… Et de découvrir le premier dessin de François Bel, dans le
Cœurs Vaillants du 14 septembre 1947, où son chasseur de « puces, poux, rats, mites, punaises araignées… » ressemble furieusement au Jordi qui sera confronté 10 ans plus tard aux terribles legganomys !
Henri Filippini présente l’œuvre de François Bel par le biais d’une revue de presse chronologique, ce qui fait qu’on s’y perd parfois, tant le pauvre François Bel a été « baladé » entre les différentes publications de la rue du Fleurus. Le tableau synoptique que je reprends ci-dessous, avec les séries en colonnes et un code couleurs pour les publications (bleu pour
Âmes Vaillantes/J2 magazine, orange pour
Cœurs Vaillants/J2 Jeunes et vert pour
Fripounet et Marisette) permet de mieux s’y retrouver, et notamment de repérer les ruptures de production (liées à la maladie) et/ou de qualité (probablement liées aussi aux directives rédactionnelles et aux changements de supports de publication, comme l’explique très bien Henri Filippini) :
- Trois ruptures de production : 6 ans entre 1949 et 1955, 15 mois entre fin 1957 et mars 1959, 8 mois enfin à la charnière 1972-73, entre la dernière histoire publiée dans
J2 magazine (Malbrough est mort en guerre) et le « chant du cygne » de Pat et Moune dans
Fripounet.
- La première rupture de production correspond aux années de galère du jeune François Bel, qui sont aussi celles où il apprend à dessiner et à construire une histoire, car
Le bracelet de Satni (Pat et Moune) et
Les trois feux rouges (Jordi) sont, sur les 2 plans, de véritables réussites comparées aux premiers Pat et Moune.
- La seconde rupture de production se traduit par une nouvelle amélioration : les maladresses de dessin qui subsistaient dans les premières planches du
Roc de la Morisque disparaissent à la reprise de l’histoire, en juillet 1959, tandis que, dès le mois de mars, c’est un second Jordi, moins enfantin, qui était revenu dans
Le coffret noir, pour une aventure qui reste, à mon avis du moins, une des meilleures de la série.
- Cette reprise inaugure les « grandes années » François Bel. Le passage de Jordi de
Cœurs Vaillants à
Fripounet, début 1962, en raison de choix éditoriaux incompréhensibles pour moi (Jordi était une des « stars » du journal avec Alex et Eurêka, et je n’ai pas renouvelé mon abonnement…), ne se traduit pas immédiatement par une baisse de qualité : les « grandes années » François Bel se poursuivent incontestablement jusqu’à
Un éléphant de santal mauve (Pat et Moune) et
L’étrange Odyssée de l’Hippocampe II (Jordi).
- Que se passe-t-il pendant l’été 1963 ? François Bel a-t-il été sommé de changer de style, et pourquoi ? Lui a-t-on signifié la fin prochaine de la série Jordi et le passage de Pat et Moune à
Fripounet ? Toujours est-il qu’à partir des
Trois félicités de Liao-Tchang et des
Sept colonnes de Tharsis, on assiste à un relâchement certain du dessin tandis que la fantaisie qui irriguait les histoires tourne à la farce répétitive. Il semble bien que quelque chose se soit alors brisé chez François Bel, comme si le cœur n’y était plus -> voir ci-dessus le post 328 et les posts 219/220 à page 9 (je me répète !).
- On assiste alors au « gâchis » évoqué par Henri Filippini : Pat et Moune bégayent dans
Fripounet et le 3ème retour de Jordi dans
J2 jeunes, affublé d’un nouveau nez et d’une langue bavarde, est un véritable ratage (je me souviens de ma déception en découvrant plus tard
Les six lances du Colonel Tramble dans l’album PBDI, que je m’étais procuré à prix d’or !) -> voir page 11 le post n°268 sur les 3 âges de Jordi.
Oui, le père du Jordi et des Pat et Moune qui ont illuminé nos jeudis après-midi d’après le catéchisme « méritait mieux que le mépris pour son travail affiché par son employeur et l’oubli dans lequel il est plongé aujourd’hui ».