Lefranc, Alix, Jhen ... et les autres
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Les femmes dans l'œuvre de Jacques Martin

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Clovis Sangrail
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Raymond
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Monocle

Monocle
grand maître
grand maître

Trop facile! La mort aux trousses, mais Eve Kendall ne tue pas vraiment roger thornhill.. Wink .

Raymond

Raymond
Admin

Pour Gloria Fischer, j'ai simplement découvert son prénom en lisant attentivement l'album.   Wink

Les femmes dans l'œuvre de Jacques Martin - Page 7 Crypte18


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eleanore-clo

eleanore-clo
vieux sage
vieux sage

Je le suis mal exprimée.
Comment savez vous que c'est l'épouse de Fischer ?

Éléanore

Raymond

Raymond
Admin

Cela, je n'en ai pas la preuve ! Mais comme elle a accès au carnet de chèque de Fischer, la déduction me semble logique.   Wink


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eleanore-clo

eleanore-clo
vieux sage
vieux sage

Monocle a écrit:Trop facile! La mort aux trousses, mais Eve Kendall ne tue pas vraiment roger thornhill.. Wink .

Bravo good

Allez, les lumières s'éteignent et nous nous installons confortablement dans le fauteuil.
Mon Hitchcock préféré et ma scène favorite.
Et qui sait, peut être un voyage au Mount Rushmore un jour...





Eléanore

Raymond

Raymond
Admin

Et pendant toutes ces années 80, qu'en est-il d'Alix ?   Cool

De beaux albums continuent certes à paraître mais les femmes n'y jouent hélas pas un grand rôle. Il ne me semble donc pas nécessaire d'en débattre ici.

C'est ainsi que l'Empereur de Chine, prépublié en 1982 dans Tintin, ne montre quasiment aucun personnage féminin. Alix rencontre certes une petite chinoise tout à fait aimable, fille d'une famille de pêcheurs qui viennent en aide au héros, mais cela reste bien anecdotique. La petite Yang semble attirée par Alix et ce dernier se révèle charmant mais elle connaîtra un sort tragique, comme d'ailleurs tous les chinois qui fréquentent Alix dans cette histoire.

Les femmes dans l'œuvre de Jacques Martin - Page 7 Empere10

Dans l'album suivant qui s'intitule Vercingétorix, on découvre une femme assez importante qui est l'épouse du grand chef gaulois. Elle se nomme Ollovia et se distingue par sa fidélité et son courage tout au long de l'aventure. C'est cependant une femme très soumise qui ne dit presque rien et il est bien difficile de disserter sur ce personnage. Elle tient finalement un rôle très conventionnel dans cette BD d'aventure où seuls les hommes ont vraiment quelque chose à dire !   Wink

Les femmes dans l'œuvre de Jacques Martin - Page 7 Vercin13

Comme je l'ai déjà écrit ailleurs, ce sont surtout Jhen et Arno qui renouvellent le monde de Jacques Martin pendant cette décennie. Et on va continuer à en parler.   Very Happy


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Raymond

Raymond
Admin

Créée par Jacques Martin et André Juilllard, la série Arno est apparue en 1983 dans le journal Circus, et le choix de ce nouvel éditeur (Glénat) ne fût pas sans conséquence. Ce journal visait en effet un public plus adulte que celui de Tintin et le style de ses bandes dessinées y était logiquement un peu plus osé. Les scénarios restaient certes des aventures traditionnelles mais, pour démontrer cette volonté de "faire adulte", le rédacteur en chef demandait souvent aux auteurs d'introduire des images non destinées aux enfants, par exemple des scènes de nus. L'ambiance générale de la série Arno devenait ainsi différente des autres œuvres de Jacques Martin, qui disposait en fait d'une liberté qu'il n'avait jamais connue.

Une autre constatation permet de distinguer Arno des BD martiniennes publiées à l'époque par le Lombard : Juillard était déjà un dessinateur ayant acquis une certaine réputation. Il avait en effet dessiné une bande dessinée à succès (les 7 vies de l'Epervier) au début des années 80 et ses images possédaient toujours une grâce évidente. Jacques Martin lui permettait donc d'adapter un peu ses découpages et le résultat graphique devenait ainsi encore plus séduisant. Il en résultat une sorte de splendeur picturale qui donnait à la série une identité bien singulière. Elle a hélas disparu lors de la reprise de la série par Jacques Denoël.

Je ne parlerai pas trop du premier album (le Pique Rouge) qui ne contient pas de personnage féminin intéressant et je m'intéresserai d'emblée à l'Oeil de Khéops, un titre qui reste pour moi un chef d'œuvre. C'est une aventure qui raconte le début de la campagne d'Egypte de Napoléon Bonaparte, mais Jacques Martin ajoute à cette épopée historique une belle et romantique histoire d'amour, qui marquera par la suite toute l'existence d'Arno. La jeune femme qui séduit le héros dans cet album se nomme Djeïla et c'est bien sûr à elle que va être consacré l'essentiel de ce message.

"Fille de l'ancienne Egypte" (donc "copte" selon ses propres mots), parlant le français et très indépendante, Djeïla nous apparait d'abord masquée car elle porte le costume d'un guerrier mamelouk. Une telle tenue suggère bien sûr que c'est une jeune femme pleine d'audace et de courage. Sa rencontre avec Arno est sinon pleine de mystère puisque la nature de son sexe est au départ équivoque et que tout se résume à un unique regard. Juillard dessine avec une belle maîtrise ce moment fatidique où les deux regards se rencontrent et on devine que désormais, tout va changer dans la vie des deux personnages.

Les femmes dans l'œuvre de Jacques Martin - Page 7 Oeil-k10

Arno et Djeïla sont tout deux hantés par cet échange visuel et c'est ainsi qu'après un nouvel affrontement militaire, la jeune femme envoie un signal lumineux au jeune vénitien. Ce dernier se dirige sans hésiter vers le "soldat égyptien" et un prudent dialogue s'engage. Oh miracle, ce soldat parle le français et il n'a pas d'intentions hostiles ! Une solide affection est en train de naître et Arno a déjà sa propre idée sur le sexe de son interlocuteur..

