Urbi, mais pas Orbi...
Pour une fois, voilà une aventure d'Alix qui ne nous offre pas de grands espaces, mais qui se déroule presque entièrement en ville, Rome, en l'occurence, ce qui n'est pas rien !
Un aspect nouveau dans la série, bien traité sur le plan des décors, mais seulement de ceux-ci. En ce qui concerne les personnages, tout a été dit ci-dessus et je n'enfoncerai pas le clou...
Entre autres commentaires ci-après, je vous parlerai d'un personnage qu'on rencontre souvent dans les aventures d'Alix : Pompée, le Grand Pompée ( c'est lui qui le dit ) et qui mérite bien qu'on s'attarde un peu sur lui ; autres sujets : le Sénat, le théâtre, les bains, les tribunaux.
En voiture pour Roma... Bonne lecture !
ROMA, ROMA...
Vingt-quatrième aventure d'Alix
Le résumé
Tout commence un soir par une réception dans un somptueux palais près d'Ostie où Quintus Arenus fête son élévation au Sénat. Et voici qu'arrive Alix, invité, mais qui s'était d'abord décommandé, en compagnie d'inquiétants personnages. Soudain, tout bascule : les nouveaux venus trucident les convives. Seule Julia, l'épouse du sénateur, parvient à s'échapper. Alix est-il devenu un assassin ? Julia le retrouve le lendemain matin chez lui, où il a passé la nuit paisiblement. Tous deux concluent sans doute aucun qu'il s'agit d'un complot et que les partisans de Pompée cherchent à compromettre Alix dans le cadre de la lutte pour le pouvoir contre ceux de César. La milice ne tarde pas à venir cueillir Alix à son domicile et à l'expédier en prison en attendant son procès...
Quand cela se passe-t-il ?
D'après le contexte, César n'est pas encore revenu à Rome, puisqu'on le voit assez loin de la Ville, dans un camp militaire où il surveille l'achèvement de la pacification de la Gaule. Il n'a pas encore franchi le Rubicon, le 12 janvier -49. Nous sommes donc au plus tard au cours de l'année -50, et probablement en été, car il est fait allusion à la chaleur nocturne ( page 27 ).
Où cela se passe-t-il ?
Comme l'indique le titre, essentiellement à Rome. C'est même la seule aventure d'Alix, jusqu'à présent, qui se déroule presque entièrement dans un cadre urbain. Nous faisons néanmoins quelques déplacements à l'extérieur de l'Urbs : chez Quintus Arenus, près d'Ostie, dans le camp de César, quelque part en Gaule, et chez Corus Maler, à Nemi.
Le contexte historique
Nous sommes bien une nouvelle fois dans le contexte de la guerre civile. Celle-ci figure déjà en arrière plan d'une autre aventure d'Alix, « Le tombeau étrusque », et je l'ai commentée à cette occasion : le lecteur voudra bien s'y reporter pour les détails ; d'ailleurs, par l'intervention de certains personnages, « Roma, Roma... » paraît comme une suite de la précédente histoire. Je précise que « guerre civile », à ce moment précis, ne signifie pas obligatoirement « bataille rangée », mais simplement des affrontements, plus ou moins meurtriers, entre partisans des deux factions qui se disputent le pouvoir à Rome : les Optimates de Pompée et les Populares de César ( souvent dénommés, à présent : Césariens ), lesquels affrontements ont plus généralement lieu au sein même de la Ville...
La véritable guerre civile, cette fois avec l'intervention des légions, n'aura lieu qu'un peu plus tard, après le passage du Rubicon, et seulement pendant environ deux mois au début de l'année -49.
On voit d'ailleurs dans cette histoire, à part quelques épisodes agités ( l'assaut de la villa d'Ostie, l'évasion d'Alix, la poursuite de Remus, le combat des gladiateurs... ), que la vie continue au quotidien ni mieux ni plus mal pour tout le monde ou presque, ce qui est parfaitement représenté à plusieurs reprises, même dans les aspects les plus humbles ou les plus ordinaires ( les boutiques, le théâtre, les thermes... ), ce qui est rare dans une série qui met davantage en valeur des exploits et des lieux plus prestigieux. Il n'y a que quelques maisons qui brûlent, preuve que rien n'est parfait.
Comment est racontée l'histoire ?
Autre rareté dans la saga d'Alix, nous avons ici un véritable roman policier, ou plutôt un roman criminel, qui respecte en outre la règle des trois unités : de lieu ( Rome ), de temps ( tout se déroule dans une période assez brève ), et d'action ( il n'y a qu'un seul thème ).
Pourtant, comme très souvent dans les scénarios des aventures d'Alix, le mystère est rapidement dissipé : dès la page 9, Alix et Julia concluent que les crimes d'Ostie ont été commis par un sosie habilement grimé, sosie que l'on retrouve d'ailleurs par hasard au théâtre un peu plus tard ( page 22 ), puis chez Pompée où les détails du complot contre César et Alix nous sont révélés.
Il ne s'agit donc plus d'entretenir un mystère qui n'en est plus un à la moitié de l'histoire, mais de montrer comment Alix et ses amis déjoueront le piège et triompheront de leurs ennemis. En effet, dans ce récit, Alix n'est pas seul, ou presque, comme parfois : tous ses amis présents, et ils sont nombreux, l'aideront d'une manière ou d'une autre à surmonter ses difficultés. Bel exemple de collaboration utile et intelligente.
