Pour moi aussi, "La tiare d'Oribal" est un album de transition, celle vers le style définitif de Jacques Martin, donc une étape importante dans la saga d'Alix.
Une histoire en effet pleine de rebondissements, avec sa dose de drames et de suspense.
Quant à Zür-Bakal... eh bien lisez ce qui suit et vous serez peut-être convaincus que ce pays n'est pas entièrement imaginaire.
LA TIARE D'ORIBAL
Quatrième aventure d'Alix
Le résumé
Alix est en mission au Proche-Orient, sur les frontières de l'empire Parthe. Il s'agit de ramener à Zür-Bakal, la capitale de son royaume, le jeune roi Oribal qui a été élevé à Rome pour le protéger des intrigues de palais. Mais le retour du souverain légitime n'est pas vraiment souhaité par une partie des nobles, menés par un ambitieux vizir qui n'est autre qu'Arbacès.
Quand cela se passe-t-il ?
Cette histoire ne comporte aucune indication d'époque : on suppose donc qu'elle se déroule dans la période habituelle des aventures d'Alix, soit entre -51 et -49, en faisant suite aux précédentes, mais rien n'interdit de penser que cela peut se passer plus tard.
Où cela se passe-t-il ?
Dans le royaume d'Oribal, qui n'est pas nommé, et dont la capitale est Zür-Bakal. On sait seulement qu'il est proche de l'empire Parthe ; or, celui-ci regroupait un certain nombre de petits États et avait des vues sur d'autres voisins. Compte tenu de certains détails du récit, nous avons le choix entre deux régions de la Parthie : le sud, près du golfe Persique, et le nord, près du Caucase ( voir ci-après l'article : mais où est Zür-Bakal ? )
Le contexte historique
Du point de vue romain, rien n'est indiqué, ce qui renvoie à l'incertitude sur la période, comme il est dit ci-dessus. Plusieurs États de la région pouvant correspondre à celui d'Oribal, on verra dans ce même article ( Mais où est Zür-Bakal ? ) la situation de chacun d'eux au moment de ce récit.
Comment est racontée l'histoire ?
Après quelques hésitations dans les trois premiers albums, qui ont aussi leurs qualités, il faut reconnaître que celui-ci marque une étape importante dans la saga.
Jacques Martin a enfin pu révéler son style qui ne demandait qu'à s'épanouir et ses dessins sont désormais dignes du récit. Celui-ci est remarquablement mené, sans temps morts, ni accélérations intempestives. Bons ou méchants, les personnages n'ont pas un moment de répit. On a même droit à une scène de bataille en vue panoramique.
Du point de vue du dessin, la reconstitution de Zür-Bakal, inspirée par plusieurs cités de la région, est une incontestable réussite : on a envie de visiter, en espérant que le barrage tiendra le coup, cette fois. L'aspect physique des personnages a quasiment pris son aspect définitif, ce qui ne l'empêchera pas de s'affiner dans les récits suivants, et leurs caractères sont désormais plus fouillés, ce qui les rend d'autant plus passionnants à suivre.
Qui étaient les Parthes ?
Nous les voyons beaucoup, au moins au début de ce récit, et, s'ils étaient un souci pour les Romains de cette époque, parce qu'adversaires et concurrents, nous les avons plutôt oubliés, alors qu'ils ont dominé cette région pendant 500 ans. Nous les avions déjà rencontrés au tout début des aventures d'Alix, dans « Alix l'intrépide », et j'aurais pu en parler à ce moment-là, mais le commentaire de ce premier album étant déjà très long, j'ai préféré attendre celui-ci.
Entre -300 et -250, des tribus nomades Scythes migrent des steppes proches de la mer d'Aral vers la satrapie de Parthie, l'actuel Turkménistan. Ils se heurtèrent aux Séleucides, les descendants de Séleucos, le général d'Alexandre le Grand qui « hérita » du Proche-Orient, et qui étaient déjà en pleine décadence : un siècle plus tard, leur influence sera limitée aux rivages méditerranéens.