Les femmes dans l'œuvre de Jacques Martin - Page 7 Oeil-k11

Séduits l'un et l'autre par les regards et le mystère de ce premier contact, Arno et Djeïla se donnent dès lors d'autres rendez-vous. La rencontre suivante se déroule au bord du Nil et Arno propose à la guerrière de se baigner dans le fleuve. Et se retrouvant ainsi tout nus, les amoureux se découvrent avec un mélange de curiosité et de prudence. La scène dessinée par Juillard possède un érotisme évident mais le dessin n'a aucune vulgarité. C'est au contraire une séquence de toute beauté, qui accorde plus de place aux sentiments qu'aux élans charnels, même si l'implication sexuelle reste évidente. De la part d'Arno, cette hardiesse n'est pas surprenante car le premier album le présentait par moment comme un séducteur, mais c'est plus surprenant pour la jeune égyptienne. Elle est toutefois une "militaire" et peut-être a  t-elle déjà connu quelques expériences ?

Les femmes dans l'œuvre de Jacques Martin - Page 7 Oeil-k12

Après ce moment de grâce, la fiction amoureuse remplace presque complètement l'histoire guerrière et seule l'organisation secrète du "Pique Rouge" continue à menacer le héros. Des tentatives d'assassinat surviennent, d'ailleurs, mais Arno y échappe sans peine. L'essentiel du récit est consacré aux nouvelles rencontres d'Arno et Djeïla qui s'abandonnent avec délicatesse à leurs sentiments amoureux, en oubliant d'ailleurs certaines menaces qui planent sur eux! Djeïla affirme à nouveau qu'elle est "un soldat" tandis qu'Arno estime qu'elle est "une femme, aussi" et cette dernière constatation ne fait aucun doute. A la fois femme et guerrière, la jeune égyptienne se présente comme un personnage complexe qui est écartelé entre deux désirs (besoin d'autonomie ou envie de fusion dans un grand amour) et elle apparait ainsi typiquement romantique.

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Mais comme bien souvent chez Jacques Martin, les histoires d'amour se finissent mal. Un nouvel attentat de l'organisation Pique Rouge fait exploser la felouque où les deux amants s'étaient embarqués, et si Arno échappe de justesse à la déflagration, Djeïla se retrouve mortellement blessée. Arno essaie désespérément de la sauver mais au moment où des pêcheurs le hissent sur leur embarcation. la jeune femme s'enfonce définitivement dans les eaux. Le jeune italien ne va pas s'en remettre !

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Par certains côtés, l'Oeil de Khéops est une histoire amoureuse exotique et on pourrait se demander si le portrait de cette guerrière égyptienne est vraiment réaliste. Djeïla est cependant magnifiquement dessinée par André Juillard et ce dernier donne à son personnage une épaisseur charnelle, ainsi que des regards plein de sensibilité qui ne font pas envie de douter de son existence. Par ailleurs, les textes de Jacques Martin évoquent avec sobriété le dilemme d'une femme qui est sortie de son rôle social habituel et qui se retrouve rattrapée par la réalité de son sexe. Le portrait psychologique de Djeïla reste bien sûr assez sommaire mais le personnage ne parait jamais irréel. On croit volontiers à son existence et on comprend également la tristesse d'Arno qui se retrouve seul au milieu des ruines égyptiennes avec son amour perdu. Très rapidement, il voudra bien sûr se venger.

Et finalement, même si le récit de la campagne napoléonienne est bien mené et que les attentats répétés du Pique Rouge induisent aussi un petit suspense, on ne se souvient plus que de l'intrigue sentimentale quand on referme le livre. A la fois énergique et sensible, séduisante et intrigante, égyptienne et un peu attirée par l'Occident, Djeïla domine toute l'aventure grâce à sa beauté et son mystère. C'est un intéressant personnage féminin, qui doit tout autant à André Juillard qu'à Jacques Martin, et c'est bien elle qui donne à cette BD l'essentiel de son intérêt.

Mais eleanore-clo est-elle arrivée à croire à la consistance de ce personnage? J'attends son analyse avec intérêt.   Wink


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eleanore-clo

eleanore-clo
vieux sage
vieux sage

Raymond a parfaitement présenté l'album et le personnage de Djeila  Very Happy et je vais avoir un peu de mal à aller plus loin dans cette voie. Je vais néanmoins me permettre d'apporter deux petits compléments.
Tout d'abord, l'amour des deux jeunes gens se veut absolu, univoque et exclusif. Cela s'explique par sa nature. Il réunit deux cœurs solitaires. Arno est bien loin de Firenze et n'a aucun ami dans l'armée bonapartiste. Et Djeila s'est exclue de sa communauté. Ce paysage permet de comprendre l'ampleur de la tristesse du héros à la fin de BD.
Enfin, Djeila rejoint Adréa, Saïs, Maia, Samthô, Marah, Ariana et Yang. Huit disparitions de papier ! Le métier d'héroïne est décidément très dangereux dans le corpus martinien  Evil or Very Mad .

Bon. Maintenant, je vous propose de changer de paradigme et d'aborder l'œuvre avec un tout autre regard, un regard médiéval  lol! .

Allons y et embarquons dans une machine à remonter le temps.

Les femmes dans l'œuvre de Jacques Martin - Page 7 Jhen46

Le chronoscaphe est un peu fatigué depuis que Mortimer est revenu de ses voyages et nous n'arriverons à destination que demain  Smile . En attendant, je vous propose un jeu : quels sont les liens possibles entre L'œil de Kéops et le Moyen Âge ?

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Eléanore

Raymond

Raymond
Admin

Un lien entre l'Œil de Khéops et le Moyen-Âge ?    scratch  Hum ! Je proposerai André Juillard lui-même.  

Il a en effet dessiné l'Oeil de Khéops, et il est aussi l'auteur de Bohémond de Saint-Gilles, une BD médiévale où l'on retrouve de beaux châteaux comparables à celui que tu nous montres. C'est en particulier le cas dans le 4ème album, intitulé l'Or des Croisés.

Les femmes dans l'œuvre de Jacques Martin - Page 7 Juilla12

Par contre, dans Bohémond de Saint-Gilles, ce n'est qu'un château tout à fait ordinaire. Ce n'est pas celui de la Roche-Guyon dans lequel Mortimer voyage dans le temps, à bord du chronoscaphe.  Wink


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Raymond

Raymond
Admin

Autre lien possible : Jacques Martin, bien sûr ! Il a en effet scénarisé l'Œil de Khéops et il a également scénarisé Jhen, autre BD médiévale.


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eleanore-clo

eleanore-clo
vieux sage
vieux sage

Bonjour

Merci tout d'abord à tout celles et ceux qui ont souri devant la question. Et merci à Raymond qui s'est lancé à l'eau en proposant deux belles réponses.