Le dessin est assuré par R. Moralès assisté par M. Henniquiau. Ce sera la dernière prestation de R. Moralès dans la série. Comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire dans d'autres commentaires, son dessin est parfois assez éloigné de celui de Jacques Martin, et ça se voit, particulièrement dans les pages 44 et 45 où les personnages ont de curieux profils. En revanche, les décors sont d'une remarquable précision : les villas, le camp militaire, le théâtre, les rues de Rome que l'on aurait envie de visiter...
Qui était Pompée ?
Nous l'avons déjà croisé à plusieurs reprises au cours des aventures d'Alix, et même dès la première, mais ses différentes apparitions ne m'avaient jamais parues assez importantes pour lui consacrer une rubrique. Or, son histoire est beaucoup moins connue que celle de César ; aussi, son rôle dans cet album mérite qu'on s'arrête un instant sur le personnage.
Mais qu'est-ce que Pompée a donc fait à Jacques Martin pour qu'il lui donne systématiquement le mauvais rôle ? Rien, sans doute, car dans une histoire bien menée, il faut toujours au moins un « méchant », et : « meilleur est le personnage du méchant, meilleure est l'histoire », c'est bien connu. Pourquoi alors choisir Pompée, qui était tout ce qu'on voudra, sauf un méchant homme ? Bien sûr, ce fut un hardi combattant, excellent stratège, et un politique à la mode de l'époque, c'est à dire que la guerre et le pouvoir devaient lui permettre de s'enrichir, ce en quoi il n'y manqua pas.
C'est tout simplement qu'ayant fait d'Alix un partisan de César, ils ont obligatoirement le même adversaire. C'est donc le point de vue de César que nous devons partager, et comme celui-ci fut le vainqueur de l'affrontement, c'est son point de vue que l'Histoire a retenu : « L'Histoire déteste les vaincus et pare les vainqueurs de toutes les vertus. »
Mais il ne faut pas voir non plus entre ces deux hommes d'opposition permanente et irréductible. D'ailleurs, Pompée fut même le gendre de César, en épousant Julia, qui venait de mourir quand commence cette histoire, supprimant ainsi tout lien familial entre eux ; la pérennité de celui-ci aurait-il changé quelque chose à leur destin ? C'est peu probable, car à Rome, entre leurs partisans, le climat de guerre civile n'avait pas cessé depuis des années, comme on le comprend en lisant certains passages de cet album, en particulier les pages 39/40.
Faisons donc plus ample connaissance avec Cnaeus Pompeius Magnus ( -106/-48 ).
Il appartient à une riche famille de la noblesse romaine, mais il n'est que chevalier, et non patricien. Son père, Pompeius Strabo, s'illustra pendant la guerre sociale et forma son fils à la carrière militaire.
Printemps -83 : Sylla rentre d'Orient et Pompée se rallie à lui. A 23 ans seulement, il commande une armée qui combat les troupes de Marius et les vainc en Etrurie, en Sicile et en Afrique ( -82 ), ce qui lui vaut d'être acclamé imperator par ses troupes pour la première fois ; il y gagne aussi son cognomen de Magnus : le Grand, qu'il adoptera pour remplacer celui de son père, Strabo.
De -76 à -72, il combat Sertorius en Espagne : encore une victoire sur celui qui voulait se tailler un petit État personnel. Il se montre relativement clément envers ses adversaires et élargit ainsi sa clientèle. Il fonde Pompaelo ( Pampelune ) et un grand nombre de « Pompéi ». Il élève au sommet du Perthus un trophée rappelant sa victoire et les 876 villes prises.
Fin -71, il rentre en Italie pour anéantir les dernières bandes révoltées commandées par Spartacus. Le 1er janvier -70, il célèbre son triomphe pour ses victoires espagnoles et exerce cette année-là le consulat avec Crassus.
Contre le parti aristocratique qui lui est hostile, il s'appuie sur les chevaliers pour obtenir ses commandements en Asie. En -67, il obtient la charge de la guerre contre les pirates avec un imperium extraordinaire conféré par la Lex Gabinia, qui lui donne autorité sur l'ensemble de la mer et des côtes jusqu'à 70 km à l'intérieur des terres. Les pirates éliminés, Pompée est à nouveau salué imperator par ses troupes.
En janvier -66, la Lex Manilia ajoute à ses pouvoirs le commandement de la guerre contre Mithridate, qui durera jusqu'en -63. Après avoir battu Mithridate, il soumet son gendre, le roi Tigrane d'Arménie, maintient les Parthes au delà de l'Euphrate, soumet les peuples du Caucase, Ibères et Albans ( cf. les commentaires sur La tiare d'Oribal ), met fin à la monarchie Séleucide d'Antioche, prend Jérusalem dont il abat les remparts et où il installe le grand prêtre Hyrcan ; à cette occasion, il pénètre dans le Temple où il est fort étonné de n'apercevoir aucune statue du Dieu local.
Il a aussi conquis et organisé pour Rome un véritable empire oriental comprenant aussi bien des provinces romaines anciennes ou nouvelles ( Cilicie, Crète, Pont, Bithynie, Syrie, etc. ), protégées par un ensemble de royaumes clients vassaux dirigés par ses hommes de confiance.
En -62, il rentre à Rome. La Ville est déchirée par les luttes intestines, et il doit attendre un an pour que le Sénat l'autorise à célébrer un nouveau et somptueux triomphe.
Pour contrer ses adversaires aristocratiques, il s'allie avec César ( dont il épouse la fille ), et Crassus. Ce premier triumvirat leur permet de se partager les commandements militaires.
