Treblig a écrit:JYB, je n'ai pas besoin d'explications de texte, je ne suis pas ton élève, tu n'es pas mon professeur.
Il y a suffisamment d'années que je lis de la bande dessinée, et, je ne suis pas complètement ignare en la matière pour connaître par exemple les liens unissant un scénariste à son dessinateur.
Il faut bien que je détaille mes réponses pour apporter la contradiction, et par ailleurs, je profite de l'occasion pour donner des infos à ceux qui n'auraient pas conscience de ces liens ainsi que de la variété, de la profondeur et de l'importance des échanges scénariste/dessinateur pour arriver à créer une BD. Ce serait bien aussi que Michel (Jacquemart) donne son avis, lui qui est scénariste et vit le problème concrètement.
Treblig a écrit:Par contre, j'attends toujours que tu nous donnes un exemple précis (donc visuel) démontrant que "quand Bergèse s'est retrouvé seul, son dessin a évolué".
Je vais avoir du mal à montrer des images, étant fâché depuis toujours avec la mise en ligne de fichiers-images sur un forum (Raymond en sait quelque chose), et vu que, branché "Charlier", je n'ai qu'un album de Bergèse en tant qu'auteur complet et seul. Je me suis contenté de feuilleter ses autres albums de Buck Danny en librairie, à mesure qu'ils sortaient, ou de lire des Spirou qui prépubliaient des histoires. Mais je pense avoir tout vu quand même ; c'est ainsi que, parfois, je me disais en repérant tel ou tel dessin : "Tiens, on voit que Charlier n'est plus là...". Mais je peux dire trois ou quatre choses d'ordre général :
- après l'époque "Charlier" (donc après les quatre premiers albums de la reprise qui ont suivi la disparition de Victor Hubinon), les planches paraissent non pas plus allégées (parce que dans Buck Danny, Bergèse a toujours mis force détails dans les cases), mais présentent moins de densités de noir. Les ombres et les à-plats de noirs se font globalement plus rares (sauf lors des scènes de nuit bien sûr), et les traits paraissent plus purs, Bergèse se rapprochant parfois de sa façon disons "ligne claire" qu'il employait quand il dessinait Biggles, son autre principal personnage. Je sais que Charlier appréciait les à-plats de noirs, que c'était un aspect auquel il veillait quand il embauchait un dessinateur (pour preuve, il suffit de voir sa production et le style de dessins qui accompagne la plupart de ses séries), et je crois qu'il savait adroitement convaincre les dessinateurs réticents de ne pas en oublier (avis perso : je le soupçonne même d'aimer raconter des scènes de nuit ou de pénombre pour amener ses dessinateurs à mettre davantage de noir...). Je me souviens de certaines planches de Bergèse (seul) où il n'y a pratiquement plus d'ombres ni d'à-plats noirs, ce qui est, pour moi, fort surprenant à trouver dans une BD créée par Charlier.
- le portrait de Buck Danny lui-même a évolué, lentement mais sûrement, après la disparition de Charlier, et je trouve surtout sur les tout derniers albums. Lors de la première reprise (Mission Apocalypse), Bergèse avait su dresser des portraits fidèles aux portraits du même personnage du temps de Hubinon, en y apportant beaucoup plus de soin qu'Hubinon, j'ose même dire en les magnifiant ; mais après quatre albums et la mort de Charlier, Bergèse a en quelque sorte lâché un peu de lest et, petit à petit là encore, le visage de Buck est devenu plus froid, plus stoïque, mais aussi parfois, dans des cas extrêmes, inconsistant et fade, comme absent.
- la tête de Buck (ne parlons que de lui) connaît une évolution morphologique, avec parfois un menton plus imposant et plus rond, et un front moins haut et moins large si je me souviens bien, que du temps de Hubinon ou des premiers albums de Bergèse. J'ai même repéré deux ou trois portraits qui, en raison d'une accentuation de ces défauts, deviennent presque des caricatures de Buck Danny... J'ose croire que Charlier, s'il avait été là, aurait fait recommencer ces dessins (là, oui, ce serait bien que je retrouve ça et que je les mette en ligne ici). Certes, les dessins restent "clean", plaisent toujours aux fidèles, et il n'y a pas de quoi fouetter un chat, mais j'ai trouvé qu'on s'éloigne de l'époque Charlier. Pour ce qui est de l'intervention de Charlier dans la modification d'un portrait de héros qui ne lui convient pas, voir ce que je raconte (et montre pour preuve) à la page de Michel Brazier dans le site jmcharlier.com, à ce lien : http://www.jmcharlier.com/michel_brazier.php (il faut dérouler jusqu'au bas de la page qui s'ouvre). C'est aussi parce qu'il trouvait caricaturaux les portraits de Tanguy & Laverdure par Patrice Serres que Charlier a embauché Alexandre Coutelis (il y avait d'autres raisons pour que Charlier se sépare de Serres, mais en tout cas, en voilà une...).
- ceci est un peu à part, mais je crois pouvoir dire que, à la fin de sa collaboration à la série qu'il gérait seul, Bergèse était découragé, désabusé - au point qu'il a "décroché" complètement et fait valoir ses droits à la retraite en 2006/2007 (sinon, il aurait continué ; on ne lâche pas une telle série comme ça, surtout qu'il en rêvait depuis longtemps) ; plusieurs raisons en sont la cause, mais c'est un autre débat. Là aussi, j'en suis persuadé, Charlier lui a manqué. Résultat des courses : la série avec Bergèse et sans Charlier s'est arrêtée. CQFD.