Pour construire et expliquer mon rapprochement entre L'œil de Khéops et le Moyen Âge, je vais m'appuyer sur deux autres BDs  Cool

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Le trésor du mage et La Dame des sables constituent un diptyque. Ces œuvres ont été écrites et dessinées par Craenhals et font partie de la série consacrée au Chevalier Ardent.

Le scénario raconte le convoiement jusqu'à Jérusalem du trésor exigé par le califat seldjoukide en contrepartie de la présence des chrétiens en Terre Sainte.
Ardent va protéger cette fortune et doit ainsi affronter le chef du bande, le mystérieux Nasr-El-Djinn.

Or, il se trouve que le personnage de Djer lui ressemble beaucoup. En découvrant l'œuvre de Martin et de Juillard, je me suis très rapidement trouvée à comparer les héroïnes. Et je vous invite à me suivre pour découvrir les nombreuses ressemblances.  

Tout d'abord, regardons les deux combattants. Ils ou plutôt elles sont  de grande taille et plutôt minces. Leur visage est dissimulé, chez Crahenals par un heaume en cuir, et chez Juillard par un casque avec une nuquière de mailles.

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Les intrigues avançant, nous allons découvrir que les deux guerriers sont des guerrières. L'une s'appelle Aïcha et l'autre Djeila. Les longs cheveux d'Aïcha lui confèrent une belle féminité alors que le visage encore humide de la baignade de Djeila est représenté sous un jour quelque peu androgyne.

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Ces deux femmes ont similairement choisi le métier des armes. Aïcha évoque la tradition de l'Islam. Djeila évoque aussi la religion musulmane mais au sens où elle voulait échapper au harem.

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Les héroïnes sont clairement amoureuses. Ardent hantait les rêves d'Aïcha et Arno a séduit Djeila.

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Dans les deux œuvres, la rencontre s'est faite sur les champs de bataille et au Moyen Orient. De plus, et à chaque fois, l'amour a pris la place d'une mort au combat. Éros triomphe donc de Thanatos.

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Les deux BDs nous présentent deux "nids d'amour", tous les deux hors du temps, inaccessibles, et dont la clé sera donnée aux héros par les héroïnes. Pour Ardent, ce sera un palais perdu dans le désert. Et pour Arno, ce sera le passage secret dans la pyramide de Khéops et la plage sur le Nil.

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Mais au final, les deux héros vont faillir affraid . Ardent combat Nars-El-Djinn, blessant celle qu'il aime. Et Arno laisse échapper le corps meurtri de Djeila pour monter dans le bateau. Comme le disent Aragon et Brassens, n'y a-t-il pas d'amour heureux ? Après, Craenhals laisse ouverte la porte d'une possible survie d'Aïcha alors que Martin ne laisse aucun doute quant à celle de Djeila.

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Au final, les héros ont été subjugués par l'Orient et par des femmes exotiques. Et leurs créateurs aussi ! Probablement l'influence des Mille et Une Nuit et de son héroïne, Shéhérazade.

Pour conclure cette mise en perspective, je souhaite déplorer le choix linguistique de Martin qui met dans la bouche de Djeila un bien pauvre sabir. On croirait "entendre" Malua ! Aicha s'exprime quand même bien mieux !

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Et pour rebondir sur la rose des sables retrouvée par Ardent, je vous propose ce poème de Jean Froissart (1337-1410)

Mon coer s’esbat en oudourant la rose
Trop mieulz me vault l’une que l’ autre chose.
Mon coer s’esbat en oudourant la rose.

L’ oudour m’est bon , mès dou regart je n’ ose
Juer trop fort, je le vous jur par m’ame;
Mon coer s’esbat en oudourant la rose
Et s’ esjoïst en regardant ma dame.


Mon cœur  s’ébat en respirant la rose
Et se réjouit en regardant ma dame.
Mieux vaut pour moi l’une que l’autre chose;
Mon cœur  s’ébat en respirant la rose.

L’odeur m’est bonne , mais du regard je n’ose
Jouer trop fort, (je)  vous le jure sur mon âme;
Mon cœur  s’ébat en respirant la rose
Et se réjouit en regardant ma dame.


Au final, j'ai mis les deux récits en parallèle pour démontrer l'influence possible de Craenhals sur le maître. En effet, La dame des sables fut publiée en 1976 et L’œil de Kéops en 1985. Je reviendrai d'ailleurs sur ce point dans une future chronique, relative à une autre BD. L'auteur s'est-il exprimé sur ce sujet ?

Il est enfin à noter que du côté du graphisme, Craenhals déploie un dessin charmeur et sensuel, sans jamais montrer le corps de son héroïne. O tempora, o mores

Eléanore

Raymond

Raymond
Admin

Je n'aurais pas pensé à faire ce parallèle mais il est vrai que les deux récits semblent avoir beaucoup de points communs.   Wink

J'ai par contre de la peine à imaginer que Jacques Martin se soit inspiré d'une BD de François Craenhals. Bien sûr, il semble évident que le père d'Alix ait pu lire cette histoire de "la Dame des Sables", qui était parue dans le journal Tintin pendant les années 70. Le motif du voyage en Orient par Chevalier Ardent est toutefois bien différent et je ne crois pas que l'histoire se passe en Egypte (en fait on ne sait pas exactement où elle se passe). Comme le Chevalier Ardent se rend à cheval de Byzance jusqu'à Jérusalem, j'imagine plutôt que son aventure avec Aïcha se passe en Syrie ou en Irak, ou alors dans une autre région proche de la Palestine.

Je m'étais amusé dans un autre sujet (il y a quelques années) à mettre en parallèle un album d'Alix (l'Empereur de Chine) avec une histoire de Tintin (le Lotus bleu) mais, dans mon esprit, c'était simplement un gag. Les nombreuses ressemblances provenaient plutôt d'une suite de coïncidences. J'imagine qu'il en est de même pour L'Œil de Khéops et la Dame des Sables.   scratch


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eleanore-clo

eleanore-clo
vieux sage
vieux sage

Pour changer une nouvelle fois de paradigme, j'ai essayé de comparer la présence d'Adréa dans Le dernier spartiate et celle de Djeila dans L’œil de Khéops.
Un petit décompte aboutit à noter la présence de la reine dans 23 planches sur 62, et celle de la guerrière dans 23 sur 46.
Il me semble que ce mode d'analyse démontre l'attachement de Jacques Martin pour sa nouvelle héroïne et l'importance qu'il a souhaité lui donner.
Au final, avec Djeila, la maître se veut féministe avec un personnage fort et en visibilité.
Une logique similaire tend Le puits nubien où deux héroïnes nous sont proposées, en miroir l'une de l'autre.
Serait-ce l'influence de Juillard ou tout simplement un clou qui s'enfonce ?

