JYB a écrit:Dans Casemate de juillet, il est question d'un livre qui vient de sortir sur les BD avec des pirates (Pirates et corsaires dans la bande dessinée, par Philippe Tomblaine, L'Apart éditions). On y annonce les interviews de divers auteurs, dont Perrissin et Bourgne justement. Si quelqu'un peut avoir accès à ce livre, peut-il nous dire si l'un ou l'autre cause des raisons de la fin de la série Barbe-Rouge ?
Eh bien, je viens de me procurer ce livre, et l'ai acheté parce qu'il y a un chapitre consacré à Barbe-Rouge (et parce qu'il y a pas mal de choses sur les pirates dans la BD, toujours intéressant à lire quand on s'intéresse comme moi aux choses de la mer et à la BD).
Il y a trois documents notables dans ce chapitre : un texte sur l'historique de la série, l'interview de Christian Perrissin, et aussi une de Philippe Charlier, l'ayant-droit de la série Barbe-Rouge. Eh bien, au bout du compte, on n'en sait pas plus sur la fin de la série...
Le texte de l'auteur (Philippe Tomblaine) dit juste, à un endroit, concernant la série parallèle La Jeunesse de Barbe-Rouge : "(...)
jusqu'en 2001, année où l'éditeur choisit d'interrompre le cycle, faute de ventes suffisantes". L'auteur conclut son chapitre par : "(...)
un décideur osera-t-il véritablement lui réattribuer une "lettre de courses" en engageant une nouvelle équipe d'auteurs, dans les eaux mouvantes du contexte actuel ?". Question sans réponse à ce jour.
Dans son interview, Perrissin avoue qu'il n'a pas réussi "
à trouver ses marques" dans l'écriture des scénarios ("
et ça se sent", ajoute-t-il). Je résume le truc (achetez l'ouvrage pour lire ça en détail) : le scénariste dit que lui et Marc Bourgne ne sont pas sentis assez soutenus par l'éditeur, et, raconte-t-il, "
quand j'ai senti qu'on risquait d'être débarqués, comme Gaty et Ollivier avant nous, j'ai préféré tout arrêter." Il conclut que l'épisode Le Secret d'Elisa Davis est, de son point de vue, ce qu'il a fait de mieux sur Barbe-Rouge. A chacun de juger.
Dans son interview, Philippe Charlier avoue : "
Par la suite, Bourgne et Perrissin ont repris avec talent la suite de la série. Je n'ai jamais eu d'explication ni compris l'arrêt de la série par ces deux auteurs."
Toutefois, je retiens plusieurs phrases de Perrissin lui-même, dans son interview. Il dit qu'à un moment, il a fait deux albums aux antipodes des décors habituels des histoires de pirates : "
Je n'écrivais plus en référence aux albums précédents de la série, mais en ne me fiant qu'à ma sensibilité et à mes propres sources." Plus avant, il parle de sa collaboration avec le dessinateur Redondo sur la Jeunesse de Barbe-Rouge, pour laquelle il a voulu faire quelque chose de différent : plus réaliste, moins héroïque, moins spectaculaire ; des histoires de marins perdus, de criminels en fuite et de paumés.
Très bien, mais question que je me pose : dans ces conditions, pourquoi avoir accepté d'écrire du Barbe-Rouge, si ce n'est pas pour faire du Barbe-Rouge ? En s'éloignant de la série telle qu'on la connaît, époque Charlier, ne faut-il pas s'étonner que les lecteurs ne la retrouvent pas et décrochent ? Relire tout ce que j'ai pu dire sur ce forum, au sujet des reprises des grands classiques : quand un scénariste veut faire tout autre chose que le fonds de la série, il vaut mieux qu'il crée sa propre série, où il pourra faire ce qu'il veut selon ses idées et son style propre...
Par ailleurs, quand on lui demande quelles sont ses principales références et/ou influences, Perrissin répond : Hergé et Pratt. Formidable, excellentes références. Mais il ne cite pas Charlier ; ce qui est embêtant pour un scénariste qui veut reprendre une série de Charlier.
Enfin, Perrissin explique qu'au sein de Dargaud, il avait trois principaux interlocuteurs : Guy Vidal le directeur de collection, Philippe Charlier évidemment, et un certain Jacques Pessis (note JYB : que j'ai croisé à l'époque chez Dargaud mais dont je me suis toujours demandé quelle était la fonction exacte ; il avait apparemment un rôle décisionnaire ; Jacques Pessis est par ailleurs connu pour réaliser des documentaires télé sur des gloires passées de la bonne chanson française des années 50 aux années 70, et pour être le légataire universel de Pierre Dac ; il est ou était par ailleurs journaliste de radio et de presse où il traitait surtout de la vie parisienne ; tout ceci nous éloigne passablement de l'univers BD et des scénarios d'aventures de Jean-Michel Charlier...). Philippe Charlier "
trouvait notre démarche intéressante", dit Perrissin. Mais c'est Jacques Pessis qui s'est opposé fermement aux projets : "
Pessis tenait à ce qu'on reste totalement dans l'esprit Charlier-Hubinon. Ce qui était impossible pour moi. Le genre avait évolué. Les Passagers du vent étaient passés par là, et puis Marc et moi étions d'une tout autre génération."
Messages transmis à tous les repreneurs de séries classiques anciennes.