Avec
les Oracles, Marc Jailloux nous offre une aventure qui fait directement suite au
Lac sacré. Il prend ainsi pour modèle une oeuvre majeure de Jacques Martin. Je pense que le créateur d'Alix était alors parvenu au sommet de son art, et j'ai d'abord craint que cette suite ne favorise une périlleuse comparaison.
On retrouve d'abord le même événement historique, à savoir la Guerre du Péloponnèse. Marc Jailloux a dû lire attentivement l'oeuvre de Thucidyde car il nous donne un récit très documenté. L'enjeu de cette aventure, ce sont surtout les choix stratégiques de Périclès, qui doit faire face aux redoutables phalanges spartiates. Plutôt que de les combattre sur terre, il choisit d'utiliser la puissance de sa flotte athénienne.
Je ne vais surtout pas raconter l'intrigue des
Oracles, car plusieurs d'entre vous ne l'ont pas encore lu. On peut tout de même révéler que cet album retrouve les lieux, les personnages, l'ambiance et les couleurs du
Lac sacré. Le récit se présente à nouveau comme un voyage à travers le Péloponnèse et on peut admirer l'impressionnant travail de Marc Jailloux qui a repris la série d'une façon presque mimétique. Il dessine particulièrement bien les visages et les personnages, et sa maîtrise des gros plans est une agréable surprise après les déceptions suscitées par d'autres reprises moins réussies de ces dernières années.
Le classicisme respectueux de ce nouvel Orion invite inévitablement le lecteur à comparer ce nouvel album aux anciens. A ce jeu, les
Oracles fait bonne figure même s'il s'agit d'un premier album (du moins dans ce style) de la part de Marc Jailloux. Il ne ne réussit pas toujours sa mise en scène aussi bien que Jacques Martin, bien sûr, mais aucun dessinateur n'a réussi jusqu'à ce jour à retrouver le dynamisme du maître. On découvre au début de l'histoire de très belles images d'Athènes mais je regrette par contre que les décors du Péloponnèse soient ensuite plus simples.
Il faut rendre aussi hommage à la plénitude des couleurs de Corinne Billon, qui fait preuve d'un métier très sûr. Elle retrouve les teintes mates et bleutées du
Lac sacré et c'est un véritable plaisir.
Soulignons pour finir qu'il s'agit d'une première oeuvre et que le résultat est impressionnant. Marc Jailloux a déjà introduit quelques indices qui indiquent comment il compte poursuivre la série et j'espère qu'il va le faire (plutôt que de travailler sur Alix qui ne manque pas de dessinateurs). J'ai le sentiment qu'il pourrait faire d'Orion une oeuvre personnelle et y développer sans obstacle son propre style. Les fans d'Alix (et d'Orion) attendaient depuis des années l'arrivée de nouveaux dessinateurs capables de prolonger les séries martiniennes d'une manière convaincantes, et on les voit maintenant prendre leur juste place. Après Christophe Simon, après Regric, il y a maintenant Marc Jailloux et ce n'est probablement pas fini. L'avenir devient prometteur.