Après avoir vu l'excellente présentation faite par Murakami (dans son sujet "Unboxing BD") de l'intégrale du
Ben Hur, dessinée par Jean-Yves Mitton, je n'ai pas pu résister ! Je me suis vite acheté cette belle intégrale éditée par Original Watts.
J'ai toujours adoré les péplums et
Ben Hur (
le roman de Lewis Wallace bien sûr) a été une des grandes lectures de mon enfance. Je l'avais d'autant plus apprécié que ce livre s'accordait avec l'éducation religieuse que mes parents essayaient alors de m'inculquer. Il faut rappeler qu'à l'origine, Ben Hur avait été écrit par le général Wallace après qu'il ait vécu une sorte de crise mystique, suivie d'une conversion à une forme très militante du christianisme. Le mouvement évangélique américain était très actif au XIXème siècle (il l'est d'ailleurs toujours aujourd'hui) et le but du roman "Ben Hur" était simplement d'attirer les lecteurs vers la foi chrétienne. Wallace était un tacticien rusé et son livre bien confectionné devint assez vite un immense best seller. Les américains disent même que ce fût le livre le plus vendu au cours du XIXème siècle ... mais ils exagèrent toujours. Il vaut donc mieux ne pas trop les croire.
Bref ! Ben Hur était une présentation romantique et aventureuse des origines du christianisme et on a peut-être oublié aujourd'hui son ambition prosélytique. Certes, le fameux film de William Wyler (tourné en Technicolor en 1959) respecte en apparence cette tendance, puisqu'on y voit quelques scènes bibliques fameuses (la Nativité, le Sermon du la Montagne, la Crucifixion) mais cela reste très superficiel. J'avais évidemment beaucoup apprécié le film, qui est par moment une espèce de western antique, aussi grandiose que dynamique, mais ce beau spectacle s'éloignait quand même beaucoup des intentions de l'auteur du livre.
Si je vous dis tout cela, c'est parce que dans la préface de cette intégrale, Jean Yves Mitton annonce qu'il a essayé de
rester fidèle au texte de Wallace. Hum ... en refermant cette intégrale, je me suis tout de même demandé jusqu'à quel point il y était parvenu ? Mitton a t-il mieux réussi que les américains d'Hollywood ? Je vais examiner cette question en commentant brièvement les 4 tomes qui ont été rassemblés dans l'intégrale.
Et d'abord, reconnaissons d'emblée que le découpage du roman en 4 albums de 46 pages est tout à fait judicieux. En procédant ainsi, Mitton donne une juste longueur à son récit, car l'adaptation en BD n'escamote aucune détail important. Mitton a par ailleurs bien identifié les 4 temps forts de cette histoire, qui sont le conflit initial de Messala et Ben Hur en Israël (aboutissant à la condamnation de Ben Hur), le fameux combat naval (ou Ben Hur sauve le général Arrius), la célèbre course de char (où Ben Hur prend sa revanche sur Messala) et enfin le calvaire du Christ jusqu'à Golgotha (qui incite Ben Hur à se convertir au christianisme). Le découpage me parait donc parfait.
Dans le tome 1, le film de Wyler contenait bien une petite introduction chrétienne (tout comme la BD de Mitton) mais la suite laissait de côté les préoccupations religieuses pour se concentrer simplement sur un affrontement de caractères. Dans la BD de Mitton, ce dernier développe longuement certaines discussions théologiques entre les personnages. Ce n'est peut-être pas passionnant pour tout le monde, mais ces discours respectent réellement l'état d'esprit du roman. L'auteur de BD développe par ailleurs très bien l'affrontement de Ben Hur et de Messala et il ne fait pas de doute que Mitton colle de près au roman, même s'il annonce plutôt sa BD comme une adaptation (sous le titre de la couverture).
Et pour formaliser cette constatation d'une manière tout simplement chiffrée, j'aurais envie d'écrire à ce stade : Mitton : 1 Hollywood : 0
Le deuxième tome raconte les années de galère de Ben Hur, jusqu'au spectaculaire combat naval des romains contre des pirates grecs. Dans le film, les images étaient somptueuses mais le chapitre était relativement court, et on se demandait vraiment pourquoi Arrius s'intéressait à Ben Hur. Dans la BD de Miton, l'auteur développe tout ces aspects d'une façon plus soigneuse et on comprend mieux certains détails. Mitton explique par exemple très bien pourquoi les romains gagnent le combat naval (malgré le naufrage du navire du général) et son travail me parait presque parfait. Je préfère donc la BD au film,
Donc, après le tome " : Mitton : 2 et Hollywood : 0
Venons en au tome 3 et à la course de chars ! C'est le moment le plus épique et le plus spectaculaire du récit et les américains avaient bien soigné cette longue séquence, qui contient un beau suspense. Mitton dessine tout cela très correctement mais je trouve qu'il y a un peu moins de tension dans sa BD que dans le film de Wyler. Cela provient peut-être de la facilité intrinsèquement plus grande du cinéma à obtenir certains effets mais... il faut bien l'admettre : les américains font mieux.
Le nouveau score est donc : Mitton : 2 et Hollywood : 1
Et on en arrive au tome 4, qui raconte l'arrestation, le procès et le calvaire du Christ jusqu'à sa crucifixion ! Le film de Wyler raconte sans aucune réserve (et au premier degré) toutes ces étapes, en s'intéressant aussi aux effets de ce spectacle sur la conscience de Ben Hur. Les américains présentent en fait cette histoire comme le feraient de vrais croyants. Mitton y met pour sa part un peu plus de réserve. Il ne s'intéresse pas beaucoup à la conversion de Ben Hur et préfère s'attarder sur ses tentatives politiques (s'allier aux résistants à l'occupation romaine), ce que Wallace ne raconte pas du tout dans son livre. On retrouve bien dans la BD quelques scènes clés (par exemple Ben Hur qui donne à boire au Christ pendant la montée au calvaire) mais le message religieux est complètement évacué. A cet égard, Mitton ne respecte donc pas du tout le roman.
Et le score se finit avec : Mitton : 2 et Hollywood : 2
L'égalité est assez logique ! Les deux adaptations ne sont pas totalement fidèles mais elles respectent quand même assez bien les grandes lignes du roman. Et c'est au fond pas mal pour Mitton, puisque le film de Wyler est excellent !
C'est donc une BD que je peux recommander sans réserve aux amateurs de péplum ! On ne s'ennuie pas.