Le fondateur de la première dynastie Parthe fut Arsace 1er, c'est pour cela qu'on les appelle les Parthes Arsacides. Leur premier établissement se situe au sud de la mer Caspienne, comprenant le nord de l'Iran et le sud du Turkménistan. Ils étendirent ensuite leur royaume par la Médie et la Mésopotamie à l'ouest, et par l'Iran au sud, surtout sous leur roi Mithridate 1er.
Malgré des conflits de succession et l'opposition des populations locales, grecques, juives et iraniennes, Mithridate II ( -123/-88 ), confirma l'unité du royaume, assurant ainsi les contacts commerciaux entre l'Occident et l'Extrême-Orient, par la fameuse route de la soie, qui aboutissait à Antioche et qui devait donc traverser la Parthie ; grâce aux péages des caravanes et aux droits de douane sur les marchandises précieuses, le pays s'enrichit considérablement.
Après avoir fédéré plusieurs petits royaumes dans leur Empire ( voir l'article suivant ), les Parthes se heurtèrent à deux puissances rivales : l'Arménie, puis Rome. La confrontation avec celle-ci intervint d'abord en -53 à Carrhes, avec la défaite et la mort de Crassus, puis en -36, lorsque Marc Antoine dut battre en retraite à son tour.
Malgré les efforts de plusieurs empereurs romains pour la conquérir ou l'affaiblir ( dont Trajan en 114, Marc Aurèle en 162, Septime Sévère en 197, etc. ), la Parthie restera une puissance redoutable grâce à des rois comme Artaban II ( v. 12/v. 38 ) et Vologèse 1er ( v. 51/v. 78 ), jusqu'en 224 et l'avènement de la dynastie Perse des Sassanides.
La société Parthe n'était pas uniforme. Le roi détenait son pouvoir des grandes familles du royaume, dont les princes, à qui le souverain déléguait une partie de son pouvoir dans la surveillance des cités et des provinces du royaume, étaient toujours prêts à se rendre autonomes, sans parler des luttes d'influence entre les clans, qui fragilisaient le trône. L'organisation du royaume était basée sur l'armée levée par des nobles comme Suréna qui la mettent au service du roi en échange d'une relative indépendance dans leurs provinces. Les anciennes structures civiques macédoniennes, le calendrier séleucide et le système administratif sont longtemps demeurés en vigueur dans plusieurs régions.
Le zoroastrisme est la religion dominante, mais de multiples divinités locales restaient vénérées, tandis que le judaïsme, le culte de Mithra et les dieux grecs ont aussi droit de cité. Il y a une langue Parthe, mais l'usage de l'araméen et du grec prédominent.
Sur ses portraits, le Parthe porte la barbe, des bijoux, une longue tunique, des pantalons bouffants et une ceinture. Les femmes sont souvent habillées à la grecque. En art et en architecture, il n'y a pas de style purement Parthe, l'influence grecque se faisant sentir, mêlée à d'autres influences : mésopotamienne, iranienne et même romaine.
Mais où est Zür-Bakal ?
Comme on vient de le voir ci-dessus, l'Empire Parthe est loin d'être un État unifié, ne comportant qu'un seul peuple ; il a au fil du temps conquis et absorbé plusieurs de ses voisins, dont certains conservent une relative et parfois surprenante autonomie, tandis que d'autres résistent fermement, parfois avec l'aide intéressée de Rome. C'est parmi ces petits royaumes que nous allons chercher le modèle de Zür-Bakal.
A la différence de bien des lieux imaginaires où se sont déroulées les aventures d'Alix, Zür-Bakal paraît particulièrement difficile, voire impossible à localiser pour différentes raisons. Et le fait de voir son roi chercher à gagner sa capitale en catimini, alors que le pouvoir y est confisqué par un vizir usurpateur ne facilite pas les choses, car les lieux deviennent forcément anonymes.
