Frédéric Bihel le méritant

Ayant fait des débuts à la fin des années 80, Frédéric Bihel a déjà fait une longue carrière. On le connait bien mal, même s'il a dessiné quelque séries assez intéressantes.



Sa première série n'était pas inintéressante car il a repris dans Vécu les Héritiers du Soleil, une BD créée au départ en solo par Didier Convard. Il a dessiné 8 albums, Convard ayant poursuivi les scénarios, mais je ne m'y étais pas intéressé. J'avais au départ apprécié cette reconstitution historique de l'Egypte ancienne mais la BD a ensuite perdu son lustre, comme cela arrive souvent dans les longues séries de Convard..



Il a ensuite dessiné chez Glénat une série tournant autour de Moïse, au début des années 2000. Cela s'intitulait le Secret de l'Arche et la BD n'a pas eu de succès.



Vers 2010, il dessine Africa Dreams, autre BD historique, en collaboration avec Maryse et Jean-François Charles. C'est peut-être ce qu'il a fait de mieux mais je ne l'ai jamais lu. Une intégrale a été éditée il y a 1 an et je la lorgne de temps en temps. Peut-être que je l'achèterai un jour ?  



J'avais bien apprécié Milady ou le Mystère des Mousquetaires, qu'il a dessiné en 2019 sur un scénario de Venayre, et je crois même en avoir parlé dans le forum. C'est une relecture du roman de Dumas avec un regard féminin et c'est vraiment intéressant.



Je passe à tout vitesse sur quelques albums que je ne connais pas et j'en arrive à A la Recherche de l'Homme sauvage, qui est paru en 2023. Eleanore-clo en avait dit du bien dans le forum et je l'ai lu moi aussi (bien plus tard) avec plaisir. C'est une œuvre très personnelle qui réalise un intéressant démarquage de l'histoire de Tintin au Tibet.



Après tout cela, il méritait bien que l'on ouvre un sujet à son nom.  

Le nouvel album de Bihel s'intitule Les Crayons et c'est une œuvre dans laquelle il revisite son enfance, qui s'est passée dans le Limousin pendant les années 70.



Ce saut dans le temps est raconté avec des images entièrement crayonnées et cela crée une ambiance singulière.



Gilles Ratier a bien apprécié ce livre à la fois nostalgique et douloureux, car l'auteur évoque quelques épisodes pénibles de son existence.

https://www.bdzoom.com/194044/actualites/dans-%c2%ab%e2%80%89les-crayons%e2%80%89%c2%bb-frederic-bihel-retourne-sur-les-lieux-de-son-enfance-en-limousin%e2%80%a6/

Planète BD fait une critique très élogieuse des Crayons et lui attribue le Bédien d'Or !

https://www.planetebd.com/bd/futuropolis/les-crayons/-/54300.html

Je l'ai lu et abonde dans le sens (incroyable   ) de Planète BD.



Cette BD autobiographique raconte l'enfance de Frédéric Bihel.

L'ouvrage se pare de multiples et beaux atours et je partage l'avis des critiques spécialisés. Ce roman graphique mérite vraiment qu'on s'y arrête   .

A tout seigneur, tout honneur, la BD est clairement cathartique. Comme Jean-Louis Tripp avec Le Petit Frère, l'auteur revisite un épisode très douloureux de son enfance et il s'allonge sur le divan pour psychanalyste pour raconter, parler, évoquer, naviguer dans les souvenirs jusqu'à ce que l'horreur cachée dans son subconscient ressorte. Clairement, la révélation finale de l'ouvrage ne peut que bouleverser le lecteur.

Après, et avant d'en arriver à l'aveu, l'auteur nous brosse avec nostalgie et tendresse son enfance. Les évènements les plus rudes comme la séparation de ses parents ou le harcèlement scolaire cohabitent avec la vie simple de la campagne et la découverte du 9ème art synonyme d'évasion et de vocation. Ainsi, Bihel reproduit avec amour des couvertures de Pif Gadget et des pages du Journal de Mickey. Cette douloureuse dualité se sublime dans l'amitié pour Michel, son voisin, qui motivera bien des années plus tard un pèlerinage à Château-Chervix, le village idéalisé de l'enfance.

Le roman graphique sonne vrai et Bihel ne lésine pas pour parfaitement reconstituer le passé. Les couvertures des magazines pour la jeunesse voisinent avec des dessins quasi photographiques des greniers et autre cour d'école. Le dessin du puits avec le dragon tout au fond ou encore les illustrations de L'Odyssée fleurent bon la réalité. En ce sens, la BD apparaît universelle car elle ne peut que réveiller nos souvenirs, que nous ayons vécu dans le Limousin ou que notre enfance date des années 70.

Maintenant, qu'en est-il du graphisme ? Et bien sa qualité rivalise d'excellence avec celle du scénario   .



La plus-part des dessins sont des crayonnés en noir et blanc qui font irrésistiblement penser aux photographies en noir et blanc du passé. Attention, crayonné et absence d'encrage ne riment pas avec qualité bâclée. Au contraire. Cette technique accentue la plongée dans un passé qui nous submerge et nous émeut.

Au final, EEEE ? Peut être pas car je trouve un peu trop impudique cette BD dans laquelle l'auteur nous prend par la main pour mieux dévoiler son intimité.

Entre EEE et EEEE.

Eléanore