Par la Lex Trebonia, Pompée obtient le gouvernement de l'Espagne qu'il fait administrer par ses légats. Il est en effet obligé de rester à Rome où il devient l'arbitre d'une situation de plus en plus confuse marquée par l'anarchie et les combats de rue ( la guerre civile dont il est question à plusieurs reprises ). Le Sénat fait appel à lui pour rétablir l'ordre et il est élu consul unique en -52. Le triumvirat est alors dissous de fait, car Crassus est mort en Orient en -53, et Pompée s'arrange pour que César, proconsul de Gaule depuis -58, ne puisse revenir aux affaires et lui laisse le champ libre. César ne l'entend pas ainsi et franchit le Rubicon le 12 janvier -49.
Comptant sur son prestige, Pompée se montre présomptueux : les armées sénatoriales qu'il tente d'opposer aux légions qui venaient de conquérir la Gaule ne font pas le poids devant ces vétérans ( dont beaucoup de Gaulois ), et il doit quitter l'Italie en catastrophe pour se réfugier en Grèce, avec ses soldats et ses sénateurs. Il laisse César s'emparer de Marseille et vaincre ses partisans en Espagne, et il est lui-même vaincu à Pharsale le 9 août -48. Il s'enfuit en Égypte, où il est assassiné sur l'ordre du vizir Pothinus, avec l'aval de Ptolémée XIII.
César a prétendu qu'il aurait voulu le sauver. Faut-il le croire ? Serait-ce la preuve que les deux anciens triumvirs ne s'entendaient pas si mal que ça ? Y aurait-il eu de la place à Rome pour deux chefs de leur envergure et de leur prestige ? Il faut peut-être voir les choses autrement ; Pompée a toujours été le défenseur de la République romaine qui était à bout de souffle, ce que tout le monde savait, César le premier. Mais par quoi remplacer la République, sachant que le retour à la royauté était exclu ? Par la suite, César instaurera un régime qui avait toute l'apparence de la royauté, sans en avoir le nom, ce qui lui vaudra de périr sous les coups de républicains fanatiques. Octave se montrera plus habile en conservant officiellement la République et en réunissant tous les pouvoirs dans sa main. Que se serait-il passé si Pompée avait survécu ?
C'est que c'était l'homme providentiel ! Voici son portrait par Montesquieu.
« Fallait-il faire la guerre à Sertorius ? On en donna la commission à Pompée. Fallait-il la faire à Mithridate ? Tout le monde cria Pompée. Eut-on besoin de faire venir des blés à Rome ? Le peuple croit être perdu si on n'en charge pas Pompée. Veut-on détruire les pirates ? Il n'y a que Pompée. Et lorsque César menace d'envahir, le Sénat crie à son tour et n'espère plus qu'en Pompée. »
Autre portrait, un peu moins flatteur, cette fois par l'historien Jean Duché.
« C'est un homme en or, ce Pompée. Un chevalier, et des plus fortunés ; intègre, patriote, généreux : un niais, en somme. Brave, consciencieux, costaud, plaisant au peuple, mais tout rougissant quand il doit prendre la parole en public, et d'une lenteur d'esprit qui est, au bout du compte, le plus sûr garant de sa loyauté. Les sénateurs, qui redoutaient les généraux vainqueurs, ont eu de la chance que Pompée ne soit que Pompée, et ne se trompaient pas à son sujet : cet homme à la mode n'avait jamais comploté parce que la mode était aux complots. »
En conclusion, il n'a pas justifié son surnom de « Grand » : il n'avait que de l'ambition, mais pas de hautes vues ni de système ; fier de ses succès militaires bien réels, et se reposant sur l'éclat de sa renommée, il dédaigna les efforts de César, et, par ses hauteurs maladroites, il mécontenta ses propres amis politiques.
Les bains et les thermes
On voit ici Alix et ses jeunes compagnons profiter, de bon matin, des plaisirs du bain public, une véritable institution dans le monde gréco-romain.
En effet, c'est en Grèce que les bains apparaissent à l'époque archaïque comme le complément nécessaire à la pratique d'activités physiques. Le goût du bain s'explique à l'origine par la notion de « propreté sportive », par l'exaltation de l'esprit dans l'exaltation du corps chère à la culture grecque.
Les premiers bains étaient en plein air. Dès la fin du -V° siècle, le loutrôn, salle close, met ses installations sommaires à la disposition des usagers du gymnase : une vasque sur pied haut, alimentée manuellement en eau froide, permet de se laver les mains et le corps ; une salle de sudation est parfois également présente. A partir du -IV° siècle et à l'époque hellénistique, le dispositif se perfectionne et bénéficie souvent d'une alimentation en eau courante. Des séries de cuves alignées permettent une toilette par aspersion plus efficace, mais l'objectif reste limité à l'hygiène du corps.
Les bains publics indépendants des gymnases apparaissent dès le -VI° siècle et se multiplient à partir du -IV° siècle. Le gymnase devient alors un club pour privilégiés où se développent l'individualisme et le goût du confort, et les bains répondent à l'envie de délassement et de plaisir autant qu'au besoin initial de propreté. On commence à y trouver de véritables piscines permettant l'immersion. La salle principale est généralement circulaire ( thôlos ) et munie de baignoires individuelles en sabot. D'autres rotondes servent d'étuves pour le nettoyage par sudation. On en trouve à Olympie, à Athènes, au Pirée, dans les villes hellénistiques d'Egypte et d'Italie méridionale.
Les premiers bains romains s'inspirent à la fois du gymnase et des bains publics grecs, tels que ceux de Stabies à Pompéi ( -II° siècle ). L'athlétisme qu'on y pratique est un moyen d'accroître le plaisir du bain et non plus seulement un moyen de développement physique et intellectuel. La fréquentation du bain public fait alors partie de la vie journalière du Romain, homme ou femme, quelle que soit son origine sociale. On s'y rend surtout en fin d'après-midi, après la journée de travail et avant le repas du soir, la cena.
