Rio et autres BD de Doug Wildey

Cela fait un petit moment que j'ai acheté cet album magnifique, et il fallait absolument que je le signale ici.

Voici d'abord l'album en question, publié à petit tirage par les éditions Fordis, et distribué par le Coffre à BD. C'est le 1er tome d'une série de 4.





Mais pourquoi ouvrir un sujet spécialement dédié à Doug Wildey ? Eh bien … parce que ce dessinateur américain a fait une longue carrière, riche en créations originales et intéressantes. Il est presque inconnu en Europe, mais il serait peut-être temps de parler un peu de lui.  

Montrons au moins une photo du dessinateur. J'ai trouvé cette image de lui, avec à côté sa création la plus célèbre aux USA : Jonny Quest.





Jonny Quest a été créé dans les années 60 et c'était au départ un film d'animation conçu pour la TV. Plus tardivement, il en a aussi fait un comic book. Je n'ai jamais vu de traduction française de cette œuvre, qui est probablement destinée à un jeune public.

En français, je ne connais en fait que sa série Ambler, qui a été publiée dans le journal Tintin à la fin des années 70. C'est une BD curieuse et plutôt personnelle, racontant l'histoire d'un jeune musicien qui voyage à travers les USA. Il fait diverses rencontres dans chaque ville qu'il traverse et se comporte un peu comme un redresseur de tort. Ce n'est pas un héros tout puissant et combatif, mais plutôt un jeune homme sensible et plein de bonne volonté, qui apaise les conflits autour de lui. Cette BD est donc un peu intimiste.



Notons que n'est pas sa seule BD traduite en français, car il a aussi dessiné Tarzan pendant les années 70, et ce comic-book a été traduit dans le mensuel éponyme de Sagédition. Sinon, aux USA, il a plutôt la réputation d'un dessinateur de western, à cause de Rio bien sûr, qui a sorti sous la forme de comic-books pendant les années 80, mais aussi d'autres comics comme Outlaw Kid qui date des années 50.



Il a aussi fait bien d'autres choses, comme un strip sur la série TV "Le Saint", et divers comic-books bien oubliés ! Mais revenons à Rio !

Mais qu'est-ce qui m'a donc séduit, dans ce vieux western (dont j'avais entendu parler pour la première fois dans de vieux numéros de Hop) ?  

Sur le plan scénario, cette BD a été manifestement influencée par la vague du nouveau western américain des années 70 et 80, donc par Sam Peckinpah et Clint Eastwood. Rio est un ancien hors-la-loi blessé et désenchanté, qui souhaite redonner du sens à sa vie. En échange d'une grâce présidentielle, il accepte une mission et ceci l'amène dans une exploration dangereuse et incertaine … qui se termine pas un carnage ! Ce n'est pas vraiment une scène de "la horde sauvage" (vous souvenez-vous de ce western mémorable ?), mais ça n'en est pas loin.



En soit l'intrigue n'est pas exceptionnelle, mais Doug Wildey lui donne un rythme juste, en insistant sur (voir même en prolongeant) les scènes intermédiaires. Ce qui compte en effet dans ce western, ce ne sont pas les scènes d'action, mais plutôt la définition d'une ambiance nostalgique et crépusculaire. Il n'y a pas vraiment d'exploits (sauf quand à la fin Rio extermine les bandits   ) mais plutôt de nombreux dialogues qui confrontent les doutes et les états d'âmes de personnages généralement pessimistes. Et le temps passe ainsi lentement, sauf lorsque les pistolets sont dégainés et que la poudre se met à parler. Tiens ! Ceci me fait penser à certains films de Sergio Leone.  




L'ambiance est donc très réussie, mais ce qui m'a fasciné le plus dans cette BD, c'est quand même le dessin. On devine d'emblée que Doug Wildey a beaucoup investi de lui-même dans ce comic-book très personnel, et qu'il y a vraiment mis tout ce qu'il pouvait. Chaque page multiplie les effets techniques ou visuels, et c'est ainsi que l'on découvre de nombreux paysages qui regorgent de détails (s'étendant parfois sur deux pages), des gros plans suggestifs et spectaculaires, des contrastes dramatiques créés par une utilisation habile du noir et blanc, des dégradés presque artistiques grâce à une belle science du ben day ou du lavis (et aussi parfois de la couleur). Et puis surtout, ce festival technique n'est pas gratuit. Ce graphisme somptueux est mis au service du récit et s'associe à une mise en page dynamique. Le dessin garde une fonction de narration et souligne une ambiance volontiers funèbre, qui se rapproche aussi parfois du thriller.



Certes, il y a  beaucoup de westerns européens (Gir ou Hermann par exemple) que l'on pourrait comparer à une telle œuvre. Mais faire une telle comparaison, n'est-ce pas déjà reconnaître les qualités de cette BD ?  



