Patrice et moi avons lu ce nouvel opus.
Thorgal, devenu Shaïgan, participe aux pillages et autres rapines orchestrés par Kriss et ses lieutenants. Mais le viking retient ses coups et ne comprend pas cette débauche de cruauté et la frénésie de meurtres. Une nième razzia sur un monastère et la vision d'une none ressemblant à Aaricia réveillent en lui des sentiments et surtout le désir de retrouver son passé. Il se tourne vers une magicienne qui l'envoie vers un enchanteur plus expérimenté. Celui-ci propose à notre héros de lui redonner ses souvenirs en échange d'une arme fabuleuse, dissimulée sur une île lointaine et protégée par des créatures fantastiques. Kriss et Thorgal partent à la recherche de l'artéfact, cependant que l'équipage gronde et pense mutinerie car il ne comprend pas cette décision....
Je confie avoir lu il y a bien longtemps le cycle de Shaïgan et mes souvenirs ont en grande partie disparu. La chronique ci-dessous peut donc comporter quelques incompréhensions ou erreurs pour lesquelles je sollicite par avance l'indulgence des membres du forum.
Avec ce Thoral Saga, Yann regarde du côté de XIII avec un héros obnubilé par son passé et prêt à tout pour le retrouver. Nous retrouvons donc un combattant, rusé, hardi, vaillant et d'une certaine noblesse, qui n'hésite pas à défier les demi-dieux, le gardien de l'épée, pour retrouver sa mémoire. Le couple formé avec Kriss apparait très déséquilibré. La cruauté, l'avidité et le cynisme de l'héroïne contrastent fortement avec la retenue, l'indifférence et la noblesse du viking. Yann insiste d'ailleurs beaucoup sur la folie meurtrière de Vallnor, bien au-delà, me semble-t-il, de ce qu'a écrit en son temps Van Hamme. L'hémoglobine coule à flot dans ce volume...
La recherche de la mémoire par Thorgal ressemble à un jeu de piste et le héros va d'île en île, de tombeau en tombeau. Et l'artéfact une fois obtenu, Yann a l'intelligence de recourir au deus ex machina de la série, les dieux... Je n'en dirai pas plus mais la conclusion de cette BD sonne juste. D'une façon générale, le mariage entre l'histoire et la mythologie prend et le lecteur ne peut qu'apprécier
.
De son côté, Kriss maltraite son équipage et apparait bien esseulée. Les malfrats qui la suivent ne sont motivés que par l'appât du gain et les pillages. Et au final, l'anti héroïne sera sauvée de la mutinerie non par son autorité ou par des alliés mais par la moralité et les talents de combattant de celui qu'elle trompe. Un beau paradoxe.
Venons en maintenant au dessin. Je connais les styles de Rosinski, Vignaux, Recht et Corentin Rouge. Et voilà que la lecture de la BD m'a permis de découvrir un nouveau trait, celui de Roman Surzhenko qui a déjà opéré sur différentes greffes de la série mère telles
Louve ou
La jeunesse de Thorgal. Et je ne suis pas satisfaite. Certes, la composition des visages et les scènes d'action ont fière allure.
En même temps, il manque un je ne sais quoi. Peut être le dessinateur use et abuse un peu trop de la veine épique ? Or les beaux décors sont consubstantiels à l'univers de Rozinski. Recht et Rouge ont parfaitement intégré ce pilier et nous ont donné de superbes grandes pages presque contemplatives. Certes, le dessinateur nous offre quelques belles vignettes comme celles avec le dragon ou les combats maritimes. Certes. Mais cela, selon mon goût, ne compense pas l'absence de lyrisme. Le grand format des albums
Thorgal Saga offre des possibilités qui n'ont pas ici été utilisées à leur juste mesure.
Dans un autre registre, Surzhenko a pour habitude de colorier ses dessins. Or je confie ne pas avoir apprécié cette facette de son talent. Si on retrouve le pastel et les couleurs douces caractérisant désormais la série, les mariages manquent de subtilité.
Au final, la bonne surprise de cet opus vient de Yann qui nous délivre un beau scénario, ponctué de multiples rebondissements, sans verbiage, et qui se lit très bien. Le dessinateur m'a semblé être passé à côté de l'enjeu. N'ayant pas lu ses autres productions, peut être est-ce simplement son crayon habituel et peut être suis-je allergique à cette vision artistique. Les goûts et les couleurs…
EEEEléanore