Dans le superbe catalogue de l’exposition Alix, L’art de Jacques Martin se trouve un développement tout à fait passionnant, pages 110 et 111.
Sous le titre « Tragédie antique », Blutch commente et réinterprète les pages fameuses de l’humiliation publique d’Ariela par Iorix (pages 40 et 41). En conservant grosso modo le même découpage que J. Martin, mais en variant certains angles et focales (plan large, plutôt que plan rapproché, par ex.) et en « tournant » autour des protagonistes, Blutch donne une toute autre tonalité à cette scène, qu’il qualifie d’ailleurs de « Séquence brutale et troublante. Révoltante et érotique, ambigüe à l’extrême. »

Il lui donne même un tout autre aboutissement, qu’il croit lire entre les cases de l’album d’origine. A mon avis, son interprétation, fautive, révèle davantage certains fantasmes suscités par cet épisode que de la réalité de la narration d’origine.
ATTENTION SPOILERS !
Sous le titre « Tragédie antique », Blutch commente et réinterprète les pages fameuses de l’humiliation publique d’Ariela par Iorix (pages 40 et 41). En conservant grosso modo le même découpage que J. Martin, mais en variant certains angles et focales (plan large, plutôt que plan rapproché, par ex.) et en « tournant » autour des protagonistes, Blutch donne une toute autre tonalité à cette scène, qu’il qualifie d’ailleurs de « Séquence brutale et troublante. Révoltante et érotique, ambigüe à l’extrême. »

Il lui donne même un tout autre aboutissement, qu’il croit lire entre les cases de l’album d’origine. A mon avis, son interprétation, fautive, révèle davantage certains fantasmes suscités par cet épisode que de la réalité de la narration d’origine.
ATTENTION SPOILERS !
- Spoiler:
- Là où mon ressenti diverge radicalement de sa vision, c’est dans l’affirmation de l’impavidité émotionnelle du héros. Il le voit comme un personnage rigide, d’une « sévérité aristocratique qui tient le lecteur à distance ». Je n’y vois que l’affirmation d’une virtus romaine qui s’affirme d’autant plus avec la glissée progressive vers la barbarie d’Iorix et de ses guerriers.
Là où Blutch voit uniquement de l’indignation vis-à-vis de l’humiliation d’Ariela (« sûrement pas bouleversé », affirme-t-il), j’y vois aussi de la gêne et une retenue embarrassée : il a surement compris que sa sollicitude ne faisait que renforcer le sentiment d’humiliation et de fragilité de la jeune fille. D’ailleurs, ne mentionne-t-il pas que « les femmes » vont s’occuper d’elle ?
Il va encore plus loin.
Ainsi, ce que le précise Blutch, « […] Dans la case correspondante, Alix est vu de loin, son manteau sur l’épaule, saluant l’assistance. J’en déduis donc que, reprenant son vêtement, il dénude à nouveau Ariela. A mes yeux, Alix est aussi volontaire que glaçant. […] dans ma sortie de scène d’Alix, on voit une Ariela pantelante, abandonnée nue aux pieds des hommes des cavernes [sic]. Reproduire cette scène intolérable, en m’acharnant à mon tour sur la jeune fille, me conduit vers mes propres frontières, nébuleuses et peu visitées. Si j’ai modifié les angles de vue, je n’ai en revanche pas chanté une ligne du texte original […] »
… mais commis une mauvaise interprétation du texte de J. Martin !!
Toute cette théorie repose sur une erreur. Dans la page 39, Jacques Martin précise bien qu’en obtempérant à l’ invitation d’Iorix, Alix a bien pris soin de se munir de manteaux et d’une épée. Alix repart donc avec un des manteaux, ayant recouvert Ariela avec l'autre.