Pourtant, le point de départ est clair : nous arrivons aux portes d'un poste romain. Il vient d'être détruit par les Parthes, mais c'est le premier indice intéressant : nous sommes donc sur la frontière entre la Parthie et le territoire contrôlé par Rome. Nous savons qu'après la guerre qui se termina par le désastre de Carrhes et la mort de Crassus, les négociations de paix fixèrent la frontière entre les deux puissances sur l'Euphrate, mais Rome ne contrôle que très imparfaitement le territoire situé entre ce fleuve à l'est, la Syrie et la Palestine à l'ouest : ses armées ne fréquentent que la côte méditerranéenne et les zones habitées, se hasardant rarement dans le désert, qu'elles laissent aux nomades, à leurs troupeaux et à leurs caravanes. Par ailleurs, pour que la durée apparente des déplacements reste compatible avec celle du récit, nous pouvons éliminer d'emblée les frontières nord et est de l'Empire Parthe, trop éloignées : nous n'irons donc pas en Asie centrale.
Vers le sud, les Parthes contrôlent la côte orientale du golfe Persique ( ou Arabique, pour ne fâcher personne ), jusqu'au golfe d'Oman et la côte occidentale jusqu'au Qatar. Le golfe Persique est donc une mer Parthe, mais ceux-ci ne sont pas des marins et laissent le commerce maritime aux Arabes et aux Indiens. Cependant, un petit royaume indépendant se trouve là.
La Characène ou Mésène
Ce royaume est situé à l'embouchure du Tigre et de l'Euphrate, sur le golfe Persique. Il a été crée en -127 autour de la ville d'Alexandrie Charax et il est devenu vassal de l'Empire Parthe. Il joue un rôle important dans le commerce entre la Syrie ( notamment Palmyre ) et l'Inde. Le plus curieux est qu'il a toujours eu une politique pro-romaine, et cela jusqu'à sa conquête par les Perses Sassanides, au III° siècle.
Avons-nous trouvé le pays d'Oribal ? Ce serait plausible : un pays relativement indépendant, avec un accès à la mer. Cependant, le paysage, une plaine alluviale largement arrosée par les deux grands fleuves, ne correspond pas à celui, souvent montagneux et aride, qui est décrit dans le récit. Par exemple, où caser le barrage dans une telle région ?
Allons donc chercher vers le nord-ouest. Ici, nous allons plutôt avoir l'embarras du choix. Entre le Caucase, que nos héros ne franchissent pas, et la frontière nord-ouest de l'Empire Parthe, qui rappelons-le, correspond approximativement aux actuels États d'Irak et d'Iran, plus le sud du Turkménistan et l'ouest de l'Afghanistan, on trouve plusieurs États plus ou moins vassaux de Rome ou des Parthes, mais sans arrêt disputés entre ces deux puissances. L'un d'eux existe toujours.
L'Arménie
J'ai déjà décrit ce pays dans mon commentaire pour « Alix l'intrépide », et le lecteur peut s'y reporter. Ce pays est alors beaucoup plus vaste que l'État actuel, il s'est même étendu jusqu'à Antioche, un siècle plus tôt. A l'époque de notre histoire, il correspond à la moitié orientale de l'actuelle Turquie, sauf la bande côtière sur la Mer Noire, plus l'actuelle Arménie. Mais ce n'est pas celui que je retiendrai.
Entre la mer Caspienne ( qu'à l'époque on appelait mer d'Hyrcanie, du nom d'une province située sur sa rive orientale ), et la mer Noire ( le Pont-Euxin d'alors ), on ne trouve pas moins de cinq petits États, soit, d'est en ouest : la Médie-Atropatès, l'Adiabène ou Assyrie, l'Aghbanie ou Albania, la Karthlie ou Ivérie, et enfin la Colchide. Revue de détails.
La Médie-Atropatène
La Médie était une région au sud-ouest de la mer Caspienne, qui correspond à l'actuel Azerbaïdjan iranien et qui est le berceau des Mèdes. Atropatès était un général Perse de Darius III ; il commanda une de ses armées à la bataille de Gaugamèles ( -331 ), et se rallia ensuite à Alexandre le Grand ; il devint alors satrape de Médie et on accola son nom à celui du pays pour le distinguer de l'ancien État. Après la guerre des Diadoques, la Médie devint un État indépendant qui subsista jusqu'au début de notre ère.