Après la Campanie, les bains publics se développent à Rome. Ceux d'Agrippa sont construits entre -26 et -19. Les thermes de Néron, d'une superficie de 16 000 m2, sont inaugurés en -64. Les seuls bâtiments des thermes de Trajan, édifiés entre 104 et 109, occupent 25 000 m2 au centre d'un enclos plus vaste ; même superficie pour les thermes de Caracalla, construits au III° siècle.
Intérieurement, les bains sont tous organisés selon le principe de la progression du chaud vers le froid, et selon deux types de plan ; soit un parcours rétrograde, qui fait revenir l'usager sur ses pas en empruntant au retour les pièces traversées à l'aller, les salles étant alors disposées en ligne, comme à Stabies, ou en équerre ; plus tard, le plan circulaire dispose les salles en boucle, comme dans les thermes impériaux, pour que les baigneurs qui entrent ne croisent pas ceux qui sortent.
Mais toujours les salles se présentent selon le même ordre : l'usager trouve successivement le vestiaire ( apodyterium ), la salle tiède ( tepidarium ), la première salle chaude dans laquelle on se nettoie ( destrictarium ), une seconde salle chaude ( caldarium ), comportant une vasque d'eau froide ( labrum ), et enfin la salle froide ( frigidarium ). Certains thermes possèdent aussi des itinéraires secondaires mieux adaptés aux besoins des sportifs, et plusieurs étuves pour se nettoyer par la sudation ( laconicum, sudatorium ).
En plus du bain, les thermes permettent la pratique de nombreuses activités sportives, sociales ou culturelles, par la présence d'une palestre, d'un gymnase couvert, de latrines collectives, de salles de lecture, de bibliothèques, etc.
Dès le début du -I° siècle, la technique des hypocaustes permet de distribuer une chaleur sèche dans l'édifice jusque là chauffé par des braseros. Le décor devient somptueux : placages en marbre, peintures, mosaïques, sculptures.
Les luxueux bains de Rome mettant en oeuvre des techniques hydrauliques et thermiques avancées deviennent une formidable « vitrine » de l'idéal de vie romain, un objet de propagande montrant la puissance de l'Empire aux peuples récemment romanisés. Le modèle se diffuse de la Bretagne insulaire à l'Arabie, mais aussi à Carthage, Ephèse, Sardes, Milet, où naît le bain-gymnase, modèle hybride empreint d'hellénisme.
La chute de l'Empire verra la fin du bain public en Occident, mais il subsistera dans sa partie orientale à l'époque byzantine. Les hammams ou « bains turcs » contemporains sont les descendants directs des thermes antiques.
Le théâtre à Rome
Les premières représentations théâtrales données en langue latine sont précisément datées parce qu'elles émanent d'une décision des magistrats romains : en -240, Livius Andronicus, d'origine grecque, fut chargé de donner des jeux scéniques ( ludi scaenici ) pour lesquels il présenta de véritables pièces comportant une intrigue, les fabulae. Cette date correspond aux débuts de l'expansion romaine après le première guerre punique.
Par la suite, les jeux scéniques sont commandités par les magistrats romains à l'occasion de fêtes célébrant les dieux : les ludi Romani honorent Jupiter, les ludi Apollinares, Apollon, les ludi Megalenses, Cybèle. Il en était organisé aussi pour les funérailles et les triomphes.
Le premier théâtre permanent fut construit par Pompée en -55 ( page 19 de cet album ). Avant, les constructions étaient provisoires : une estrade devant le temple. Les théâtres permanents romains ne recopient pas les théâtres grecs : les gradins sont étagés dans un espace semi-circulaire, l'orchestre est occupé par les sièges des sénateurs et des chevaliers, et la vaste scène, surélevée, peut accueillir les acteurs, le choeur, mais aussi des troupeaux d'animaux ! Cette disposition favorise des effets spectaculaires secondés par une machinerie élaborée permettant les changements de décor et le soulèvement des personnages dans les airs.
Les acteurs sont généralement au nombre de trois à cinq. Ils jouent devant le décor que supporte le « front de scène » ( frons scaena ), percé de portes menant aux coulisses ; la musique est jouée par un flûtiste ; parfois, un acteur mime une action chantée par un autre comédien. On ne sait pas si les acteurs ont toujours porté un masque, mais Cicéron en atteste la pratique à son époque et elle est confirmée après lui.
Avant Livius Andronicus, il y aurait eu, dès le -IV° siècle, des spectacles rituels dansés et chantés, selon un modèle étrusque. Les sujets traités par les dramaturges romains furent en grande partie empruntés au théâtre grec : on distinguait les comédies palliata ( le pallium est le manteau porté par les Grecs ) dont les principaux auteurs sont Plaute et Terence, par opposition aux comédies togata ( la toge est le vêtement des Romains ) qu'on ne connaît que par fragments. Les tragédies, à quelques exceptions près, reprennent des sujets grecs.
Mais ces genres furent remplacés dès le -I° siècle par le mime et la pantomime qui font évoluer le spectacle vers la danse et le chant. Dans la pantomime, les thèmes mythologiques et tragiques supportent une danse qui se substitue à la narration parlée et met en valeur un seul artiste. Cette évolution n'est pas une décadence : la tradition théâtrale romaine puise ses sujets dans la littérature grecque tout en comportant les ingrédients d'un spectacle complet apprécié des lettrés de l'époque impériale.