Eléanore

Raymond

Raymond
Admin

Je pense qu'il y a plusieurs explications qui s'additionnent !

Tout d'abord, il faut rappeler que dans le journal Tintin des années 50 et 60, la présence de belles femmes était quasiment prohibée. Jacques Martin ne pouvait donc pas donner une grande place aux personnages féminins, et cette situation était encore très réelle quand il a dessiné le "Dernier Spartiate". "L'Oeil de Khéops" est par contre paru pendant les années 80 dans le journal Circus, un journal plutôt destiné aux adolescents et aux adultes dans lequel la présence de femmes était hautement souhaitée. Le contexte éditorial avait donc complètement changé.

Ensuite, il y a effectivement la personnalité d'André Juillard qui dessinait avec talent les femmes, et qui aimait les introduire dans ses bandes dessinées. Cela permettait donc à Jacques Martin de leur donner plus de relief et de personnalité, et il ne se privait pas d'exploiter cette situation favorable aux femmes.

Et puis, il y a aussi l'évolution personnelle de Jacques Martin, qui s'est progressivement tourné vers une BD adulte ! A ses débuts, il faisait strictement de la BD d'aventures et ses personnages (masculin ou féminins) étaient généralement assez stéréotypés. Puis il a progressivement donné à ses récits un contenu plus riche, en imaginant des personnages plus complexe et en osant raconter des histoires sentimentales ou psychologiques. Pendant les années 70 et 80, il y a eu une espèce d'apogée (même si ses histoires étaient bien souvent pessimistes) et les personnages féminins sont alors devenus plus intéressants.


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Raymond

Raymond
Admin

Revenons en Alsace, avec le 5ème tome de Jhen qui s'intitule La Cathédrale.   Very Happy

Lefranc avait déjà visité la région d'Obernai dans "l'Arme absolue" et c'est maintenant au tour de Jhen de vivre une aventure dans cette région qui est très chère à Jacques Martin. La cathédrale se trouve bien sûr à Strasbourg mais une grande partie de l'aventure se passe autour d'Obernai, en particulier dans les deux châteaux d'Ottrott qui se nomment Rathsamhausen et Lutzelburg. Une importante hostilité existe entre les familles qui vivent dans ces deux forteresses mais une tendre histoire d'amour, comparable à celle de Roméo et Juliette, s'est nouée entre un garçon de Lutzelburg (Marc) et une fille de Rathsamhausen (Clara). Ils vont rapidement devenir les victimes de la haine tenace qui existe entre les familles.

Au départ, Clara semble être une jeune donzelle plutôt légère ! Elle voit en effet en cachette son petit ami et leurs rendez-vous apparaissent assez coquins. Peu de choses distinguent en fait Clara des habituelles "Jhen girls" qui sont mignonnes et volages. La demoiselle se déshabille assez facilement et les mystères de l'amour sont manifestement sa principale préoccupation. Clara semble toutefois guidée par un amour sincère et c'est bien cette passion qui la pousse à prendre des risques, et à aimer un garçon de Lutzelburg. Leur rencontre prend par moment un tour plutôt coquin, car la jeune fille se déshabille hardiment, mais on perçoit tout de même une certaine innocence dans ses gestes hésitants. La relation amoureuse n'en est donc qu'à ses débuts.

Les femmes dans l'œuvre de Jacques Martin - Page 7 Cathzo13

Leur liaison est cependant découverte et les amants décident alors de s'enfuir. En face de cette épreuve difficile, la petite Clara montre à la fois du courage et de la détermination. Malgré sa peur, elle n'hésite pas à descendre les murs en s'agrippant à une corde glissante pour s'évader du château. Elle ne s'y parait pas vraiment à son aise mais .. son mérite n'en est au fond que plus grand.

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Le jour suivant, tandis que Clara est tendrement enlacée par son amant, le jeune couple est découvert par des soldats qui décident de profiter de la situation. Les malandrins essaient de violer Clara mais les adolescents sortent leurs poignards et se défendent avec férocité. Marc de Lutzelburg est mortellement blessé en même temps qu'il tue un soldat, tandis que Clara arrive elle aussi à poignarder son agresseur. La jeune femme a ainsi résisté à la méchanceté des hommes mais sa victoire est bien amère. Clara a désormais perdu son innocence et elle devient une figure dramatique.

Les femmes dans l'œuvre de Jacques Martin - Page 7 Cathzo15

Clara n'a dès lors plus d'autre solution que de se réfugier dans un couvent. Parfait l'amène vers l'abbaye de Sainte-Odile où elle assiste à l'agonie de Marc, puis elle doit faire face. Elle a bien sûr trouvé un asile, mais cette vie religieuse est aussi un enfermement qui ressemble à une condamnation. Le Moyen-Âge n'était pas tendre avec les jeunes demoiselles qui avaient perdu la protection de leurs familles.

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Mais bien qu'elle doive se résigner à connaître la triste vie des sœurs du couvent, Clara garde une certaine dignité. Elle n'a bien sûr aucune vocation religieuse mais elle accepte calmement les conditions rigides qui lui sont fixées par la Mère Supérieure. "Je suis prête" déclare Clara en baissant les yeux, et il n'y a là aucune malice. Elle sait que la vie ne lui sera pas facile et elle a décidé d'y faire face.

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Et bien plus tard, lorsque va se décider le sort final des deux châteaux d'Ottrott, c'est encore Clara qui apparait devant les deux familles réunies. Elle reproche aux hommes leur légèreté et leur égoïsme coupable, puis ordonne avec solennité aux deux familles de se réconcilier. Et en déclarant cela, jeune femme manifeste clairement une distinction morale qui donne du poids à ses paroles. La petite adolescente qui montrait innocemment ses seins est en fait devenue une vraie notable. Elle sait qu'elle aura probablement plus tard des responsabilités et des pouvoirs, mais aussi bien peu de joies et de bonheur.

Les femmes dans l'œuvre de Jacques Martin - Page 7 Cathzo18

Telle est la romantique histoire de Clara, qui cherchait l'amour et qui obtint surtout la solitude, avec peut-être aussi un certain pouvoir ! C'est un beau personnage tragique, qui est également assez réaliste car il existait bien peu de carrières disponibles pour une femme au Moyen-Âge. Et si cette intrigue amoureuse reste longtemps à l'arrière-plan de l'aventure principale (qui raconte les entreprises architecturales et politiques de Jhen), c'est bien cette touchante destinée sentimentale qui donne un intérêt particulier à cet album, tout en prenant assez ironiquement le contre-pied du récit de "Roméo et Juliette". La Cathédrale est ainsi un récit assez complexe, mais c'est un album qui a bien vieilli.