L'Adiabène ou Assyrie
Ce royaume de Mésopotamie constitué autour de Ninive correspond à l'actuel Kurdistan irakien ; sa capitale était Arbelès, aujourd'hui Erbil en Irak. Pris entre l'orient de l'Empire Romain et les régions occidentales de l'Empire Parthe, il fut constamment l'enjeu des nombreux conflits qui les opposèrent. Sous Trajan, vers 115, il fut brièvement une province romaine sous le nom d'Assyrie, mais dont l'importance n'avait rien à voir avec l'ancien empire assyrien ; Hadrien s'empressa de l'évacuer.
L'Aghbanie ou Albania
Ce pays ( à ne pas confondre avec l'Albanie européenne ) correspond aux actuelles républiques d' Azerbaïdjan et de Daguestan ; il était habité par des tribus Scythes venues du nord. Le royaume d'Aghbanie fut fondé au début du -III° siècle. Les Romains entrèrent en contact avec lui pendant la guerre contre Mithridate, en -65.
La Karthlie ou Ivérie
On l'appelle aussi Ibérie du Caucase, à ne pas confondre avec l'Espagne. Son nom vient de Karthlos, chef mythique des Ibères, qui vint s'installer dans le Caucase après l'épisode de la Tour de Babel, quand les hommes se dispersèrent sur toute la Terre. Sa situation correspond à la moitié orientale de la Géorgie actuelle.
Il ne semble pas que ce royaume indépendant, sous une suzeraineté Perse assez lointaine, fut conquis par Alexandre le Grand, quoi qu'en disent des sources tardives. Vers -300, son roi Pharnabaze 1er conquit les États voisins, dont la Colchide ( voir ci-après ), tout en se reconnaissant, pour sa sécurité, vassal du Séleucide Antiochos 1er de Syrie, puis des Parthes. Il organisa son royaume, créant une administration et un alphabet inspiré d'un modèle grec, officialisa le panthéon et fit construire le premier palais royal sur la citadelle d'Armaz, qui dura jusqu'au VI° siècle. A sa mort, ce puissant et prospère royaume dominait le Caucase. La société était organisée en quatre classes : rois, prêtres, soldats et paysans, gens du peuple esclaves du roi, avec une nette opposition entre le peuple de la plaine, plutôt hellénisé, et celui de la montagne, division encore perceptible de nos jours.
Vers -100, son descendant fut détrôné par son peuple qui le remplaça par un prince arménien. Cette association de deux puissances régionales ne fut pas du goût de Rome et l'Ivérie fut envahie par Pompée en -65 pendant la guerre contre Mithridate du Pont et Tigrane d'Arménie. Mais à la différence de la Colchide, qui devint province romaine, l'Ivérie resta indépendante, bien qu'étroitement contrôlée : Rome nommait le roi. Ce royaume client lui permettait de contrôler l'Arménie et lui fournissait des guerriers efficaces contre les Parthes ; en -36, Rome le força à une alliance contre l'Aghbanie.
La Colchide
Ce pays correspond à la moitié occidentale de l'actuelle Géorgie, sur la mer Noire. Selon la mythologie grecque, la Kolchis était le pays des Amazones, ainsi que le but des Argonautes pour la conquête de la Toison d'or, c'est à dire le pays de Médée. Les Grecs considéraient ce pays comme étant d'une richesse fabuleuse : les habitants vivaient de l'extraction des minerais d'or, de fer et de cuivre et ils étaient passés maîtres pour le traitement du bronze. Les Grecs de Milet y fondèrent des colonies dès le -VIII° siècle.
Un royaume s'y développa à la fin du -II° millénaire ; il fut renversé par les Cimmériens et les Scythes vers -720, puis intégré à l'empire Perse Achéménide vers -650. Alexandre le Grand le libéra des Perses en -330. Il devint ensuite le vassal du royaume de Karthlie sous plusieurs dynasties. Conquis par Pompée en -65, il fera partie de la province romaine du Pont jusqu'à la création du premier royaume de Géorgie en 265.
