Reparlons un peu de
L'arabe du Futur ! C'est une des toutes bonnes lectures de ces dernières semaines.
Né d'un père syrien et d'une mère bretonne, Riad Sattouf a suivi normalement ses parents de pays en pays durant toute son enfance. Son père arabe souhaitant légitimement revoir sa terre natale, le petit Riad a passé plusieurs années en Syrie, après avoir vécu quelques temps en Lybie. Entre deux séjours au Moyen-Orient, la famille est passée puis repassée par la France, et ce sont ces souvenirs de jeunesse que le dessinateur raconte dans le premier tome de ses mémoires.
La grande figure de ce récit est certainement le père du dessinateur. A moitié naïf et à moitié réactionnaire, cet intellectuel musulman s'enthousiasme pour les grandes figures du monde arabe, comme par exemple le colonel Khadafi. En fait, son attitude et ses déclarations n'arrêtent pas de surprendre le lecteur, car il profère avec assurance d'étonnantes énormités. De plus, il entraîne sa famille dans des milieux orientaux légèrement hostiles et franchement traditionalistes, qui peuvent paraître aujourd'hui invivables.
Riad Sattouf s'est semble t-il brouillé plus tard avec ce père rigide et immature, et l'on devine un peu pourquoi en lisant ce livre. Au fait : Riad Sattouf est-il l'arable du futur, ou serait-ce plutôt son père ?
Cette BD permet donc de découvrir de l'intérieur l'enfance d'un musulman. Ses parents l'élèvent tantôt sur un mode traditionnel et tantôt d'une façon bohème, et il en résulte un curieux mélange d'influences. Comme l'enfant qu'il a été, Riad raconte cette suite d'expérience d'un ton naïf. Son absence de parti pris, même si l'on y devine par moment une certaine ironie, donne une singulière force à son récit. Assez proche sous certains aspects, le monde musulman peut aussi parfois nous devenir incompréhensible.
La grande force de cette BD, c'est bien d'avoir été dessinée dans un style caricatural. Le dessin de Riad Sattouf est en fait une écriture et l'auteur crée ainsi une ambiance qui lui est propre. Par certains côtés, ce livre me fait d'ailleurs penser à la
Vie secrète des Jeunes, et à ce mélange d'humour et d'amertume qui peut découler d'une simple observation du quotidien. Avouons-le, la vie du petit Riad n'est pas très drôle, et il doit bon an mal an subir les choix politiques et culturels d'un père que ne parait pas très éclairé. Les enfants ont une capacité de résilience qui peut être étonnante, mais l'auteur jette sur son enfance un regard impitoyable.
Oscillant dans sa vie entre l'Orient et l'Occident, les préférences de l'enfant ne font toutefois pas de doute. La France est le pays dans lequel il s'identifie le mieux, et c'est avec tristesse que se termine ce tome 1, lorsque Riad doit à nouveau suivre sa famille en Syrie.
J'ai hâte d'en découvrir la suite !