Par ailleurs, c'est une bande dessinée qui prouve que Jacques Martin privilégiait volontiers la réalité dans ses récits aventureux, que ce soit pour les femmes, la guerre, la politique, la religion ou les événements historiques. Et l'insignifiance initiale du personnage de Clara trouve une belle contrepartie avec la grandeur finale d'une jeune religieuse qui est devenue clairvoyante et bienveillante, La Cathédrale est ainsi un album plein de surprises et, sans qu'on y ait pris garde, on découvre que les femmes y prennent tout de même une importante place.   Cool


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Raymond

Raymond
Admin

Signalons un autre personnage féminin de "la Cathédrale" qui me parait lui aussi important : la Mère supérieure du couvent de Sainte-Odile ! Même si cette religieuse apparait assez brièvement à la fin de l'histoire, ses décisions apparaissent déterminantes et il vaut la peine de lui consacrer quelques lignes.

On découvre cette vieille religieuse lorsque la jeune Clara vient se réfugier au couvent, accompagnée du pauvre Marc qui est mourant. Elle semble au départ assez charitable, comme devraient l'être toutes les religieuses, et cherche avant tout à rassurer Clara. Elle ne fait en réalité que son devoir.

Les femmes dans l'œuvre de Jacques Martin - Page 7 Cathzo19

Puis cette Mère supérieure dévoile ensuite rapidement un autre visage, celui de la femme qui commande. Et lorsqu'elle annonce à Clara ce que sera son sort au couvent, son regard devient froid tandis que ses traits acérés lui donnent l'apparence d'une rapace. De fait, la Mère supérieure défend avant tout l'ordre et la morale. La charité doit s'incliner devant les règles du pouvoir et elle ne peut pas se permettre de faiblesse.

Les femmes dans l'œuvre de Jacques Martin - Page 7 Cathzo20

Plus tard, le couvent reçoit la visite de Jhen, puis les familles Lutzelburg et Rathsamhausen. Ils viennent négocier le rattachement des châteaux et du couvent à la ville de Strasbourg, et la Mère supérieure mérite dès lors complètement son nom. Elle reçoit avec hauteur l'évêque qui a des intentions politiques opposées, puis impose avec vigueur le silence à toute l'assemblée afin d'expliquer ses intentions. Elle décide par ailleurs d'aider financièrement les familles des deux châteaux (pour éviter qu'ils ne soient attirés par d'autres offres pécunières) et met ainsi définitivement en échec l'évêque corrompu. Cette vieille femme amaigrie et intelligente dispose en fait d'un pouvoir redoutable, qu'elle utilise avec discernement et équité.

Les femmes dans l'œuvre de Jacques Martin - Page 7 Cathzo22

Derrière le pouvoir des mâles, qui est souvent violent et arbitraire, il y a aussi le pouvoir des femmes qui se montre parfois capable de faire régner la justice. Même au Moyen-Âge, les pouvoirs peuvent prendre des apparences multiples et l'intelligence manœuvrière, de même qu'un certain charisme peuvent parfois se révéler aussi efficaces que la force brutale. Dans "la Cathédrale", le tableau que nous offre Jacques Martin du monde médiéval est donc d'une réjouissante subtilité. Les femmes sont bien sûr parfois des victimes mais elles disposent aussi d'appréciables contre-pouvoirs.

Jacques Martin n'a jamais fini de nous surprendre.   Very Happy


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eleanore-clo

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vieux sage
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Avant de parler de la Mère supérieure et de Clara, je vous propose que nous nous attardions sur un personnage féminin (?) "secondaire" : le bourgmestre d'un village inconnu et l’abbesse du couvent du Mont Saint-Odile.

Je confie avoir hésité. Femme ou homme ? D'un côté, des formes invisibles, l'absence (voulue pour cultiver l’ambiguïté ?) du genre féminin dans les dialogues et l'emploi du substantif brave, de l'autre l'absence de barbe, le tablier. Même la coiffe est ambiguë. Ce peut être un béguin ou une cale. Que pensent LES membres du forum ? Je vais partir du principe que cet édile est une dame, ce qui va me permettre d'évoquer ses qualités dans ce fil de discussion. Et là, nous ne pouvons qu'admirer une belle personnalité. L'héroïne va user de toutes les ruses possibles pour retarder notre intempérant évêque. Et derrière la scène cocasse se cache une citoyenne engagée et patriote dont on ne peut qu'admirer l'efficacité !

Les femmes dans l'œuvre de Jacques Martin - Page 7 Jhan56 Les femmes dans l'œuvre de Jacques Martin - Page 7 Jhan57 Les femmes dans l'œuvre de Jacques Martin - Page 7 Jhan58

Venons en maintenant à l'abbesse de Hohenbourg. Raymond perçoit une femme plutôt sévère (les traits de rapace) et puissante (la mise en échec de l'évêque de Strasbourg).  

Je ne partage pas la première vision. On peut déjà noter la création d'un asile alors que le pays souffre de la Guerre de Cent Ans.

Les femmes dans l'œuvre de Jacques Martin - Page 7 Jhan60

Puis, la "lionne" révèle un cœur aimant. Raymond a "cité" la scène de désespoir devant le corps de Marc. Et nous pouvons aussi nous attarder sur la vignette suivante. Alors que Clara vient de perdre toute raison de vie, la Mère supérieure lui propose un grand projet, celui de toute une existence, devenir abbesse.

Les femmes dans l'œuvre de Jacques Martin - Page 7 Jhan64 Les femmes dans l'œuvre de Jacques Martin - Page 7 Jhan65

Plutôt que de discernement et d'équité évoqués ci-dessus, je parlerai d'un "fin politique". Dans le conflit opposant la ville libre de Strasbourg à l'empereur du Saint-Empire romain germanique (Sigismond ?), l'héroïne navigue avec habileté entre les parties pour sauver le statu quo, et propose des solutions diplomatiques pouvant convenir à toutes les parties. L'abbaye ne dispose d'aucune troupe armée et sa survie dans un monde en guerre dépend surtout d'une capacité à louvoyer face à des vents bien souvent contraires.

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Fin politique ne signifie pas "flamby" (toute référence à un président de la République française est bien évidemment une pure coïncidence  Laughing). Et la Mère supérieure sait imposer son autorité durant les moments les plus délicats.

