J’ai eu l’occasion cet été, sur un festival d’histoire vivante près d’Aix en Provence, de rencontrer le scénariste Silvio Luccisano. Il m’a expliqué les recherches qu’il mène depuis de nombreuses années en histoire et en archéologie et sa façon d’incorporer les données de cette science dans ses scénarii de façon à mieux reconstituer la période concernée par le récit et la rendre plus vivante. Je voudrais donc ici apporter quelques précisions d’après ses dires.
Tout d’abord il me faut revenir sur l’expression employée par Ajax,
« les membres de l’équipe initiale d'Assor-BD éclatée ». La BD est avant tout un travail d’auteurs et sur l’album
Alésia les auteurs principaux sont le trio, Ansar, Luccisano, Rodriguez (que l’on retrouve sur
Gergovie, la victoire), auquel il faut ajouter les trois dessinateurs ayant terminés l’album et la coloriste. Assor BD étant l’éditeur ne peut donc faire partie, stricto sensu, de l’équipe initiale. Notons que même si un éditeur a un droit de regard sur le contenu d’un album, son travail ne consiste qu’à s’occuper de la maquette et de l’impression de l’ouvrage. Tout le travail de réalisation des albums BD dont nous parlons ici (recherche de la documentation historique et archéologique, scénario, découpage, dessins, couleurs et écriture des articles du cahier pédagogique), est le fruit des auteurs et non de l’éditeur.
Ensuite, je ne suis pas du tout d’accord avec Jean Dumont lorsqu’il affirme que
« Je suis même surpris que le Gergovie, la victoire ne soit pas plus dans le droit fil de l'Alésia, car enfin Luccisano Rodriguez et Ansar auraient pu présenter quelque chose d'aussi abouti... Gallia Vetus éditions n'a donc pas la même rigueur qu'Assor Bd et MuséoParc Alésia réunis. ». C’est attribuer à tort tout le mérite de la réalisation de la BD à l’éditeur alors que celui-ci revient aux auteurs. Si cette BD
Alésia est si bien aboutie comme vous dites, c’est grâce à ses auteurs et non à Assor bd.
Mais, c’est aussi méconnaître totalement d’une part l’archéologie et d’autre part le travail de recherche et de scénarisation de ce même Silvio Luccisano dont les 6 albums chez Assor BD sont aujourd’hui une référence pour la rigueur des reconstitutions dessinées et l’apport de l’archéologie dans la BD. Nous lui devons la belle série du
Casque d’Agris, Postumus empereur gaulois et bien sûr
Alésia. Comment imaginer un seul instant que son travail sur
Gergovie (et celui de ses co-auteurs) ne soit pas aussi abouti que celui sur ses autres albums ? Si tel avait été le cas, il n’aurait jamais obtenu la préface (et la caution) de M. Vincent Guichard directeur Général de Bibracte, ni celle des autres archéologues qui l’ont conseillé.
Parlons reconstitutions archéologiques à présent, ce qui pour moi, étant en Master d’Histoire et d’Archéologie antique, est relativement aisé. Se baser sur cette discipline pour restituer le mieux possible un univers dans une bd est une très bonne chose et je suis pour à 100%. Cependant, il y a archéologie et archéologie et l’étudiant que je suis peut ici argumenter. Reconstituer les données de l’archéologie ce n’est pas seulement reconstituer telle ou telle « grosse découverte », comme « la porte de Gergovie », « l’hémicycle » de Corent, ou les remparts de Gondole. Non, s’appuyer sur l’archéologie s’est aussi restituer en dessins l’ensemble des données et des recherches recueillies sur une époque, comme : l’armement, le mobilier céramique, les bijoux, le petit mobilier, etc…bref, tout ce qui rend plus vivant et plus réaliste la bd.
Et là, M. Dumont, il n’y a pas photo sur Gergovie,
le cru 2016 et bien supérieur au cru 2017, désolé.
Ce cru 2017 regorge d’erreurs et d’anachronismes ; je cite l’exemple de la couverture où il manque un talon en fer à la hampe du pilum planté en terre et où le glaive du légionnaire ressemble plus à une
spata du IVème siècle qu’à un glaive républicain. Et que dire de la voie dallée descendant de l’oppidum, voie non retrouvée en fouille. Et les exemples de ce genre sont nombreux dans l’album.
Notons au passage que si le cru 2016 est loin d’être parfait, ce genre d’erreur de débutant ne s’y retrouve pas.
En conclusion et pour reprendre la formule de M. Dumont je dirais, au vu de ces détails, que c’est plutôt
Assor bd qui n'a pas la même rigueur que Luccisano et MuséoParc Alésia réunis.
Parlons de la « porte de Gergovie » dénommée porte sud par les archéologues. Au moment où l’équipe du Gergovie 2016 terminait ses dessins, c’est-à-dire fin 2015, sa présence était soupçonnée par les archéologues mais non encore découverte en fouille. Elle ne le sera qu’à l’été 2016. On ne peut donc reprocher aux auteurs de ne pas l’avoir dessiné telle que le montrent les données de fouilles. Cependant, conscient de l’importance de ces découvertes, le trio Ansar, Luccisano, Rodriguez, a sorti en juillet dernier un collector de son album (celui dont parle Ajax plus haut), agrémenté de 8 pages actualisant l’archéologie du site et représentant bien cette porte.
Quant à « l’hémicycle » de Corent, interrogé sur ce point S. Luccisano m’a répondu que l’hypothèse de voir dans les données de fouilles un édifice de ce genre attendait d’être confirmée, et que pour rester prudent il a préféré en faire abstraction la jugeant par ailleurs inutile à sa narration. Peut-on, là aussi, lui reprocher sa prudence ou ses choix narratifs ?
Voilà, je voulais ici rendre aux auteurs du Gergovie 2016, ce qui leur appartient.
Leur Gergovie s’inscrit bien dans la continuité de leur Alésia :
l’on y retrouve les mêmes personnages (historiques et fictifs), le même dessin, la même âme narrative et bien sûr le même esprit et la même rigueur dans le rendu des reconstitutions archéologiques dessinées tout comme dans l’excellent cahier pédagogique.
Le cru 2017 est différent, réalisé par d’autres auteurs. On peut d’ailleurs s’interroger sur la pertinence d’un pareil « doublon » commandé et publié par l’ancien éditeur du trio à l’origine de cette saga. Pourquoi et dans quel but ?
Aux lecteurs de juger.