A force de lire des critiques positives, je me suis décidé de lire à lire moi aussi
Un général, des généraux !
C'est au départ une vraie BD historique, qui raconte les derniers jours de la Quatrième République en France en 1958. Dès les premières pages, le scénariste Nicolas Juncker détaille avec ironie l'incroyable anarchie qui s'était installée en Algérie à ce moment-là. Je ne suis pas un connaisseur de ces événements politiques, qui se sont terminés avec le coup d'état fondateur de la Cinquième République, mais le livre m'a permis de comprendre comment une crise simplement coloniale (au départ) a pu dégénérer en une cascade d'événements ayant mis fin à une Constitution républicaine.
L'attrait principal de la BD est toutefois son humour féroce et l'aspect caricatural de ses personnages. Tous les acteurs historiques de cette crise algérienne sont en effet désemparés et il en résulte des affrontement épiques, des colères monstrueuses ainsi que des cris incessants. Les personnages deviennent totalement ridicules et le dessin de Boucq croque avec une joyeuse férocité ce monde politico-militaire totalement décompensé. Cela "gueule dans tous les coins", pourrait-on dire, et cette succession d'images et de bagarres ridicules n'est pas loin d'un théâtre de marionnettes.
Et au milieu de toute cette frénésie, il y a le général de Gaulle que l'on voit assez peu et qui reste impassible. Il a compris qu'il ne faut rien dire (ou presque) et ses déclarations restent ainsi toujours ambiguës, voir même parfois incompréhensibles. Il se contente donc de manger, de se promener, de faire la sieste, de lire le journal et de garder une mine hautaine. De Gaulle attend bien sûr son heure et l'alternance de ces deux mondes (du grand silencieux et des petits gueulards) est évidemment un excellent effet comique.
Les situations sont en fait tellement excessives que je me me suis demandé (par moment) si tous les détails de ce récit étaient authentiques. N'étant pas moi-même français, je n'ai pas essayé d'approfondir mes connaissances sur ce moment historique mais en y réfléchissant, il me semble que cette décomposition rapide et inexorables des institutions de la Quatrième République est l'explication toute simple de la facilité avec laquelle De Gaulle a mené son coup d'état. Le récit très satirique de Nicolas Juncker et François Boucq est donc probablement très proche de la vérité.
C'est en tout cas une agréable lecture, qui permet de rire de bon cœur et qui jette un regard bien malicieux sur les arcanes du pouvoir. Le dessin de Boucq accentue à merveille l'aspect caricatural des événements ou les outrances de certains personnages, et il en résulte un humour triomphal qui m'a totalement séduit..
Et comme cet album est vraiment excellent à tout point de vue, je n'hésiterai pas à lui attribuer un
EEEE, le premier de ma part pour cette année jusqu'ici assez pauvre en belles nouveautés.