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En fait, cette modeste abbesse se révèle l'égale d'un prestigieux évêque, comme le démontre son positionnement durant le banquet.

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Le nom de ce personnage n'est pas mentionné dans la BD mais une rapide analyse permet de conclure sans aucune équivoque qu'elle s'appelle Marguerite III de Willrich. La page Wikipedia consacrée au monastère indique qu'elle fut remplacée par Clara de Lutzelburg ! Jacques Martin s'était solidement documenté avant d'écrire le scénario ! Ces informations nous éclairent aussi sur la prestance des abbesses. Originaires de la noblesse mais ne pouvant diriger un fief ou un domaine du fait du droit successoral, les personnalités les plus brillantes pouvaient exercer leurs talents dans le cadre de puissantes institutions religieuses.

Venons en maintenant à Clara. La romance de Marc et Clara s'inspire clairement de la tragédie shakespearienne Roméo et Juliette. Avec les Lutzelburg dans le rôle des Capulet, les Rathsamhausen dans celui des Montaigu et Parfait en frère Laurent.

Je ne partage absolument pas l'avis de Raymond que la jeune femme (et pas fille grr2 ) se déshabille facilement.
Dans la vignette ci-dessous, Clara ne fait que répondre avec amour à une demande de son aimé, même si celle-ci lui semble un péché.

Les femmes dans l'œuvre de Jacques Martin - Page 7 Screen12

Pour en revenir à Juliette, Clara me semble bien plus volontaire que son illustre modèle. Elle se révèle capable de tuer pour se défendre ou encore d'arracher un accord de paix.

Les femmes dans l'œuvre de Jacques Martin - Page 7 Jhan66 Les femmes dans l'œuvre de Jacques Martin - Page 7 Jhan67

D'un point de vue historique, les abbesses sont des personnages influents durant tout le Moyen Âge et cette influence ne décroît qu'à partir du XIVème siècle.
Dans La vie des femmes au Moyen Âge (2009), L'historienne Sophie Cassagnes-Brouquet aborde le sujet de la relation entre féminité et religion.
Le premier monastère féminin français, Saint-Jean, est fondé en 512 par Césarie, sœur de l’archevêque d'Arles. Les communautés vont prospérer et se multiplier durant les dynasties mérovingiennes et carolingiennes. Ainsi, l'abbaye du Mont Saint-Odile fut fondé en 680 par la fille du Duc d'Alsace. Les raids vikings freinent un temps le mouvement qui reprend de plus belle au XIème siècle, sous l'égide de Cluny. Quatre-vingt-huit abbayes sont fondées entre 1190 et 1250.
Les femmes issues de la noblesse constituent le principal apport en moniales. Elles apportent leurs biens ce qui contribue à la puissance des abbayes.
La journée des moniales est rythmée par les offices : Matines à minuit, Laudes et Primes le matin, Tierce après la toilette, Sexte après la lecture en salle capitulaire et la confession et avant le déjeuner, None au milieu de l’après-midi, Vêpres et Complies en soirée.
La communauté vit en autarcie et les moniales gèrent l'abbaye. Tout un personnel travaille les terres autour des bâtiments.
L'abbesse est en théorie élue par les sœurs mais sa nomination est souvent imposée par la famille du noble ayant fondé l'abbaye. La plus célèbre est Hildegarde de Bingen, musicienne célèbre, dont j'ai parlé dans le message n°120.
D'autres femmes, les béguines, consacrent leur vie à Dieu. Elles vivent dans des communautés urbaines, village dans la ville. AU XIVème siècle, le béguinage de Strasbourg comptait 600 âmes.
Les reclues sont des femmes choisissant de s'enfermer à vie dans une cellule appelée le réclusoir. Après des obsèques symboliques, la reclue est emprisonnée dans une pièce où elle est totalement dépendante de l'extérieur pour sa nourriture ou encore son chauffage.
Enfin, d'autres femmes préfèrent s'engager au service des malades dans les ordres hospitaliers.
Les deux derniers siècles du Moyen Âge voient les difficultés financières assombrir la vie des moniales. La Guerre de Cent Ans, la peste et une mauvaise gestion font chuter les vocations et un relâchement de la discipline. Des monastères disparaissent et d'autres tombent en ruine.
En même temps s'impose le culte marial. Les pèlerinages vers les sanctuaires comme Chartres ou encore Rocamadour se multiplient. La BD s'en est d'ailleurs fait l'écho avec Les pèlerins d'Auclair.

Pour conclure et en revenir à La cathédrale, Jacques Martin reprend ici son souffle après plusieurs tomes écrasés par la présence oppressante de Gilles de Rais. Il livre une belle aventure, riche de moult rebondissements, avec de beaux personnages. Les femmes sont à l'honneur avec la Mère abbesse et Clara qui transcendent le rôle annexe que la société médiévale accorde à leur sexe.

Je vais enfin, avec une superbe mauvaise foi  Twisted Evil , signaler qu'une autre protagoniste écrase la BD du fait de sa beauté :
Spoiler:

Eléanore

Raymond

Raymond
Admin

Bravo pour tes recherches historiques  !     pouce

Sinon, en lisant "Clara de Lutzelburg", je me suis aussitôt demandé si je m'étais trompé. J'ai vérifié et ce n'est finalement pas le cas. Dans "la Cathédrale", la jeune fille fait bien partie de la famille Rathsamhausen mais ce n'est bien sûr qu'un détail secondaire. La fiction rejoint presque la réalité.   Wink


Pour ce qui concerne le bourgmestre au sexe ambigu, je note que Jhen lui parle en disant "mon brave". Il serait donc plutôt du genre masculin !


Et puis, mon portrait de la Mère supérieure du couvent n'est certainement pas très amical, mais il reflète bien ma façon de voir tous ces religieux que l'on qualifie de "sévères mais justes". Ils ont oublié que la plus grande vertu d'un religieux, c'est la charité ! Ils font régner une discipline de fer et j'ai connu plusieurs spécimens de ce genre pendant mes jeunes années. Je n'insisterai pas mais je n'en pense pas moins !    pirat


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Suréna

Suréna
alixophile
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eleanore-clo a écrit:Avant de parler de la Mère supérieure et de Clara, je vous propose que nous nous attardions sur un personnage féminin (?) "secondaire" : le bourgmestre d'un village inconnu et l’abbesse du couvent du Mont Saint-Odile.

