Kimono a écrit:Comme le disait quelqu'un d'autre dans une page précédente (désolé, pas trop le temps de les relire toutes), j'ai une nette préférence pour les albums "terriens" de Roger Leloup.
Raymond a écrit:Je préfère aussi les albums "terriens" de Yoko Tsuno et je l'ai déjà écrit dans les pages précédentes.
Voilà un sujet qui mérite de s'y arrêter . Quels sont les lieux les plus propices à l'épanouissement de la série ? Le Japon ? Vinéa ? L'Allemagne ? L'Ecosse. Je vous propose de partager ma vision.
Déjà, à mon sens, la série n'a qu'un rapport lointain avec le Japon. Pour avoir vécu à Tokyo, les nippones, du moins les habitantes de la mégalopole, n'ont pas la même culture que l'héroïne de Leloup. Par exemple, elles sont moins expansives. Et je parle pas des épouses dont la vie professionnelle change du tout au tout car certains métiers ne sont pas "convenables". Aussi, j'imagine mal une électronicienne de chic et de choc dans le monde réel. En fait, Yoko Tsuno est un condensé de cartes postales, une japonaise rêvée et idéale. Le tempérament de la jeune femme me fait beaucoup plus penser à une européenne. Et son émancipation est celle des habitantes du vieux continent. Partant de ce constat, l'auteur prend davantage ses aises sous nos latitudes.
Si la série ne se rattache pas au monde nippon, peut-on dire qu'elle relève du genre de la science-fiction, et uniquement de celui-ci ? Or, l'auteur jongle manifestement entre deux esthétiques, celle futuriste de Vinéa, et celle romantique de Rothenburg ou du château de Glamis. Aussi, les scénarios successifs se nourrissent de ses deux influences. Néanmoins et vu de ma chapelle, les engins futuristes descendant du Carreidas 160 n'ont pas la même substance, la même puissance évocatrice que les superbes décors médiévaux ou renaissances reconstitués avec tant de passion et d'amour. Et le réalisme des décors induit une vraisemblance narrative et une "émotionnalité" beaucoup plus grande. Les recours à la science-fiction et à la facilité d'une technologie toute puissante fragilisent les scénarios. Les Deus ex machina se répètent par trop souvent, rendant prévisibles et ennuyeuses les intrigues. Et je préfère la crédibilité du sang artificiel de La frontière de la vie à l’invraisemblance des torrents de lave de La Forge de vulcain. Au final, la série ne me semble donc pas très à l'aise, tant du côté de l'Extrême-Orient ou que du côté du Cosmos. Du coup, selon mon goût, les meilleurs albums de Yoko Tsuno sont ceux européens.
Après la série est ancienne et de nombreux ouvrages ont adopté le vieux continent comme décor. Comment les discriminer ? Clairement, la qualité graphique a évolué, année après année. A l'instar du trait de Lambil, celui de Leloup s'est arrondi avec la maturité. Et je confie préférer la période où son crayon était plus vif et plus dynamique. Un exemple emblématique réside dans le dessin des yeux. Suis-le seule à avoir remarqué qu'ils semblent plus fatigués dans les derniers opus qu'au début de la série. Comme si les personnages ployaient sous le poids de leur destin.
Au final, et tout considéré, mes deux tomes préférés sont L'orgue du diable et La frontière de la vie. Le romantisme allemand y éblouit nos yeux. Le suspens tend la narration et l'émotion submerge les vignettes.
Eléanore