Oribal raconte à Alix ( page 13 ), que son ancêtre « créa de nouveaux ports et une flotte nombreuse, apportant au pays des ressources nouvelles qui augmentèrent encore la richesse générale », ce qui signifie que son pays avait accès à la mer. Il s'agit sans aucun doute de la mer Noire ou du golfe Persique, car le trafic sur la mer Caspienne devait être assez limité en quantité et en valeur à l'époque. Pour trouver le modèle de Zür-Bakal, on peut donc éliminer l'Arménie, la Médie, l'Adiabène et l'Aghbanie, ainsi que la Characène dont la géographie ne correspond pas à celle du pays d'Oribal. Reste donc la Karthlie au temps de sa splendeur, c'est à dire lorsqu'elle avait annexé la riche Colchide. L'hypothèse me paraît d'autant plus convenir que la Karthlie n'ayant pas été conquise par Alexandre, elle ne s'hellénisera que tardivement, ce qui correspond à ce que nous savons de la suite du règne d'Oribal ( cf. La tour de Babel ).
Bien entendu, il s'agit là d'un simple exercice de déduction avec lequel on peut être ou non d'accord, et on peut penser aussi que l'auteur pouvait avoir d'autres sources et surtout d'autres idées. Dans « Avec Alix », Jacques Martin précise, page 107 : « Le royaume d'Oribal s'inspire de nombreux petits États qui existaient réellement aux confins de l'empire d'Alexandre et qui se perpétuèrent jusqu'à l'époque de Trajan. » C'est ce que j'ai tenté de démontrer dans les lignes qui précèdent.
Au delà de son hypothétique localisation, on voit bien que le pays d'Oribal est une combinaison des différentes civilisations apparues ou passées dans cette région qui n'en a pas été avare : Assyriens, Mèdes, Perses, Parthes, Arméniens, et bien entendu les inévitables Grecs, car l'hellénisation fut une constante de cette époque. En tout cas, ce n'est pas un État isolé, puisque le prince Oribal a été envoyé à Rome pour sa sécurité et son éducation. Et le décor, avec des fleuves violents parfois enserrés dans des gorges, correspond en effet à ce qu'on peut rencontrer dans cette région. Il n'est pas certain, en revanche, qu'il y ait eu des barrages dans cette région à cette époque, l'Histoire n'en fait pas mention ; pourtant, la technique était connue, puisque les premiers auraient été construits en Égypte au cours du -III° millénaire, mais c'était plutôt des ouvrages d'irrigation.
Les personnages
Alix : il est tout à sa mission, et cette fois, c'est certain qu'il agit sur ordre, et il en est d'autant plus consciencieux. Il faut dire que l'enjeu n'est pas mince pour lui : ramener le jeune roi dans son royaume au milieu des périls et sans trop savoir comment il sera accueilli n'est pas une mince affaire, mais rien qui le fasse reculer, au contraire ! Et il la complique à plaisir en décidant d'y aller seul ou presque pour mieux passer à travers les gouttes. Le résultat est loin d'être toujours à la hauteur de ses espérances, mais ce qu'il y a de bien avec lui, c'est qu'il ne désespère jamais, et qu'il a de l'énergie à revendre, et il en faut, face à un adversaire impitoyable qu'il vaincra finalement.
Enak : il suit et obéit, même si c'est parfois à contretemps, comme dans cette mémorable scène où il se fait réprimander par Alix pour avoir trop bien suivi ses ordres, à savoir prendre un repos bien mérité, ce qui engendre une catastrophe. Et des catastrophes, il en a encore son compte dans cette histoire, ajoutant quelques éléments à son rôle de victime désignée, un rôle qui n'est pas près de changer.
Et, par ordre d'entrée en scène :
Varius : cet officier romain semble être un vétéran chargé de protéger ses jeunes compagnons autant que faire se peut. Il est d'ailleurs navré de devoir abandonner les trois jeunes gens à leur sort dans un pays inconnu et il se demande s'ils iront bien loin. Mais les ordres sont les ordres, et puisqu'il obéit, c'est la preuve qu'Alix a monté en grade ( sans doute tribun, ce qui correspond à son âge et à ses fonctions habituelles ). A noter deux choses : c'est une des rares fois où l'on voit Alix voyager avec une escorte et ce petit groupe de soldats sont les seuls Romains que l'on voit dans cette histoire.