Je confie avoir hésité. Femme ou homme ? D'un côté, des formes invisibles, l'absence (voulue pour cultiver l’ambiguïté ?) du genre féminin dans les dialogues et l'emploi du substantif brave, de l'autre l'absence de barbe, le tablier. Même la coiffe est ambiguë. Ce peut être un béguin ou une cale. Que pensent LES membres du forum ? Je vais partir du principe que cet édile est une dame, ce qui va me permettre d'évoquer ses qualités dans ce fil de discussion. Et là, nous ne pouvons qu'admirer une belle personnalité. L'héroïne va user de toutes les ruses possibles pour retarder notre intempérant évêque. Et derrière la scène cocasse se cache une citoyenne engagée et patriote dont on ne peut qu'admirer l'efficacité !

Les femmes dans l'œuvre de Jacques Martin - Page 7 Jhan56 Les femmes dans l'œuvre de Jacques Martin - Page 7 Jhan57 Les femmes dans l'œuvre de Jacques Martin - Page 7 Jhan58


Bonjour, j'opte pour la cale et aussi le genre masculin. Comme ici:
Les femmes dans l'œuvre de Jacques Martin - Page 7 3-9
Le restant du costume est d'ailleurs assez breughelien.

eleanore-clo

eleanore-clo
vieux sage
vieux sage

Bonjour Suréna
Bien vu Very Happy
Eléanore

marbou


lecteur émérite
lecteur émérite

La lecture de Jeanne des Armoises m'a donné envie de relire les Xan-Jhen, et c'est un réel plaisir, je ne me souvenais plus que les premiers étaient aussi bons.
J'en suis au Lys et l'ogre, donc je viens de terminer La cathédrale. Je n'avais pas remarqué l'ambiguïté de la scène du bourgmestre. Même si en effet il y a la vêture (comme on disait à l'époque) et le "mon brave", le phylactère de l'extrait ci-dessus où l'évêque semble sombrer dans la plus parfaite béatitude (la bonne chère, le paysage, la position couchée, le "hum" ...), tout cela semble posé volontairement pour sous-entendre que le (ou la) bourgmestre va trouver le moyen de le retenir un peu plus longtemps en sa couche.
Amusant en tous cas, il faudrait demander à Pleyers s'il se souvient de l'intention de Martin sur ce passage...

dakota68


lecteur émérite
lecteur émérite

heu , ne le prenais pas mal mais je n'ai jamais éprouvé de doute sur le personnage et cela depuis mes première lecture .

Il présente un aspect de bon vivant , dont la fonction et le statu permet d'obtenir et d'entretenir un embonpoint certain assez fréquent dans ce genre de profession : boulangers , pâtissiers , bouchers  


Ensuite Jehn lui dit de réchauffer ses pâtisseries ,
au moyen Age , les confréries sont déjà extrêmement sourcilleuses pour que les apprentis viennent et restent dans les mêmes familles  et cela entre garçons , certes les épouses et filles participent grandement au travail mais ont un rôle beaucoup moins spécifique.


Il s'agit du Bourgmestre ; à ma connaissance à l'époque c'est une fonction entièrement dévolu aux hommes , les femmes peuvent assister , participer à un certains nombre de débats mais ne sont pas nommées à ces postes.

l'expression  : mon brave lève toute ambiguïté , pour une femme dès le moyen âge , on aurait dit ma brave .



le bourgmestre me fait assez pensé à un certain nombre de patients dont l'embonpoint peut présenter cette aspect avec de bonnes joues et des paupières tombantes

La critique vient surtout vis à vis de l'évêque qui doit régulièrement fustiger lors de ces prêches l'excès de chair  , prôner la modération et l'abstinence et le jeun et qui est incapable de se réfréner dans la nourriture et le vin alors que l'objectif de cette sortie est de taille : garder la main mise sur des domaines seigneuriaux  
Mais déjà à l'époque et les fabliaux et chansons du temps en sont remplis , la population se moquait et se riait de ces comportements et de ce fameux adage : faites ce que je dis mais pas ce que je fais !

bonne journée à tous

Raymond

Raymond
Admin

Je suis assez d'accord avec dakota68. Mais regardons un peu les images !   Wink

Pour ma part, je n'ai vu aucune équivoque dans cette séquence. J'ai pensé que l'évêque était attiré par le plaisir de la bonne chair bien plus que par le "plaisir de la chair" tout court. Et en regardant bien les images, l'évêque ne fait aucun geste équivoque envers le bourgmestre.

Les femmes dans l'œuvre de Jacques Martin - Page 7 Cathzo23

Effectivement, l'évêque ne termine pas sa dernière phrase et on peut s demander ce qu'il voulait dire ?  Mais c'est tout simplement parce qu'il s'endort, comme on peut le voir à la case suivante.

Les femmes dans l'œuvre de Jacques Martin - Page 7 Cathzo24

Ceci dit, chacun aura sa lecture. Et je doute que Jean Pleyers ait des souvenirs très précis sur cette séquence.   Cool


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eleanore-clo

eleanore-clo
vieux sage
vieux sage

Bonjour dakota68
Merci infiniment de participer au débat I love you bise
Éléanore

Raymond

Raymond
Admin

Le Puit Nubien est la suite directe de "l'Oeil de Khéops" et ce bel album raconte principalement une histoire de vengeance. Arno est en effet hanté par la mort de Djeïla et il va poursuivre l'officier anglais qui en est responsable jusque dans la campagne britannique, dans la région de Salisbury. Et ce séjour d'Arno dans le royaume de la perfide Albion va permettre à André Juillard de dessiner un de ses plus beaux albums.

La première partie du récit se déroule encore en Egypte ! Arno y rencontre une autre jeune égyptienne qui se nomme Tara. Cette cousine de Djeïla vit le plus souvent à moitié nue et elle parle également le français. Elle est manifestement attirée par le jeune italien mais son désir de l'aider provient aussi de la nécessité de reprendre une "mission". Elle veut en effet reprendre les responsabilités qui étaient assumées jusqu'ici par Djeïla.

Les femmes dans l'œuvre de Jacques Martin - Page 7 Puits-10

De la nudité à la sexualité, il n'y a en fait qu'un petit pas qu'Arno franchit assez rapidement. Dès le lendemain, un espion anglais découvre avec une longue vue Arno et Tara complètement dénudés et la nature de leur relation ne fait guère de doute. Cette relation charnelle avec Tara est peut-être une tentative (infructueuse) d'Arno pour guérir de son chagrin, et la suite de l'histoire prouvera assez vite la vanité de cette tentative.

