Eh bien ...
l'Arabe du Futur est un vrai roman graphique, qui fait 6 tomes et 35 chapitres. On peut donc en attendre tout ce que l'on peut espérer d'un roman : un récit solide, des personnages réalistes, un style personnel et expressif (graphique bien sûr), une description psychologique cohérente, des rebondissements de l'intrigue et enfin un message final adressé au lecteur. Et dans ce beau roman en bandes dessinées, le message principal est à mon avis qu'il faut faire confiance en l'homme, et aussi en soi-même, malgré toutes les crises et tous les drames qui peuvent survenir dans une vie. L'individu possède en lui-même des ressources étonnantes qui peuvent lui permettre de franchir tous les obstacles et de surmonter les épreuves de l'existence. Voilà ce que je retiens finalement de ce
tome 6 ... dont je viens de terminer la lecture.
Rappelons sinon qu'à la fin de tome 4, le père de Riad était reparti en cachette en Syrie, en emmenant avec lui son fils cadet et en vidant les comptes en banque de la famille. La mère en reste bien sûr catastrophée et elle entreprend depuis toutes sortes de choses pour récupérer son fils. Ses efforts restent vains et la famille tombe lentement en ruines. L'adolescent qu'est alors Riad traverse une longue période de crise et ses résultats scolaires sont catastrophiques. Il se réfugie dans le monde des jeux vidéos, tandis que la famille (en particulier sa mère) devient invivable.
Riad finit par se reprendre et s'inscrit dans une école de dessin, afin de devenir dessinateur de BD. Il reste cependant hanté par l'image de son père qui envahit à tout moment ses pensées, en se moquant de lui et de la vanité de ses efforts. Il est psychologiquement blessé par son enfance chaotique et c'est une nouvelle épreuve qu'il doit affronter, avec l'aide d'une psychiatre.
L'incertitude par rapport au petit frère de Riad (enlevé par son père en Syrie) est une autre source de désespoir et de sentiment d'impuissance. Aussi bien Riad que sa mère font diverses tentatives pour renouer des liens avec lui, mais ils rencontrent peu de succès ! Et le dernier tome tourne entièrement autour de cette sempiternelle question : Riad reverra t-il son frère ?
Les premiers chapitres de l'Arabe du Futur étaient caustiques, pour ne pas dire franchement humoristiques, mais la conclusion de ce long récit adopte un ton bien plus grave. Le pittoresque récit de "l'Arabe du présent" (le père de Riad) s'interrompt pour se consacrer entièrement à l'Arable du Futur (Riad lui-même), et l'épopée satirique qui racontait les voyages d'une famille franco-syrienne au Moyen-Orient se transforme dès lors en un émouvant roman d'apprentissage. Et pour l'auteur de cette autobiographie, c'est bien sûr sa percée dans le monde de la bande dessinée qui lui a permis d'échapper à un destin misérable. L'album raconte donc la gestation des premières œuvres de Riad
Sattouf, ainsi que ses premières rencontres avec les grands auteurs de BD. On y retrouve entre autre un sympathique et surprenant Emile Bravo, dessinateur intelligent et empathique qui va aider Riad à faire les bons choix.
A la fin de l'histoire, quelques membres de la famille s'en sortent pas trop mal mais je ne vous raconterai bien sûr pas tous les détails. Riad
Sattouf devient un auteur à succès, comme prévu, tandis que la conclusion du récit se veut plutôt ouverte et nostalgique. On ne peut jamais trouver de solutions à tout mais la guerre civile en Syrie a redistribué les rôles d'une façon imprévue. Face à une situation inextricable, il suffit parfois d'attendre !
Que dire sinon de cet énorme roman graphique ? C'est un chef d'œuvre, bien sûr, grâce à la sincérité de l'auteur, en premier lieu, mais aussi grâce à une intelligente mise en perspective de l'éternelle question des rapports entre l'Orient et l'Occident. il n'est pas simple de se marier avec une personne ayant été éduquée dans une autre cuture et le drame familial des
Sattouf était peut-être inévitable. Les journaux n'arrêtent pas de nous signaler des histoires d'hommes (ou de femmes) qui repartent dans leur pays natal, en emmenant leurs enfants, et notre mode de vie de plus en plus international ne fait qu'augmenter ce genre de circonstances. On n'a certainement pas fini de raconter (ou de mettre en BD) des histoires de "citoyens du futur".
Ce tome 6 est sinon moins drôle que les premiers albums de la saga mais on ne peut pas le juger séparément du reste. Il y a simplement "l'Arabe du Futur", un gros roman à la fis drôle et dramatique, qui sera probablement publié un jour sous la forme d'un livre unique. C'est en tout cas un chef d'œuvre de la BD.
EEEE