Bref, vous avez compris ! Rio est un petit bijou qu'il vaut la peine de découvrir, même si l'amateur est contraint de passer par Internet pour voir et acheter l'album. Je ne qualifierai pas cette BD d'indispensable, car ce n'est après tout qu'un western, mais c'est une vraie pépite pour les bédéphiles qui voudraient aller un peu plus loin, et découvrir les vrais classiques du 9ème art.  

Selon WikiPF il est le dessinateur de ces 6 Tarzan :

Jonny QUEST est essentiellement une série TV
Non diffusée en France semble-t-il ; quid en Suisse ?

Synopsis :
Avec Hadji (l'orphelin de Calcutta adopté) et le bulldog Bandit, Jonny Quest - 11 ans - accompagne le Dr Benton Quest (son père, chercheur scientifique) et Race Bannon (leur garde du corps). L'équipe quitte les keys de Floride pour enquêter sur des mystères scientifiques, des légendes et des phénomènes étranges à travers le monde.


Il a eu droit a UN comic book chez Gold Key :

Toujours à cheval entre T.V. et B.D. :

D-1337- Dr. Kildare
Identifiant : 325864
Scénario :
Dessin : Wildey, Doug
Couleurs :
Encrage : Wildey, Doug
Dépot légal : 04/1962
Estimation : de 15 à 20 euros
Editeur : Dell publishing
Format : Format comics
Planches :32
Info édition : Contient des articles éducatifs sur la medecine et une histoire de 32 pages "The Doctor and the Gambler" adaptée de la série T.V Dr Kildare .

Pour les collectionneurs de Hop, il existe un très bon article sur Rio dans le N° 54. Cet article fait partie d'une série de textes intitulés "Western et BD", qui sélectionnaient les meilleures BD américaines dans ce genre.



C'est cet article qui m'a donné envie de m'intéresser à Rio.  

Sinon, il y a aussi un article "Remember" consacré à Doug Wildey dans le Hop N° 64.

6 pages d'introduction sur l'auteur et son œuvre.

Le tome 2 de "Rio", intitulé le Fils de Monsieur Howard est tout aussi magnifique que le premier.



La technique graphique n'est certes plus la même que dans le tome 1, car le trait à l'encre accompagné de fines hâchures est cette fois-ci remplacé par de somptueux aplats de couleurs, mais le talent narratif de Wildey reste inchangé. Quelque soit le genre de dessin, sa science de la mise en page et du récit en image reste intacte. La composition d'illustrations éblouissantes ne gêne en fait pas la clarté du récit, et cet album est d'abord une vraie fête pour l'œil.



Par ailleurs, l'ambiance est un peu moins "crépusculaire" que dans le premier tome. Doug Wildey nous raconte cette fois une intrigue "citadine" qui est plus calme et moins violente que l'album précédent. Il s'intéresse à un certain nombre de personnages dont il va s'attacher à cerner les caractères, et si les colts sont bien sûr parfois dégainés (il y a tout de même quelques morts), ce n'est pas le sujet central de l'histoire. L'auteur nous présente surtout quelques notables qui veulent développer leur petite ville, et un hors-la-loi qui leur rend silencieusement service. Rio sera plutôt le spectateur de quelques événements qui vont s'enchaîner de façon logique, et s'il réussit finalement à sauver un enfant kidnappé, la conclusion de l'aventure restera (une fois de plus) profondément pessimiste.



J'ai pensé à nouveau à certains westerns de Clint Eastwood, à la fois humains et pessimistes, même s'ils sont dominés par la "loi du plus fort", et de de ma part, c'est un compliment.  

C'est ainsi une très belle BD, aussi agréable à lire qu'à contempler, et elle est assez injustement méconnue.

Qu'on se le dise !

Le tome 3 de Rio est annoncé pour cet été ! Comme il est publié par les éditions Fordis, il faudra bien sûr passer par le WEB pour l'obtenir.



Filippini parle de ce livre (ainsi que d'autres westerns en BD) à cette page :

http://bdzoom.com/144000/actualites/le-western-ca-cartonne-la-preuve-par-quatre/

Le tome 4 de Rio est enfin paru chez Fordis. Ce sera le dernier et il s'intitule Red Dust à Tombstone !



Ce fût la dernière BD dessinée par Doug Wildey avant son décès et les planches ont été restaurées.



C'est un album que je ne manquerai pas.

Suite à la discussion avec Murakami sur Doug Wildey, je vais vous montrer ici une histoire de "Rock Ambler" qui est parue dans le journal Tintin en 1975.

Ambler (c'est en fait le vrai titre américain) est un comic strip à parution quotidienne qui a été lancé en 1972 dans le Chicago Tribune. Sa publication a duré un peu plus d'une année avant de s'interrompre en raison de son faible succès.

Ambler est au départ un chanteur et guitariste de pop music, devenu une vedette de télévision. Il passe toutefois son temps à voyager à travers les USA, en faisant de l'auto-stop et en s'intéressant à la vie des gens dans les patelins qu'il traverse (on se demande quand est-ce qu'il travaille ). Il devient ainsi une sorte de redresseur de torts mais il n'utilise jamais la violence. D'une certaine manière, ce personnage me fait un peu penser à "l'Instit", le héros de la fameuse série TV des années 90 (qui était incarné par l'acteur Gérard Klein) qui était plutôt un réconciliateur. Ambler essaie d'apaiser les conflits partout où il passe, et il lui arrive même de jouer de la guitare.