Le Sénat et les sénateurs
On voit dans cette histoire Quintus Arenus recevoir une belle promotion : il est devenu sénateur, même s'il ne le reste pas longtemps. Dans les aventures d'Alix, il est souvent question du Sénat romain, et pas toujours en bien. Qu'en est-il de cette vénérable institution plutôt mal connue ?
Le Sénat existait déjà sous la royauté et devint l'organe institutionnel essentiel de la République ; l'Empire le conserva jusqu'à la fin, même si ses prérogatives furent amoindries.
Les sénateurs furent seulement 300 jusqu'au -II° siècle ; leur nombre fut porté à 600 par Sylla, puis à 900 par César, avant de revenir à 600 sous Auguste. Ils siégeaient dans la Curie, près du Forum, un bâtiment rectangulaire d'assez modestes proportions ( 27 m x 15m ), et non pas dans un hémicycle comme le cinéma le montre souvent.
Le Sénat est le conseil permanent de la Cité. On est sénateur à vie, sauf exclusion pour motif grave, et la fonction n'est pas héréditaire. Des magistrats, les censeurs, sont élus tous les cinq ans pour dresser la liste ( album ) des anciens magistrats ( consuls, censeurs, prêteurs, édiles, questeurs, tribuns de la plèbe ) parmi lesquels seront désignés les futurs sénateurs. Cette opération s'appelle la lectio senatus, et c'est ainsi que s'explique le nom de « pères conscrits » ( patres conscripti ) par lequel sont désignés les sénateurs puisqu'ils sont inscrits sur une liste. Sur celle-ci, les candidats sont classés par ordre d'importance des magistratures, en fonction de la dernière qu'ils ont exercée. Il s'agit de retenir « les meilleurs », ce qui est l'exacte définition de l'aristocratie. Il faut prouver une fortune de 400 000 sesterces, ne pas avoir eu de condamnation judiciaire, ne pas exercer certains métiers ( tel que le commerce maritime ) et ne pas être affranchi, c'est à dire être un ancien esclave.
Comme dans toutes les aristocraties antiques, les sénateurs vivent surtout des revenus de leurs domaines agricoles. Mais c'est moins ainsi qu'ils s'enrichissent que par l'exercice de leurs fonctions politiques. Les campagnes militaires qu'ils conduisent en commandant des armées leur permettent d'obtenir une part du butin. Le gouvernement des provinces leur permet d'obtenir de leurs administrés cadeaux, gratifications et pots-de-vin. Les ambassades étrangères qui sollicitent du Sénat une décision favorables peuvent aussi leur offrir des présents.
Les richesses ainsi amassées sont rarement investies ou thésaurisées, mais généralement dépensées pour alimenter un luxe de plus en plus raffiné : domus de Rome ou villae de campagne magnifiquement décorées, banquets somptueux, nombreuse domesticité... Cette exhibition de richesses ne répond pas au seul goût du plaisir : c'est un moyen d'obtenir une reconnaissance sociale, indispensable dans un système politique fortement compétitif et concurrentiel, où le succès repose sur l'élection populaire ( même si elle est quelque peu biaisée ), et nécessite que l'on s'attache un grand nombre de protégés, les « clients ». Autre privilège très recherché : ils pouvaient occuper les premiers rangs aux spectacles.
Reconnaissons néanmoins que certains savaient placer judicieusement leur argent dans des activités où il pouvait fructifier, en utilisant des prête-noms ( le plus souvent celui d'un de leurs affranchis ) lorsque leur nom ne devait pas paraître au grand jour. Par exemple, Cicéron possédait en propre 50 navires marchands.
Le système impose aussi au sénateur de manifester des compétences spécifiques ; militaires, puisqu'une partie de sa carrière se déroule à commander les armées sur les champs de bataille ; orateur, pour emporter la décision devant le Sénat, les tribunaux ou les Assemblées de citoyens ; juridiques, indispensables à qui veut disposer de clients ou d'amis.
Une carrière au Sénat se préparait donc par une formation poussée : droit, rhétorique, philosophie, parachevée par un séjour auprès de maîtres grecs, à Athènes ou Rhodes. Tous les sénateurs sont bilingues, latin et grec. Non seulement ils s'entourent d'artistes, architectes, peintres, sculpteurs, écrivains, mais souvent aussi ils écrivent eux-mêmes, notamment des livres d'Histoire.
Les décisions du Sénat en font un véritable organe de décision politique dont les compétences s'exercent particulièrement dans les affaires extérieures et les finances. Il a la responsabilité de la conduite de la guerre : déclaration, enrôlement, choix des théâtres d'opération, nomination et contrôle des magistrats commandant les armées, traité de paix, diplomatie, attribution du triomphe. Il reçoit les ambassadeurs et envoie les siens. Pour les finances, il fixe les dépenses publiques, en particulier les dépenses militaires, le montant des impôts dus par les citoyens, celui des taxes et des tributs dus par les provinciaux, et contrôle les marchés publics de grands travaux. Il contrôle les divers magistrats à la fin de leur année d'exercice et peut décider alors de proroger le pouvoir de ceux qui sont en fonction hors d'Italie.