Les femmes dans l'œuvre de Jacques Martin - Page 7 Puits-11

Tara n'est toutefois pas qu'un simple objet sexuel. Elle est avant tout la "protectrice d'Arno", comme Djeïla avant elle, et elle a fort à faire contre les agressions du Pique Rouge. Et lorsque Arno se retrouve immergé dans un puits afin d'y être noyé, elle n'hésite pas à se mettre en péril. Elle saute à son tour dans l'eau et essaie péniblement de maintenir le jeune vénitien en surface. Elle ne manque à ce moment-là ni de cran, ni de souffle, ni de courage.

Les femmes dans l'œuvre de Jacques Martin - Page 7 Puits-12

Arno éprouve une certaine tendresse pour cette jeune nubienne à la fois généreuse, sensible et intelligente, mais il ne veut pas rester en Egypte dès lors que son ennemi repart vers l'Angleterre. Tara essaie vainement de le retenir, en présentant des arguments plein de bon sens, mais Arno veut se venger. Cette décision est nette et sans équivoque et en guise d'adieu, Tara lui offre de précieux cadeaux qui se révéleront utiles par la suite.. "Le cœur lourd et le regard un peu voilé, Arno regarde longuement cette petite silhouette brune qui s'estompe lentement" ajoute Jacques Martin pour décrire leur séparation qui est émouvante. Tara n'a pas été qu'une simple passade mais elle n'a hélas pas rencontré le héros au bon moment.

Les femmes dans l'œuvre de Jacques Martin - Page 7 Puits-13

C'est donc un beau personnage que cette petite Tara, même si son passage dans la saga d'Arno est un peu éphémère. Elle est vive, intelligente et romantique et son portrait est tout à fait réussi par les deux auteurs.

Après cette aventure égyptienne, Arno se retrouve en Angleterre dans la région de Salisbury. Il part à la recherche de Douglas Month, le noble anglais qui est à l'origine du meurtre de Djeïla, et Jacques Martin nous présente alors ce hobereau sous un jour assez sinistre. Ce Lord rencontre un effet une jeune paysanne nommée Jane lors d'une promenade à cheval, et cette rencontre réveille ses appétits sexuels.

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Lord Month viole avec brutalité la jeune paysanne et la scène est suggérée plutôt que montrée par Jacques Martin et son dessinateur. Jane est ensuite retrouvée à moitié déshabillée par William, un jeune paysan qui est amoureux d'elle, et la jeune fille l'éloigne avec colère. Après le traumatisme qu'elle a subi, on peut la comprendre et cette réaction est au fond assez juste. Jane n'accepte pas d'être une simple victime et elle fait ainsi preuve d'une belle résilience.

Les femmes dans l'œuvre de Jacques Martin - Page 7 Puits-15

Jane est en fait déterminée à se battre et c'est ainsi que lorsqu'elle retrouve le Lord Month quelques jours après, à nouveau graveleux et demandeur de sexe, elle l'affronte avec détermination. Peut-être aurait-elle perdu la partie si son ami William n'était pas venu à son aide, mais c'est tout de même cette réaction combative qui la sauve, aussi bien physiquement que psychiquement. Et là encore, Jacques Martin fait preuve d'une belle intuition, assortie d'une réelle empathie, vis-à-vis de cette petite paysanne qui pourrait n'être qu'un personnage secondaire. Jane est en fait un personnage réaliste, décrit avec une certaine finesse, qui refuse avec vigueur tout asservissement.

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Un deuxième affrontement tourne cette fois à l'avantage de Jane, et Douglas Month a bien de la peine à comprendre (et aussi à admettre) une telle issue. C'est peut-être l'occasion de rappeler que les récits de Jacques Martin sont bien souvent des réquisitoires contre l'injustice, l'esclavage, la tyrannie et les abus de toute sorte (cette affirmation provient bien sûr de Jacques Martin lui-même). Et l'échec de Lord Month prend ainsi un sens plus général. Non seulement le viol des femmes doit être dénoncé, mais il ne faut pas hésiter le combattre. 

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La troisième expédition de Douglas Month (qui veut se venger en empoisonnant le puits de la ferme de Jane) va se révéler fatale au noble anglais. Il est pris sur le fait par un groupe de paysans et William le saisit alors vigoureusement. Jane lui ordonne de jeter Douglas Month au fond du puits et le Lord est ainsi projeté dans l'eau qu'il vient d'empoisonner. L'anglais arrive dans un premier temps à remonter jusqu'à la margelle mais il tombe alors sur Arno, qui le repousse au fond du puits. Cette deuxième chute est rapidement mortelle et Jane se venge symboliquement en urinant dans le puits. 

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Le viol est toujours un événement ignoble mais Jacques Martin nous le présente d'une manière assez juste dans "le Puits Nubien". Il raconte en effet l'événement sans complaisance ni voyeurisme et il donne par ailleurs de l'importance à ce que ressent la victime. Jane réagit avec colère et cherche aussitôt à obtenir une réparation. Elle y arrive assez brillamment, même si elle a un peu de chance, et les histoires de viol sont rarement racontées ainsi dans la bande dessinée ou la littérature (ou au cinéma). La femme n'est pas qu'une victime dans cette BD et le scénariste sent les choses d'une manière très juste. Je ne dirais pas que la femme a le beau rôle, mais simplement que ce qu'elle vit est décrit avec honnêteté et réalisme. C'est tout à l'honneur de Jacques Martin.

Tels sont les deux personnages féminins importants de cette aventure et je pense qu'ils ont été imaginés avec beaucoup d'humanisme. Mais il ne faudrait pas négliger une troisième femme dont la présence invisible reste constante, aussi bien dans l'album que dans la mémoire d'Arno. Ce dernier n'arrive pas en effet à oublier Djeïla, dont il était profondément amoureux et dont il recherche en quelque sorte le fantôme. Et la dernière page, qui montre Arno seul et désespéré au milieu du monument mégalithique de Stonehenge, se révèle profondément triste et romantique. "Il ne me reste que le chagrin", conclut-il, après que sa vengeance se soit accomplie, et il y a dans ces paroles tout le désespoir du monde. Et ainsi, le jeune vénitien séducteur, souvent léger avec les femmes, nous devient profondément sympathique.

Les femmes dans l'œuvre de Jacques Martin - Page 7 Puits-19

Oserai-je le dire ? Jacques Martin me semble avoir fait tout juste, dans cette histoire profondément imprégnée par des drames féminins. Et la discussion est maintenant ouverte !  Very Happy


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