Bonjour
Le dernier Atlas est une BD écrite à 4 mains écrite par Gwenaël De Bonneval et Fabien Vehlmann. Elle est dessinée par Hervé Tanquerelle et colorisée par Laurence Croix. Trois tomes sont prévus.
La BD est une uchronie, à cheval sur la France, l’Algérie et l’Inde. Un phénomène mystérieux est apparu dans le Sahara, perturbant d’abord la faune, puis se révélant radioactif et enfin se matérialisant sous la forme d’un gigantesque et inquiétant artéfact. Ismaël Tayeb,
lieutenant dans un gang criminel, découvre la menace. Et il décide de l’affronter. Dans ce monde parallèle, des robots géants étaient utilisés pour construire les immeubles et les ouvrages d’art jusqu’à ce que leur usage soit brutalement arrêté après une obscure tragédie. Tayeb part donc en Inde, dans un chantier de démontage, pour y récupérer le dernier exemplaire encore intact…
Le scénario de cette BD est brillant. Les auteurs, avec une maestria époustouflante, mélangent, assemblent et fusionnent de nombreux thèmes : l’animation japonaise, la décolonisation, l’écologie, le féminisme, le récit initiatique, le roman noir, la science-fiction etc. Et ces mariages répétés du feu et de l’eau fonctionnent parfaitement. De nombreux fils progressent en parallèle sans que cela gène le lecteur, comme par exemple la jeunesse de Tayeb ou le reportage d’investigation de Françoise Halfort. Au contraire, chaque fil enrichit la trame globale, tissant une œuvre riche et cohérente.
Le recours à un antihéros est original.
Tayeb est un tueur qui ne recule devant aucun meurtre pour promouvoir son clan. Le racket et les trafics en tous genres font partie de son ordinaire. Et la BD met en scène sa participation à une violente et meurtrière guerre de gangs. Dès lors, la conversion du personnage à une cause positive (sauver l’humanité ?) est d’autant plus étonnante. Est-ce Paul rencontrant le Christ sur le chemin de Damas ? Ce personnage rappelle aussi Zhang, le parrain mis en scène par les époux Charles dans
China Li, un caïd sans scrupule et pourtant capable d’émotions et d’intelligence.
J'ai beaucoup apprécié le personnage d'Eléna, l'épouse de Tayeb. Son infidélité est toute en ambiguïté. Et son physique presque anorexique traduit le conflit qui la déchire.
La BD se veut épique et les lecteurs peuvent déjà imaginer une Titanomachie (https://fr.wikipedia.org/wiki/Titanomachie) ou un Ragnarök (https://fr.wikipedia.org/wiki/Ragnar%C3%B6k) modernes, où le dernier Atlas affrontera l’artefact. Sera-ce la fin d’un monde et le début d’un autre ? Pour leurs sources, les auteurs ont aussi puisé dans les dessins animés japonais. Ainsi, le robot géant s'inspire de Goldorak (https://fr.wikipedia.org/wiki/Goldorak), même si son dessin est moins japonisant et plus rétrofuturiste.
. On pense aussi à HG Wells et à sa
Guerre des mondes.
La grossesse tardive de Françoise Halfort fait curieusement penser au tout récent :
L’obsolescence programmée de nos sentiments de Zidrou et Aimée de Jongh. Que sera cet enfant d'ailleurs ? le futur de l'humanité ? Le premier bourgeon d'une nouvelle espèce ? On pense bien évidemment à la scène finale du film :
2001, l'odyssée de l'espace (https://fr.wikipedia.org/wiki/2001,_l%27Odyss%C3%A9e_de_l%27espace).
La décolonisation est très présente dans cette Algérie imaginaire et les auteurs stigmatisent la présence française en Algérie. Ils ont expliqué dans je ne sais quel magazine qu’ils voulaient aborder une histoire vécue par leurs parents et dont ces derniers ne veulent pas parler.
L'humour est aussi présent, même s'il est parfois grinçant ou sinistre. La relation entre la journaliste et son chauffeur de taxi est épicée à tous les sens du terme.
Le dessin m’a moins séduite. Le trait est simple, sans fioriture. Les couleurs sont vives, sans nuances. On peut dire un style à l’unisson de l’intrigue : âpre et sans concession ? Quoiqu'il en soit, le style de Tanquerelle se marie parfaitement avec les décors de l'action. Le Sahara y acquière une belle épaisseur. Et j'ai beaucoup apprécié le regard de Tayeb, tantôt clair, tantôt halluciné, à l'unisson de l'évolution du personnage.
Le dernier Atlas a été couronné meilleure BD du mois par le magasine
DbD et BD du mois par
RTL.
France Inter,
Le Figaro et
Le Monde ont aussi apprécié.
https://www.franceinter.fr/livres/le-dernier-atlas-une-bande-dessinee-haletante.
Je ne donne pas les liens vers les sites du
Figaro et du
Monde car les articles sont payants.
Cordialement
Eléanore