C'est une assemblée fortement hiérarchisée dans laquelle le pouvoir de décision appartient de fait à un groupe restreint de personnages influents, en premier lieu le Princeps Senatus, le premier inscrit sur la liste des sénateurs, qui avait le privilège de parler en premier, tandis que d'autres s'expriment peu ou pas du tout, ou se contentent d'approuver ( par exemple les débutants ou les recalés aux élections ). La séance était présidée par l'un des consuls en exercice. On votait en se déplaçant d'un côté ou de l'autre de la salle : c'est pour cela que les sénateurs muets étaient surnommés les pedarii, « ceux qui parlent avec leurs pieds ». A la fin de la République, les clivages internes reposent moins sur l'ancienne distinction entre patriciens et plébéiens, mais sur les alliances temporaires d'intérêts. Toutefois, la nobilitas, la noblesse de fonction de ceux dont les familles avaient fourni plusieurs générations de magistrats supérieurs ( les Scipion, les César ) avait tendance à snober les hommes nouveaux qui ne devaient leur intégration au Sénat qu'à leurs succès personnels ( Caton, Marius ou Cicéron ) et dont le prestige restait moindre.
La justice criminelle à Rome
Le tribunal
A l'origine, la loi abandonnait l'auteur de l'homicide volontaire à la vengeance des parents de la victime : la mise à mort du coupable avait valeur expiatoire pour le vengeur. La Lex Cornelia de -81 crée un tribunal criminel permanent, le quaestione, compétent pour juger tous les crimes ayant provoqué la mort. Un magistrat, le prêteur spécialisé nommé le quaesitor, assisté d'un conseil, était chargé de l'enquête et de la répression, un collège de juges étant alors constitué par accord entre les représentants de l'accusation et ceux de l'accusé. Les juges n'étaient pas insensibles aux cadeaux de l'une ou l'autre partie pour prendre une décision allant dans le sens souhaité : c'est ainsi qu'un justiciable, acquitté par deux voix, se plaignit d'avoir dû acheter un juge de plus qu'il n'était nécessaire.
Les séances du tribunal avaient lieu en plein air et en public, comme le montre l'album, ou dans la basilique lorsque le temps était incertain.
La peine
Mais contrairement à ce qu'on peut penser, sous la République, les progrès réalisés par la justice publique se sont accompagnés d'une répugnance de plus en plus nette envers la peine de mort. Les supplices initialement diversifiés et rigoureux ( flagellation, bûcher, Roche Tarpéienne ) laissent place à un mode d'exécution ordinaire discret, par étranglement dans la prison. Seul le sort des esclaves et des parricides s'aggrave par la crucifixion pour les premiers et la peine du sac jeté à l'eau pour les seconds. La peine de mort n'a jamais frappé qu'un petit nombre de crimes, elle sera remplacée par des amendes ou la confiscation des biens pour les crimes les moins graves, et par l'exil pour les crimes capitaux : crime d'État, meurtre, empoisonnement, faux témoignage, et tombera en désuétude pour les autres. Mais elle sera réintroduite sous l'Empire, le crime le plus grave étant alors celui de lèse-majesté envers l'Empereur, sévèrement châtié.
L'avocat
Le ministère d'un avocat n'est jamais indispensable, mais il est de règle pour les affaires criminelles graves : l'avocat assiste l'une ou l'autre partie à un procès par ses conseils. Sous la République, les procès criminels jugés par une quaestio marquent l'âge d'or de l'éloquence judiciaire. Les grands orateurs, comme Cicéron, s'attachent à défendre, l'accusation étant assistée par de moindres talents. L'arrière plan politique de ces procès médiatisés à l'extrême confère aux orateurs une place de premier plan : l'assistance judiciaire sert la carrière politique.
Le rôle primordial de l'éloquence refoule au second plan l'audition des témoins et l'examen des preuves, auxquels il est procédé seulement après les plaidoiries : le jugement est prononcé sur le champ, sous l'effet de la parole. Le temps de parole est limité à 2 heures pour l'accusation, à 3 heures pour la défense. Cette prévalence de l'éloquence a une autre conséquence : il n'est pas indispensable que l'avocat plaidant soit un fin juriste, mais celui-ci dispose le plus souvent d'assistants qui connaissent dans les moindres détails les lois et la jurisprudence.
L'assistance de l'avocat est en principe gratuite : il est interdit aux avocats de recevoir une rémunération en argent, même sous forme de cadeau ( Lex Cincia, en -204 ), aussi l'honorait-on avec un cadeau sous une autre forme ( d'où nos honoraires actuels ), par exemple un objet de valeur. Plus tard, l'Empire admettra la convention d'honoraires, limitée à 10 000 sesterces, tandis que le rôle de l'avocat, devenu profession libérale, se professionnalise et abandonne la grande éloquence devant des juges fonctionnaires et une procédure criminelle devenue, avec la disparition des quaestiones, plus arbitraire : le droit de se faire assister, en défense, est laissé à la discrétion du juge.
Les personnages
Alix : pour cette fois, ce n'est pas lui qui vole au secours d'un ami en danger, c'est lui-même qui a besoin du secours de ses amis pour échapper à un danger, et pas n'importe lequel ! Le voilà accusé de l'assassinat d'un sénateur, arrêté, emprisonné et promis à une justice qui savait être expéditive quand ça arrangeait le pouvoir en place, lequel n'est pas précisément de ses amis. On comprend qu'il déprime un peu et qu'il n'est pas plus rassuré qu'il le faut quand des inconnus le font évader. Mais il se reprend vite pour partir à la chasse de ceux qui ont voulu le compromettre, et la chasse est fructueuse, jusqu'au procès qui l'innocente et jusqu'au combat final qui le voit une fois de plus dans l'arène. On aurait d'ailleurs aimé voir un peu plus de ce combat : Alix y aurait-il été toujours aussi efficace ? Quoi qu'il en soit, nous le retrouvons ici dans deux situations inhabituelles : accusé d'abord, ensuite toujours aussi épris de sa chère Lidia, mais si la première s'achève bien pour lui, il ne semble pas aussi sûr de lui pour la seconde ! S'il se révèle bon comédien sur une scène, il ne l'est pas assez pour contrôler ses sentiments dans le privé.
