Hum … cet avis d'Henri Filippini me parait bien lisse.
Pour ma part, j'ai trouvé qu'il y avait du bon et du moins bon dans ce N°4 des Cahiers, qui m'a un peu moins plu que les précédents.
Le bon, c'est sans aucun doute les interviews (Fabcaro, Pichard), le petit dossier sur Manuele Fior ainsi que certains articles thématiques ("le jaune dans la BD", "la bande dessinée arabe"). Les petites "chroniques" en début de journal ont par ailleurs une brièveté qui les rend efficaces et plaisantes.
Le moins bon, c'est en grande partie le dossier principal. Il est consacré à "l'amour en BD" et je le trouve un peu décevant. Mon insatisfaction concerne d'abord le titre ("peut-on encore parler d'amour en BD ?") qui me semble lancer un faux débat. Ne devrait-on pas plutôt dire : "on peut enfin parler d'amour en BD ". En effet, si l'on se réfère à la BD européenne, elle a longtemps été réservée aux enfants et toute relation amoureuse (je ne parle même pas du sexe) y était réellement exclue. C'était particulièrement manifeste en France, où il y avait une loi (et une commission de censure) qui surveillait de près la "moralité" des lectures illustrées, mais la situation n'était pas vraiment meilleure en Italie, en Angleterre ou en Espagne. Les femmes y étaient présentes, certes, mais l'expression des sentiments était sévèrement contrôlée et le moindre penchant "adulte" était rapidement réprimé. En fait, la description intelligente des relations amoureuses (qui ne se limite pas à la contemplation de rapports sexuels) est une constatation assez récente dans le monde de la BD. Il y avait là un vrai sujet … qui n'est absolument pas abordé par le journal, hélas.
Mais de quoi parlent alors les Cahiers, en matière d'amour ? Eh bien, de la BD érotique ("je vais et je viens"), des homosexuels ("quand les homos se rebiffent"), des "10 techniques pour ne pas montrer la chose" … bref, de ce que l'on pourrait appeler "les marges" du sujet. Ce dossier ne parle en tout cas pas des BD intelligentes ni de l'amour vu par les adultes. Il se consacre surtout aux BD que l'on pourrait qualifier de "coquines", et que l'on a longtemps confondu (à tort) avec la bande dessinée adulte. Il n'est bien sûr pas interdit de parler des œuvres érotiques, sujet très commercial s'il en est, mais c'est une facilité qu'il faudrait quand même avoir le courage de dépasser, surtout si l'on veut réhabiliter la critique de bande dessinée. L'amour, ce n'est pas seulement le sexe, et il y a aujourd'hui beaucoup d'auteurs qui en parlent très bien.
Je considère donc ce dossier comme une belle occasion manquée !
Cette déception mise à part, les Cahiers poursuivent leur route et explorent de multiples sujets, sans trop d'a priori. Je m'en réjouis, bien sûr, et je reste un lecteur fidèle ... tout en souhaitant que le prochain dossier principal soit traité d'une manière plus judicieuse.