Je ne suis peut être pas assez critique ou objectif s'agissant de Caniff, mais il me suffit de contempler le seul dessin de couverture pour prendre immédiatement la défense de cette oeuvre. Par exemple, je ne me lasse pas d'admirer les plis des vêtements, encrés au pinceau.
Je trouve Male Call digne d'intérêt à plus d'un titre :
- d'un point de vue artistique : le dessin de Milton Caniff a acquis une grande maturité au moment où il dessine cette bande ; elle bénéficie de sa virtuosité et de sa maîtrise du noir et blanc, ce qui n'est pas le cas d'un certain nombre d'épisodes de Terry.
- d'un point de vue de l'originalité : même s'il s'agit d'humour (l'humour est réputé difficile à pratiquer) destiné à des soldats "primaires" (Ah, ce mépris pour la chair à canon, la fameuse "soldatesque" ; ils risquaient leur peau pour une cause choisie par leurs élites (banquiers, dirigeants politiques) et méritaient bien en retour d'être distraits et notre considération, même si l'histoire ne retient que leurs chefs qui étaient le plus souvent à l'abri ; et puisqu'il s'agissait pour Caniff de gags en quelques cases, cela impliquait pour lui de manier l'art de l'élipse, de la chute, et de rechercher, tel un cinéaste, des effets visuels. Il fit preuve d'excellence dans ce domaine. Perso, je trouve que certains strips valent largement certains strips de Charlie Brown (réputé intello). Et nécessitent une bien meilleure technique du pinceau et une plus grande connaissance de l'anatomie de la part du dessinateur ; Et finalement, quand on songe à la quantité phénoménale de comix produite avec des Super héros en collant ou en slip, destinés à un public (évolué, cultivé ? Spiderman visait les étudiants !) qui inonde le marché depuis des lustres... Ces quelques gags, certes puérils, ne font pas si mauvaise impression dans la masse.
- d'un point de vue historique : comme l'a souligné Treblig, c'est une oeuvre de commande pour l'Armée, et, finalement, en BD, des récits pour l'Armée sont assez minoritaires, face à l'immense production des bandes destinées aux quotidiens ou aux comic books. Un auteur médiocre aurait pu bâcler les dessins, après tout... Caniff a soigné ceux-ci, c'est tout à son honneur ; sans doute avait-il une petite pensée pour les pauvres bougres envoyés au casse pipe, devant sa planche à dessin.
L'édition Toth a le mérite d'être exhaustive.
Au début de leur série "Pin Up", Yann et Berthet avaient réussi à mêler habilement des strips n&b parodiant ceux de Caniff avec leur récit qui mettait en scène le dessinateur (Milton) et leur modèle. Ce tour de force conférait aux premiers tomes de la série une saveur toute particulière.