Enak : il se fait du souci pour Alix, et on s'en ferait à moins ; pourtant, une fois son ami délivré, il n'est plus du tout partant pour aller chasser avec lui. Et quand il apprend qu'en plus de la chasse, il lui faudra se déguiser – et quel déguisement ! - il n'a plus envie de jouer, alors qu'il s'est déjà montré un artiste doué. On connaît cette dernière qualité chez lui, plutôt qu'homme d'action, domaine dans lequel il a connu quelques déboires, ce qui ne l'empêche pas de prendre sa part de l'aventure quand il le faut. On admirera au passage son acuité visuelle – normale chez un archer – qui lui permet de reconnaître le sosie d'Alix à bonne distance !
Et, par ordre d'entrée en scène :
Caïus Quintus Arenus : le tout nouveau sénateur ne fera qu'un bref passage dans cette histoire puisqu'il perd rapidement la vie au milieu de ses invités, mais il aura quand même le temps de reconnaître son agresseur, ou plutôt de comprendre que ce n'est pas celui qu'on veut faire croire ( au fait, à qui, puisqu'il n'était pas censé y avoir de survivants et que Julia n'a dû son salut qu'à un hasard ? ), et de le clamer assez haut.
Julia Curtia : la voici devenue l'épouse de Quintus Arenus depuis leur rencontre dans « La chute d'Icare », mais elle ne le reste pas longtemps. Sans jouer tout à fait à la veuve joyeuse, elle semble assez bien supporter la situation et n'hésite pas à se rapprocher d'Alix, un peu plus que la décence l'y autoriserait, et elle le verrait bien la consoler après la soirée éprouvante qu'elle a vécu et où elle s'est montrée moins sûre d'elle qu'à Ikarios.
Remus Sulcius : bien sûr, lors de sa première apparition au milieu de la fête, on ne sait pas qui est celui qui se fait passer pour Alix. On découvrira plus loin ce curieux personnage, à la fois comédien professionnel et tueur à gages. Selon lui, la haine qu'il éprouve pour Alix n'a d'autre origine que leur ressemblance, qui n'est pourtant qu'approximative, Pompée lui-même l'ayant remarquée ( page 24 ) : Remus a les cheveux plus sombres qu'Alix ( ce qui l'oblige à porter la fameuse perruque ) et les yeux bleus ( et à l'époque, on n'avait pas encore inventé les verres de contact ! ), particularité que Quintus Arenus avait lui aussi observée. Mais n'y a-t-il vraiment que la ressemblance ? Par rapport à Remus, qui ne semble pas être une star, ni l'idole du public ( les spectateurs se sauvent pendant sa prestation ), Alix n'est-il pas socialement plus chanceux ? Cet étrange caractère ira cependant jusqu'au bout et jusqu'à la mort. Son seul nom nous fait comprendre que ce sera lui le perdant : comme lors de la fondation de Rome, Remus, c'est celui qui n'a pas eu la chance de rester dans l'Histoire.
Héraklion : le pupille et élève d'Alix fait de brèves apparitions, mais son absence, dans une histoire se déroulant à Rome, où il semble désormais passer le plus clair de son temps, tandis que ses deux amis courent le monde, aurait été étonnante. D'ailleurs, puisqu'il suit un « entraînement de jeune cavalier au Champ de Mars », cela veut certainement dire qu'il est devenu citoyen romain et sans doute futur officier, comme il convient à quelqu'un de son rang. Lui aussi se fait du souci pour Alix, même s'il se tient un peu plus à l'écart de l'intrigue.
Carlus Némius Dovella : l'avocat ne fait lui aussi que passer, et d'ailleurs on ne le verra pas au procès, ou, du moins, il n'y interviendra pas. En tout cas, il semble soucieux des intérêts de son client, c'est bien le moins ( voir l'article sur la justice, ci-dessus ).
Fulgor : un revenant, que l'on avait déjà croisé dans « Le fils de Spartacus », où il avait eu l'occasion de rendre quelques services à Alix. Ce très bon connaisseur de Rome, y compris dans ses aspects souterrains qui ne sont pas les plus reluisants, vient à nouveau au secours d'Alix, et ne le quittera plus jusqu'au dénouement. C'est un homme dévoué, non seulement à Alix, mais aussi au parti des Césariens. En effet, on comprend qu'il est, dans la mesure de ses moyens et sans doute à un échelon assez subalterne, l'un des responsables de ce parti politique qui s'oppose à celui de Pompée.
Corus Maler : encore un revenant, et là, ce ne serait pas une figure de style, puisque nous l'avions vu disparaître dans une explosion à la fin du « Spectre de Carthage ». Oui, mais si la présente aventure peut être datée avec assez de précision, il n'en est pas de même du « Spectre de Carthage » qui ne comporte aucun repère dans le temps ( la moitié des aventures d'Alix sont dans ce cas, et rien ne nous dit non plus qu'elles ont été publiées dans l'ordre chronologique ) et qui a donc pu se dérouler après celle-ci ; et voilà pourquoi notre homme n'aurait pas eu besoin de ressusciter ! Pour ce qui est de son rôle dans cette histoire, et en commençant par le sauvetage d'Alix, qu'il organise de main de maître, il dispose de tout ce que Fulgor n'a pas : une belle fortune et une situation élevée ( il suffit de voir sa demeure et le fait qu'il peut s'adresser à Pompée sans intermédiaire ), mais surtout des relations, en particulier avec César dont il semble être l'un des hommes de confiance à Rome. En tout cas, il est efficace et peu impressionnable ; et il serait même un peu poète, co-auteur de la fameuse pièce, ce qui n'aurait rien d'étonnant chez un Romain de sa classe.
