous sommes ici beaucoup plus au Nord, et si les tonalités sont infiniment plus sombres. Manifestement, Moreau apprécie l’Islande. Nous retrouvons donc les couleurs si particulières de ce pays, le gris des nuages, le rouge des rhyolithes, le noir des obsidiennes, le bleu des lacs, le vert des tapis de mousse. De grandes vignettes reproduisent des sites célèbres. Ceux qui ont eu la chance de randonner en Islande reconnaitront le Landmannalaugar. Face à tant de majesté, le scénariste se tait et les grandes vignettes sont muettes. La BD n'en souffre pas et prend même des allures de carte postale !
Le dessin des personnages reflète très intelligemment leur personnalité et la présence physique de Grimr traduit non seulement sa force mais aussi son héroïsme. La roublardise de Vigmar se lit dans ses yeux. Et l'évanescence de la fiancé de Grimr transparait dans sa maigreur et dans la couleur pâle de ses cheveux.
La BD
La réalité
L’Islande et ses décors semblant remonter aux origines de la terre ont inspiré de nombreux artistes. Ainsi, Le voyage au centre de la terre de Jules Verne commençait au pied du volcan Snæfellsjökull. Plus près de nous, l’acteur-réalisateur Ben Stiller y a tourné plusieurs scènes de La vie rêvée de Walter Mitty. Sans parler de la chanteuse islandaise Björk dont la chanson Black Lake nous emmène au milieu des volcans et de la toundra. Jérémie Moreau emboite ici le pas de ses glorieux prédécesseurs. Il nous livre une BD sans concession à la fois âpre et douce, émouvante et glaciale, tendre et violente. N'hésitez pas à vous y arrêter quelques minutes.
Quel est le vrai héros de cette BD ? Un jeune homme maltraité par la vie ou une ile volcanique perdue dans le Nord-Atlantique ? Sans hésiter, je penche vers la 2ème hypothèse. En fait, la vie de Grimr est un prétexte utilisé par Jérémie Moreau pour nous emmener en l’Islande, ce pays rude et minéral. L'intrigue se déroule au XVIIIème siècle. Un enfant, à la force colossale, Grimr, perd ses parents lors d’une éruption volcanique. Il est alors recueilli et élevé par un vagabond, Vigmar. Le jeune homme est ambitieux et volontaire. A 14 ans, Victor Hugo aurait écrit : Je veux être Chateaubriand ou rien. Et on retrouve ici cette volonté de s’élever, et de triompher des obstacles. Mais les hommes vont contrarier le destin de Grimr. A l’époque, l’Islande est sous domination danoise, et ce désir de liberté et de grandeur, cette recherche de la justice et de l’indépendance ne plaisent pas à l'occupant. Devenu adulte, Grimr restera un vagabond, au destin pathétique puis tragique. L'enfant, puis le jeune homme, évoluent dans toutes sortes de paysages différents, maritimes, montagneux, désertiques, et les grandes crises de sa vie se confondent avec de grands bouleversements naturels, météorologiques ou volcaniques. La BD, quoique réaliste, s'autorise une once de fantastique, car le héros semble en communion avec la terre et pressent séismes et éruptions.
- Spoiler:
- Jérémie Moreau ira d'ailleurs jusqu'au bout de cette logique de mise en parallèle en faisant de la lave d'un volcan le tombeau de Grimr
La BD traite aussi de la solitude. Grimr perd ses parents, puis son père adoptif. Et la relation avec la femme qu'il aime sera marquée par l’épreuve de la distance. Dans une ile désertique où l'homme est seul face à la nature, il ne peut pas compter sur les siens. Les communautés sont minuscules et perdues dans l'immensité.
L'injustice est aussi un des thèmes majeurs de l’œuvre : l'injustice politique des danois confisquant le pouvoir, l'injustice sociales des nantis fasse aux démunis. Grimr va toutes les subir, dans une spirale négative sans fin. Là encore, le pays et les cœurs sont aussi durs les uns que les autres.
Le dessin est grandiose, et il émane une force primaire de ces paysages volcaniques. La juxtaposition de touches longues fait parfois penser à Van Gogh ou à Derain, même si nous sommes ici beaucoup plus au Nord, et si les tonalités sont infiniment plus sombres. Manifestement, Moreau apprécie l’Islande. Nous retrouvons donc les couleurs si particulières de ce pays, le gris des nuages, le rouge des rhyolithes, le noir des obsidiennes, le bleu des lacs, le vert des tapis de mousse. De grandes vignettes reproduisent des sites célèbres. Ceux qui ont eu la chance de randonner en Islande reconnaitront le Landmannalaugar. Face à tant de majesté, le scénariste se tait et les grandes vignettes sont muettes. La BD n'en souffre pas et prend même des allures de carte postale !
Le dessin des personnages reflète très intelligemment leur personnalité et la présence physique de Grimr traduit non seulement sa force mais aussi son héroïsme. La roublardise de Vigmar se lit dans ses yeux. Et l'évanescence de la fiancé de Grimr transparait dans sa maigreur et dans la couleur pâle de ses cheveux.
La BD
La réalité
L’Islande et ses décors semblant remonter aux origines de la terre ont inspiré de nombreux artistes. Ainsi, Le voyage au centre de la terre de Jules Verne commençait au pied du volcan Snæfellsjökull. Plus près de nous, l’acteur-réalisateur Ben Stiller y a tourné plusieurs scènes de La vie rêvée de Walter Mitty. Sans parler de la chanteuse islandaise Björk dont la chanson Black Lake nous emmène au milieu des volcans et de la toundra. Jérémie Moreau emboite ici le pas de ses glorieux prédécesseurs. Il nous livre une BD sans concession à la fois âpre et douce, émouvante et glaciale, tendre et violente. N'hésitez pas à vous y arrêter quelques minutes.