Quatre épisodes de cette série sont parus dans le journal Tintin et ils n'ont pas fait grand bruit, mais je les trouvais assez sympa car très atypiques. Un autre épisode est paru dans RétroBD N°6 et il faudrait que je le lise une fois.

Mais plutôt que de discuter dans le vide, je vais tout de suite vous en montrer quelques planches ! Voici donc la première page de Erreur judiciaire, une histoire dans laquelle Ambler commence par se faire arrêter par la police, comme un vagabond. 

 

Le début est assez tranquille car Doug Wildey prend son temps pour mettre en place ses personnages. Il est vrai également qu'Ambler n'a jamais été une véritable BD d'action. L'auteur voulait en fait créer une série qui soit complètement différente des autres récits d'aventure.

Page 2



La suite demain !  

Merci, Raymond ! Très sympa, ce début d'histoire. Même si, encore une fois, je trouve que les couleurs gâchent un peu le plaisir...

Effectivement, les couleurs sont assez sombres et elles écrasent le dessin. Je suppose qu'elles ont été faites par le journal Tintin car les strips quotidiens d'origine étaient en noir et blanc avec une trame grisée. C'est probablement à cause de cette trame que les teintes deviennent trop intenses.

J'ai trouvé sur le Web des planches dominicales d'Ambler. Elles étaient d'emblée dessinée pour la couleur et sont bien plus jolies à mon avis. En voici un exemple (trouvé sur un blog américain) :

Mais reprenons le récit d'Erreur judiciaire.  Il y a eu un cambriolage et l'intrigue adopte presque un genre policier, celui du "whodunit" !  

Planche 3

Habituellement, les récits de Rock Ambler s'intéressent plutôt aux relations entre les gens et se rapprochent un peu du fameux "soap opera" américain. Un blogueur américain a d'ailleurs malicieusement décrit Ambler comme une "combinaison de Mary Worth et d'Easy Rider" et je trouve que c'est assez bien vu. Vous connaissez tous le film Easy Rider, qui raconte une errance à moto par trois hippies à travers les USA, tandis que Mary Worth est un soap opera très raisonnable et tout à fait classique (j'avoue humblement que c'est un genre de BD que j'aime bien). Eh bien, on peut considérer Ambler comme une sorte de "Mary Worth qui se promène avec de longs cheveux blonds et une guitare". 

Page 4

Les choses s'arrangent souvent très facilement dans l'univers d'Ambler, et c'est un autre point de ressemblance avec l'Instit. Les gens ne sont jamais aussi mauvais qu'ils ne semblent l'être !   

Page 5

Ambler est une vedette de "pop music", on s'en rappelle, et il faut bien avouer qu'il n'est pas très crédible par rapport à l'ambiance des années 70. Wildey a en l'occurrence créé un personnage complètement imaginaire, très décalé de son temps et peu susceptible de séduire les jeunes. C'est probablement une des explications du manque de succès de la série.

Page 6

Il y a tout de même des méchants dans cette histoire et ce sont des motards. Ironie du sort, ce sont eux qui me semblent être les plus représentatifs de l'ambiance des années 70 (je pense bien sûr à Easy Rider).

Page 7

Raymond a écrit:
J'ai trouvé sur le Web des planches dominicales d'Ambler. Elles étaient d'emblée dessinée pour la couleur et sont bien plus jolies à mon avis. En voici un exemple (trouvé sur un blog américain) :

Effectivement, ces couleurs sont bien meilleures et apportent, elles, un véritable plus au dessin. Si un éditeur pouvait avoir la très bonne idée de nettoyer ces planches et d'en faire une traduction, je serais parmi les premiers clients ! Mais je ne me fais pas trop d'illusions, le public potentiel doit être bien trop restreint pour que ce soit viable commercialement.
Pour le reste, cette histoire que tu nous publies, Raymond, est très sympathique. Le dessin de Widley est encore une fois très bon et le scénario, même naïf, me plait bien. Et je suis comme toi, les quelques soaps qu'il m'est arrivé de lire m'ont bien plu...

Je possède le Retro BD N° 6 et on y trouve justement cette histoire en entier. Et donc, après avoir terminé l'épisode en cours, je vous montrerai cette autre récit en noir et blanc qui associe associe des strips quotidiens et des "Sundays". 

Page 8 de "Erreur judiciaire"

Les motards ont un vieux compte à régler avec Ambler et ils le poursuivent à travers le pays. Ils réapparaissent ainsi dans divers épisodes.

Page 9 !

Et Ambler finit par échapper aux motards, mais ce n'est que partie remise.  

Page 10



C'est ainsi que finit cet épisode. Dès demain, vous découvrirez des pages en noir et blanc !