César : à travers le mauvais tour joué à Alix, il comprend tout de suite que c'est lui qu'on vise. Il sait que Pompée fera tout pour qu'il ne revienne pas aux affaires, et quoi de mieux qu'un crime sordide pour le déconsidérer avec tout son parti et ses partisans, en faisant accuser l'un de ceux-ci ? Mais il ne doute pas un instant de l'innocence d'Alix, dont il connaît le caractère, et on le voit réagir très rapidement, fidèle à sa réputation comme à la réalité, et commander à distance la réplique au complot.
Les anciens Molochistes : nous les avions quittés, enchaînés et certainement promis à un sort peu enviable ( au mieux, l'esclavage, au pire, la mort ), à la fin du « Tombeau étrusque », qui, en bonne logique, se situerait juste avant la présente histoire. On ne nous dit pas précisément comment ils s'y sont pris, mais ils ont eu l'habileté de se rallier à César pour sauver leurs vies en se transformant en mercenaires aussi impitoyables qu'efficaces. On les voit ici à l'œuvre à plusieurs reprises et ils n'ont rien perdu de leur puissance au combat ( faut-il remercier Brutus ? ), seule la cause a changé. Alix, qui a laissé un bon souvenir à l'un d'eux, ne s'en plaindra pas cette fois.
Pompée : il est toujours présenté dans les aventures d'Alix comme le grand ordonnateur des combines et des coups fourrés, même s'il n'agit pas en personne. Il veut mener ici une intrigue complexe destinée à compromettre Alix pour embarrasser César, mais l'exécutant qu'il a choisi n'est pas à la hauteur et il échoue ( voir ci-dessus l'article qui lui est consacré ).
Octave : le futur Auguste n'a rien perdu de son assurance et de son caractère très Romains. Il se conduit ici en vrai chef de famille, très soucieux de l'honneur et de la réputation de sa sœur, pourtant plus âgée que lui. Leur père était décédé alors qu'ils étaient très jeunes, et leur mère, Atia, la nièce de César, s'était remariée rapidement. Ils avaient alors été élevés par leur grand-mère, Julia, et c'est à l'occasion du décès de celle-ci que le jeune Octave, qui prononça son oraison funèbre, fit sa première apparition publique en -51. Voilà qui plaide à la fois en faveur d'une relative indépendance des deux jeunes gens tels qu'on les voit dans leur demeure où ils recueillent Alix, et pour situer l'histoire en -50. Octave prend aussi déjà ses responsabilités politiques : en défendant Alix, et notamment en intervenant impérieusement pendant le procès, il défend César, qui le lui revaudra. Cela ne l'empêche pas, à l'occasion, de se comporter comme le vrai gamin qu'il est encore...
Lidia Octavia : elle se montre plutôt circonspecte dans cette histoire et ne fait pas spontanément confiance à Alix : peut-être est-elle déçue de voir son chevalier servant compromis dans une affaire criminelle des plus sordides, à moins qu'elle ait entendu parler des tentatives de la sulfureuse Julia Curtia ( une parente éloignée ? ). Le mystère un peu éclairci, elle n'est plus insensible aux avances d'Alix tout en restant sur une prudente réserve. Heureusement pour sa vertu, son petit frère veille et fait bonne garde. Sa réaction prouve qu'elle se serait bien passé de ce surveillant, et elle continuera d'accompagner son soupirant. Un bon point pour Alix, même si on sait que finalement, elle ne sera pas pour lui.
Servio : le voici de retour, lui aussi, après ses pérégrinations africaines de « La griffe noire ». Il a aussi changé d'employeur : il s'est trouvé une sinécure chez Quintus Arenus et son épouse ( pourquoi n'est-il pas entré au service d'Alix ? ). Sa participation à l'histoire se limite à la poursuite et à la capture de Remus, après quoi on le perd de vue au moment du procès. Il a eu le temps de se montrer une fois de plus un partenaire efficace.
Manlius Fallone : le laniste conclut en quelque sorte l'histoire, en homme soucieux de présenter à son public un spectacle de qualité. Et il ne se fait pas faute de faire tout le nécessaire : Remus aura droit à un excellent équipement et à un non moins excellent dopage. Pour pas grand chose, en fin de compte, car son sort funeste était déjà scellé et on ne saura jamais si le laniste regrettera ou pas ses 1500 sesterces...
Conclusion
Ma conclusion sera celle de l'album ; regardez-en la dernière image : elle représente dix personnages réunis deux par deux. Les serviteurs apportent la cena, le repas du soir. Ces dames, Julia et Lidia, papotent, paisiblement assises sur leur canapé. Octave ( toujours muni de sa perruque ) et Héraklion font les singes : qu'ils en profitent pendant qu'ils le peuvent encore, c'est de leur âge et l'avenir est incertain. A droite, Corus Maler et Fulgor commentent sans doute les derniers évènements et peut-être la situation politique. Au centre, Alix et Enak tirent la leçon de ce qu'ils viennent de vivre et constatent qu'ils s'en sont encore bien sortis pour cette fois, mais que ne feraient-ils pas pour Rome qui leur a tant donné ? Ah, Roma, Roma...
Sources : essentiellement, l'irremplaçable « Dictionnaire de l'Antiquité », de Jean Leclant ( PUF ), maintes fois cité ici.
La prochaine fois : C'était à Khorsabad ( le souvenir de l'Assyrie, les nomades... )
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