Pendant l'automne 1985, il y eut aussi la publication de
Vercingétorix, le 18ème opus des aventures d'Alix !
Pour la première fois depuis longtemps, je découvrais une histoire d'Alix directement en album. Ce n'était pas désagréable mais … la découverte était tout de même décevante. Il planait en effet sur cette aventure une ambiance désenchantée, et j'avais bien de la peine à y retrouver le héros que j'aimais.
Et d'abord, l'intrigue commençait d'une manière très inattendue. Alix était bizarrement invité par Pompée, et il acceptait même de sa part une mission susceptible de nuire à Jules César ! C'était un scénario incroyable ! Qu'était donc devenu l'ami fidèle et loyal du conquérant des Gaules ? J'avais bien de la peine à le comprendre, et je partageais plutôt l'état d'esprit de Vercingétorix, qui s'indignait de voir Alix accepter l'alliance d'un notable corrompu. "Traître" s'exclamait-il, en lui jetant à la face un vase de fleurs ! C'était une réaction très violente, mais Vercingétorix avait au fond bien raison !
Et pendant toute l'aventure, Alix allait se retrouver du mauvais côté de la barrière, si j'ose dire. Il fuyait ses amis, comme par exemple Galva, et restait dans la crainte de la colère de Jules César dont il contrariait les plans. Il s'enfuyait ainsi en Gaulle, avec Vercingétorix et sa famille, et retrouvait sur sa route quelques personnages déjà rencontrés pendant l'épisode des "Légions perdues". C'est ainsi qu'il retrouvait son cousin Vanik, lui aussi totalement romanisé et assez ambigu. "Les temps changent", aurait-on pu chanter pour la circonstance, et les jeunes héros appartiennent maintenant au passé.
Il y avait en effet peu d'amis fidèles dans cette histoire, mais le plus désolant était de constater qu'Alix lui-même n'en était pas un non plus. Menait-il vraiment le bon combat ? Il était impossible de se prononcer sur cette question, et le héros avait de toute façon fort à faire pour échapper à ses anciens alliés. Seuls les fameux loups, qui l'avaient sauvé à la fin des "Légions perdues", étaient encore de son côté ! Cela permettait à Jacques Martin de dessiner un bref moment de paix … et de nostalgie.
Ce "combat douteux" (j'ose reprendre le fameux titre de John Steinbeck
) ne me plaisait pas beaucoup, et il n'y avait guère que l'esthétisme des images qui venait parfois compenser un léger sentiment de frustration. Dans cette véritable "antithèse des Légions perdues", Jacques Martin avait décidé de montrer une autre facette de la Gaule et ses images étaient parfois splendides. Même de simples cases intermédiaires (ou purement narratives) étaient souvent richement décorées, et cette abondance de détails dans les images trahissait en fait le véritable souci de l'auteur : dessiner une BD graphiquement parfaite, plutôt qu'une histoire passionnante !
Une BD … c'est d'abord une histoire, et celle de Vercingétorix ne m'avait pas séduit. L'album fut donc assez promptement rangé dans ma bibliothèque, où il resta bien longtemps sans que je ne le touche. Ce n'est que pendant les années 2000, avec l'apparition du forum et de certaines discussions que … je me sentis obligé de le relire. Et comme je n'en attendais plus grand chose, ce
Vercingétorix m'apparu tout à coup bien meilleur que dans mes souvenirs.
Je l'ai ainsi relu hier soir, et bien que cette histoire soit effectivement très désenchantée, elle ne manque pas d'un certain charme. J'y vois en particulier une sorte d'exercice de style, et surtout une volonté de Jacques Martin de déconstruire son univers, qui renouvelle complètement la série. C'est un aspect qui peut être très intéressant, pour un "martinophile expérimenté".
Hergé avait un peu fait la même chose, en dessinant les
Bijoux de la Castafiore à la fin de sa carrière !
Mais
Vercingétorix ne sera jamais mon album favori. Ah ça non ! Je dirais plutôt que … c'est une intéressante curiosité dans la carrière de Jacques Martin !
C'est déjà pas mal !