Thorgal

Hélas il faut bien l'admettre ce 36ème tome m'a passablement déçu aussi comme je l'ai exprimé précédemment au message 262. Je serai cependant plus nuancé quant au dessin qui, s'il m'a parfois également déçu, conserve plusieurs fois des qualités qui prouvent que peut-être avec plus de temps ou moins de lassitude Rosinski aurait pu se trouver à un bien meilleur niveau.

Je me demande s'il n'a pas été desservi par l'univers de jungle qui convient mal à mon avis à l'expression en peinture directe car cela finit par donner une sorte de fouille vert pas très flatteur et même parfois assez laid à mon gout. C'est pourquoi je ne dirais pas que le dessin de Rosinski a "encore baissé", mais qu'il a baissé et été pris au piège de l'univers représenté, d'autant plus que le précédent tome, Le feu écarlate loin de marquer une baisse avait pour moi constitué un sommet.

Après le flamboiement pictural et narratif du Feu écarlate, il aurait fallu un retour beaucoup plus exalté, magique et mystérieux, qui nous fasse passer de l'orient fauve aux neiges puis aux verdures nordiques du Nordland. Comme toi je trouve que de ce point de vue, le scénario est en dessous de la conclusion que méritait cette partie essentielle des aventures, tissée depuis Le sacrifice. L'histoire qu'on nous raconte n'est qu'une succession de péripéties assez classiques et banales malgré la quête du remède destiné à sauver Aniel.

Contrairement à certains lecteurs que les  inflexions narratives intervenues depuis 2007 avaient déroutés, j'avais beaucoup aimé la lente dérive qui avait conduit l'histoire à se démultiplier entre des niveaux parallèles, et Thorgal à perdre presque son identité au fil d'une errance magnifique, mêlant cauchemar, voyage initiatique, épopée et voyages au centre de contrées mystérieuse entre imaginaire et réalité. Et voici que cet édifice exceptionnel qui portait tant à rêver fond d'un seul coup. C'est dommage, malgré des qualités parfois bien réelles du dessin au fil de l'album entre de longs moments d'amnésie artistique. Je suis persuadé comme je l'ai dit plus haut qu'il aurait sans doute fallu développer ce retour sur deux tomes, lui laisser le temps d'être à la mesure d'un dénouement si longtemps attendu.

Il est vrai que, comme Rosinski l'a déclaré au magazine Le Point en août 2018, après avoir été gravement malade, le dessinateur aspirait à se libérer d'u univers où il avait passé une quarantaine d'années pour aller vers d'autres projets. Ceci explique sans doute en grande partie cela.

https://www.lepoint.fr/pop-culture/bandes-dessinees/rosinski-j-arrete-thorgal-28-08-2018-2246346_2922.php

C'est possible, mais n'oublie pas qu'apparemment c'est Rosinski qui a désavoué Dorison.

Je partage tout à fait cet avis. Mais je crois que Rosinski ne se sentait justement pas à l'aise avec cet univers qui notamment introduisait la mort d'Aniel, chose qu'il ne pouvait admettre selon ce que j'ai lu à ce sujet. Il voulait que la série demeure inscrite dans un cadre narratif plus classique et dans la continuité d'une tonalité donnée de longue date.

A mon avis il a eu grand tort. Le résultat est là qui le révèle hélas irrémédiablement.

Effectivement. Il nous faut donc souhaiter qu'il en aille ainsi de Thorgal. Mais le retour probable à un style de dessin plus classique, même si le dessinateur retenu est excellent, sera un recul que les lecteurs comme nous passionnés par les innovations introduites par Rosinski, depuis l'invention de sa manière en peinture directe, risquent de déplorer.

Wait an see comme diraient sans doute Blake et Mortimer.

Sauf cher Loup79 que nous connaissons déjà le style du futur dessinateur - en l'occurrence, il s'agit de Fred Vigneaux qui dessine la série Kriss de Valnor - et que s'il est excellent, il n'a nullement l'audace créatrice de Rosinski. Avec lui nous retournons à une conception purement classique du trait qui n'aura donc plus rien d'une exploration dans l'inconnu, sauf bien sûr s'il décide, ce dont je doute, de se montrer à son tour aussi aventurier que l'a été Rosinski  

Ci-dessous, pour exemple, une planche du tome 8 de la série Kriss de Valnor, dessinée par Fred Vigneaux. Le dessin y est très maîtrisé, mais d'un genre qu'on a déjà vu mille fois et qui est sans commune mesure avec l'incomparable originalité de Rosinski dans sa période finale et dont quelques exemples suivent, extraites de Kah-Aniel et du Feu écarlate.

Le prix est élevé. On me l'a dit dans une librairie. Je crois que c'est de l'ordre de 100 euros environ.