Je vous fais un petit retour à chaud, puisque j'ai lu
Le Gardien du Nil hier soir, en essayant de ne pas trop dévoiler d'éléments de l'intrigue pour ne pas vous gâcher le plaisir de lecture.
Sans ambages, j'ai passé un bon moment de lecture.
Le Gardien du Nil est un album plaisant, au rythme bien dosé même si la fin est peut-être un peu abrupte — mais, j'ai trouvé, très martinienne et riche en références ou échos à des albums précédents — je n'en dis pas plus.
(D'autres éléments le sont aussi comme le traitement de l'antagoniste et la révélation de son identité, également tout à fait dans le style de Jacques Martin.)
Crime de lèse-majesté, je n'ai jamais lu
Le Prince du Nil : Valérie Mangin introduit habilement et de façon pas trop artificielle quelques flashbacks, qui permettent de suivre l'histoire de ce 43e tome sans trop d'incompréhensions. Sur cette base, je trouve le rebond plutôt bien mené et positionné dans une chronologie qui a du sens (un an après les événements du
Prince).
Concernant le dessin de Chrys Millien, je reste sur ce sentiment ambivalent que j'ai déjà mentionné dans d'autres discussions. C'est bien fait, c'est précis, c'est peut-être trop détaillé. Mais l'on reste à un très bon niveau et mieux vaut cela qui pécherait par excès de finesse que les expériences plus ou moins malheureuses (pour le dessin des personnages) que sont pour moi Moralès, Ferry, Venanzi ou Albertini. Et puis on a une cohérence graphique physique d'Alix et Enak avec ceux de Jailloux, même si chaque auteur a ensuite son style propre.
Le physique de Cléopâtre est parfois un peu inégal selon l'angle de la prise de vue, et l'on pourrait débattre du physique retenu pour la représenter (pas assez grec), mais celui-ci est cohérent avec ses précédentes apparitions dans
Alix et c'est ça qui doit prévaloir. Concernant son caractère et son rôle dans cette histoire, je n'ai pas lu les albums d'Alix où elle apparaissait auparavant et ne peux juger de leur cohérence et de leur pertinence : je suis curieux d'avoir votre avis là-dessus...
Pareillement, quelques scènes — d'action en particulier — donnent l'impression d'être en "arrêt sur image" ce qui fait bizarre. Je pense à des épisodes de bataille ou une case où l'on voit Alix sauter de cheval en arrière-plan. C'est un peu bizarre, car c'est pourtant bien dessiné, mais ce n'est pas très grave en fin de compte.
Enfin, quelques représentations violentes ou cruelles me semblent aller au-delà des façons canoniques de la série, en étant plus graphiques, mais peut-être cette évolution est-elle nécessaire pour qu'Alix reste une BD de son temps (malgré quelques détails un peu ridicules parfois, je pense à une vue dans la cité de Sakhara détruite).
La mise en couleur de Florence Fantini est tout particulièrement réussie et contribue également à cette unité d'apparence de la série, ce qui est une bonne chose*. Elle donne aussi plus de relief et de profondeur au dessin de Millien par rapport à ses albums précédents. Le papier de l'édition CanalBD n'y est pas pour rien, comme pour
Le Bouclier d'Achille. Et tant que l'on est sur ce sujet, cette version collector est globalement superbe et le long texte à portée "épistémologique" de Valérie Mangin en fin d'album est très intéressant.
Le choix d'une aventure égyptienne est en tout cas sympathique et rafraîchissant (même si c'est moins écrasé par le soleil que dans d'autres visites d'Alix au pays des pharaons
).
Je terminerai sur le personnage féminin de Kiya que j'ai trouvé bien caractérisé et très juste, plus équilibré que les guerrières de l'album précédent du duo Mangin/Milien, trop modernes.
Bref, un cru très sympathique, que l'on pourra avoir plaisir à relire. Et le tout dans un écrin qui mériterait de devenir la nouvelle norme.
*P.S. : à propos de la mise en couleur, je me demande parfois si ce ne serait pas une bonne idée de demander à Florence Fantini de refaire les couleurs d'une partie des albums à partir de la fin de l'ère Martin et jusqu'à l'arrivée de Marc Jailloux, dont les couleurs sont le plus souvent soit trop éteintes, soit trop saturées, ou trahissant une maîtrise maladroite du numérique. Pas certain que Casterman soit prêt à investir là-dedans toutefois.