J'ai bien hésité ... mais puisque j'avais déjà lu les deux premiers livres et qu'Alison Bechdel était candidate au Grand Prix d'Angoulême (elle ne l'a pas eu mais elle l'aura certainement un jour), je ne suis décidé à acheter
Le secret de la force surhumaine.Le thème principal du livre est l'addiction (le mot n'est pas trop fort) de la dessinatrice pour les efforts extrêmes et en soi, cela m'intéresse modérément. Je suis certes un fana de la course à pied, que je pratique d'ailleurs toujours aujourd'hui malgré mes vieilles jambes, mais j'ai le sentiment d'avoir toujours été raisonnable. Je ne m'identifie donc pas du tous aux passions torturées de Bechdel pour le sport mais j'apprécie déjà davantage sa franchise brute. Elle dit les choses sans jamais les déguiser et c'est parfois vivifiant.
Ce livre nous offre donc une indigestion d'activités sportives, très souvent solitaires ! Ski, vélo, course à pied, karaté, fitness, musculation, Alison Bechdel a presque tout essayé, en essayant toujours d'atteindre une sorte de summum de l'effort. Tout cela n'a pas un immense intérêt mais il faut réaliser que cette sportive forcenée est quand même l'autrice de
Fun Home, ce livre que j'ai passionnément détesté. Ce nouveau livre n'est donc pas banal. Et en racontant toutes ses expériences sportives, Alison Bechdel raconte tout simplement sa vie. Cette BD est donc une vraie autobiographie, dont l'angle d'approche est assez curieux mais vu ainsi, le sujet devient lisible.
De multiples digressions littéraires traversent sinon le récit et c'est ainsi que l'autrice nous raconte la vie de célèbres auteurs anglo-saxons : William Coleridge, Ralph Waldo Emerson, Margaret Fuller, Jack Kerouac, et ces écrivains semblent être pour elle des modèles. Ce n'est pas inintéressant, mais ces ajouts n'apportent en fait pas grand chose à l'histoire, hormis peut-être les influences philosophiques qu'elle revendique, Et puis cela explique certaines anecdotes. C'est ainsi que sa passion pour Kerouac l'incite à se lancer dans certains défis, comme par exemple l'ascension du "Matterhorn américain" qui est spécialement difficile et qu'elle n'arrive pas à achever.
Mais qu'en est-il de l'histoire de la dessinatrice, qui passe souvent au second plan. Le livre apporte tout de même quelques infos intéressantes. On découvre en effet que Bechdel est une femme plutôt solitaire, même si elle vit en couple, et qu'elle consacre presque tout son temps au sport et à son travail de dessinatrice, en ignorant presque sa compagne. Elle reproduit ainsi le schéma relationnel de son père qu'elle détestait, car ce dernier ne s'intéressait qu'a ses petites passions égoïstes, par exemple pour un ameublement parfait de la maison, et il délaissait ainsi sa famille. Il semble qu'elle s'en soit rendu compte. En tout cas, son livre ne cherche pas à le cacher.
Mais qu'en est-il de ce père, et du livre sur son père qui lui a apporté une certaine célébrité ? Là aussi, Alison Bechdel se révèle d'une franchise brutale. Comme elle l'écrit elle même : "J'avais assassiné mon père". Mais au fait, est-ce qu'elle en est heureuse ? A cela, elle ne répond pas !
Bien sûr, le sport n'est pas une thérapie, tout au plus une béquille, et Bechdel s'est aussi adonnée à la méditation et au yoga. Et puis, elle a fit une longue psychothérapie mais cette tentative, elle l'a longuement racontée dans son deuxième roman graphique. C'est certainement cela qui l'a le plus aidée à avancer.
Que dire finalement qui soit vraiment utile sur cette BD autobiographique ? Je ne crois pas qu'elle soit vraiment intéressante pour un novice qui n'a rien lu de Bechdel. Le livre est touffu et u peu dispersé. Il faut plutôt commencer par
Fun Home, qui est un livre aussi mordant et efficace que concis. C'est une meilleure façon de savoir si vous aimez ou vous détestez l'autrice.
La note ? J'hésite entre
EE et
EEE. Allez, soyons gentil, ce sera un
EE.