Oribal : le jeune prince est aussi courageux et audacieux qu'Alix, mais que ne ferait-on pas pour retrouver son trône quand on en est l'héritier légitime ? Il semble aussi bien disposé envers son peuple que celui-ci l'est envers lui, et pourtant, on sait que cette bonne entente ne durera pas. En tout cas, il sait payer le dévouement des autres par le sien propre : il n'hésite pas à échanger sa tiare contre la vie d'Enak, mais il est vrai qu'à ce moment-là, il est le seul à savoir qu'il ne risque rien en abandonnant ce symbole, précieux entre tous, dans les mains de ses ennemis.
Karal : le guerrier Parthe a une loyauté à géométrie variable. Sa maladresse, qui lui vaut, avec son compagnon, d'être abandonné par son chef dans une situation dangereuse, ne plaide pas en sa faveur, et pourtant, Alix lui fait confiance. Une confiance bien mal placée : pour avoir voulu s'approprier la tiare, le voleur sera puni par où il a péché.
Sirdar : l'homme de main d'Arbacès fait partie de ces coquins habiles et audacieux que la saga d'Alix nous permet de rencontrer de temps à autre. Ce genre de personnage est presque plus intéressant que les « bons » ! Celui-ci mérite une mention spéciale, presque aussi increvable que son chef, auprès duquel il finira par disparaître : il savait flairer les bonnes pistes, utiliser les expédients les moins avouables et rebondir dans les circonstances les plus dramatiques.
Oribal 1er : bien qu'il ait vécu deux siècles avant cette histoire, il en est un personnage à part entière puisque son initiative la conditionne tout entière. Ce potentat cruel et impitoyable avait néanmoins fort à faire pour maîtriser la politique de son royaume, mais c'était le sort commun des monarques à cette époque. Il faut reconnaître qu'il a su se tirer astucieusement d'une situation difficile.
Arbacès : le revoilà, pour la dernière fois, croyait-on. On ne se demandera pas comment, laissé pour mort dans une île de l'Atlantique en proie aux séismes, aux éruptions volcaniques et aux raz-de-marée, on le retrouve, toujours aussi fringant, devenu le vizir d'un royaume du Proche-Orient. Ce n'était pas alors inhabituel d'embaucher, à des postes importants d'un État, des étrangers doués, de préférence Grecs ou hellénisés ; alors, pourquoi pas lui ? Et il sait s'y prendre, pour le rôle le plus important qu'on lui a connu jusqu'à présent : il maîtrise parfaitement sa cour de combinards, tous aussi âpres au gain et au pouvoir que lui, par l'or, la violence ou les belles promesses. Mais il trouve encore sur son chemin le même os, nommé Alix, qu'il connaît bien, ce qui est à la fois un avantage et un inconvénient : il croit savoir comment le neutraliser, en enlevant Enak, une fois de plus, mais il doit savoir, depuis le temps qu'ils s'affrontent, que le jeune homme ne renoncera pas. Et pour finir, son pouvoir et son ambition tombent à l'eau, au sens propre de l'expression.
Karidal : le marchand de Zür-Bakal représente la légitimité du peuple. Ce n'est pas un aristocrate comme ceux que l'on voit aller à la curée, les mains pleines d'or, mais un de ces « hommes nouveaux » qui ont plus confiance dans la production de richesses et le commerce que dans les conflits armés pour conforter un État et un gouvernement. Courageux et loyal, il fera partie des vainqueurs aux côtés d'Oribal et d'Alix.
Conclusion
Avec cet album, la saga d'Alix prend en quelque sorte sa vitesse de croisière et vogue vers la perfection qu'elle atteindra un peu plus tard : beauté du dessin, ampleur de l'histoire, importance des enjeux. Il en sera ainsi pendant un bon nombre de récits qui forment la partie classique de ces aventures, celle à laquelle on se réfère toujours.
Sources : voir les précédentes études. J'ai emprunté les éléments sur les Parthes à un professeur d'Histoire de Saint-Malo. Et vous pouvez voir les cartes des pays cités sur Wikipédia.
La prochaine fois : « La griffe noire » ( Pompéi ; le voyage d'Alix reproduit-il le périple de Hannon ?... )
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