Olivier Grenson Niklos Koda et autres séries

On ne parle jamais ici d'Olivier Grenson, un dessinateur belge qui a déjà fait une longue carrière, au style tout-à-fait classique. C'est bien dommage, car son oeuvre est intéressante.  



Grenson a démarré dans la BD il y a une trentaine d'années, et son premier succès a été une série intitulée Carland Cross. C'était une BD semi-policière et semi-fantastique, qui se passe à Londres à une époque "vintage", et elle n'était pas désagréable à lire. Le dessinateur y affirmait déjà bien son style. .



Mais la grande chance d'Olivier Grenson a été de rencontrer Jean Dufaux. Ils ont créé ensemble un un"thriller" à suspense, dominé par des thèmes de magie et d'ésotérisme, qui s'intitule Niklos Koda. Il y a eu 15 tomes, et c'est sans aucun doute sa grande oeuvre.



Grenson aurait pu se contenter se cela, mais il a voulu aussi créer ses propres histoires. Il a ainsi publié plusieurs diptyques comme auteur complet, qui sont remarquables.



C'est en fait un auteur à suivre.  

Mais laissons plutôt Olivier Grenson se présenter lui-même.

A l'adresse qui suit, il est interviewé par Auracan, au sujet de son antépénultième album de Niklos Koda :

http://www.auracan.com/Interviews/221-entretien-avec-olivier-grenson.html

Grenson et Dufaux ont semble t-il décidé de mettre fin à la série Niklos Koda. Le 15ème album sera donc le dernier, et il s'intitule le Dernier Masque.



Ce n'est pas si banal que cela, de mettre fin à une série qui marche !

Par ailleurs, selon cet article d'Auracan, il vaut mieux avoir lu toute la série avant de lire le tome 15, sous peine de ne pas tout comprendre. Il y a plusieurs réapparitions de personnages dans cet épisode final.

http://www.auracan.com/albums/2703-niklos-koda-t15-le-dernier-masque-par-jean-dufaux-olivier-grenson.html

Les explications de Jean Dufaux à propos de la fin de Niklos Koda :

http://www.lessentiel.lu/fr/lifestyle/dossier/bandedessinee/story/30882598

Il y a par contre une bonne nouvelle : il va reprendre le scénario de Giacomo C.

Filippini présente le dernier Niklos Koda dans sa rubrique "BD de la semaine" :

http://bdzoom.com/115375/bd-de-la-semaine/%c2%ab-niklos-koda-t15-le-dernier-masque-%c2%bb-par-olivier-grenson-et-jean-dufaux/

Cette série est un régal visuel. Très belle série !

Oui ! Et les scénarios de Jean Dufaux sont à la hauteur.

Grenson et Dufaux s'expliquent sur leur collaboration, et sur Niklos Koda :

http://www.actuabd.com/Jean-Dufaux-et-Olivier-Grenson-portrait-croise-sans-masques

Recherches préparatoires pour la série.

Depuis la fin de "Niklos Koda", Olivier Grenson se consacre plutôt à des one-shots !

Sa dernière s'intitule La Fée assassine et elle est scénarisée par sa compagne Sylvie Roge.



Le dessin est un peu velouté et les couleurs sont discrètes.



Gilles Ratier a bien apprécié :

« La Fée assassine » : un récit poignant et très réussi, réalisé par le couple Grenson ! | BDZoom.com

Olivier Grenson et sa compagne sont interviewés à propos de leur dernier album !



On peut le lire sur Auracan :

Actualité Bande Dessinée : Entretien avec Sylvie Roge et Olivier Grenson (auracan.com)

Je ne savais pas trop que choisir hier en librairie, et j'ai finalement acheté la Fée assassine d'Olivier Grenson et Sylvie Roge. 



Et mon impression est un peu mitigée. C'est en tout cas une BD qui se lit facilement et qui n'est pas ennuyeuse. Le scénario de Sylvie Roge est bien mené et plein de délicatesse, et l'intrigue est sans aucun doute le point fort de cet album. Elle raconte un drame réaliste, qui se situe un peu à mi-chemin entre le polar et la chronique familiale, et il existe une longue attente (on peut aussi dire suspense) avant que le lecteur finisse par comprendre la crise finale. Les personnages principaux sont par ailleurs deux jumelles assez attendrissantes, qui vivent une relation très forte et qui sont le nœud de cette tragédie.



Comme dans toute bonne histoire, il y a un vrai méchant, ou plutôt une terrible méchante ! Les jumelles ont en effet une mère qui est une sorte de monstre ordinaire, une femme "psychotisante" (si j'ose dire) qui ne fait rien de légalement répréhensible mais qui fait vivre à ses filles un enfer psychologique. Les événements qu'elle a vécu pourraient expliquer pourquoi elle est devenue monstrueuse, mais on n'arrive quand même pas à lui pardonner.



Des enfants maltraitées ... on n'est en fait pas très loin du mélodrame, et Olivier Grenson exploite le filon sans retenue. Les cases silencieuses et les visages tristes se succèdent avec beaucoup de constance, et le dessinateur ne ménage pas les effets. 



Je suis en fait assez réservé au sujet de son dessin, qui est toujours joli mais que je trouve également un peu mou. Il aurait fallu, je trouve, un style un peu plus personnel pour que cette histoire soit bien mise en valeur. Grenson se contente d'un réalisme assez plat et l'album manque ainsi de caractère. C'est une bonne histoire qui se lit bien, mais j'ai l'impression que l'on aurait pu l'illustrer bien différemment, d'une façon plus féroce ou plus pudique, peu importe, mais avec en tout cas un peu "plus de style".



Ceci dit, je reconnais que cette opinion très personnelle n'engage que moi. Il est probable que d'autres lecteurs n'apprécieraient pas un style plus "indépendant", susceptible d'apporter davantage de caractère à ce récit bien construit. A chacun ses goûts !

C'est une bonne lecture, donc, mais ce n'est certainement pas un des "top ten" de l'année. Je comparerai volontiers cette BD à un téléfilm ordinaire, que l'on apprécie et qui est bien agréable à voir, mais qui est très éloignée d'une œuvre d'art.

Mais peut-être suis-je trop exigeant ?  

Olivier Grenson et sa compagne Sylvie Roge ont été interviewés par ActuaBD au sujet de la Fée assassine, un album qui est paru l'automne dernier et dont je parle ci-dessus.



Ils révèlent presque tout au sujet de leur collaboration.

https://www.actuabd.com/Sylvie-Roge-et-Olivier-Grenson-1-2-La-Fee-assassine-Si-les-mots-installent

Olivier Grenson a publié récemment un autre album qui s''intitule le Nageur solitaire.



C'est en fait un agenda pour lequel le dessinateur a créé quotidiennement quelques images. L'ensemble des 365 pages devient une forme de chronique assez originale de l'année écoulée.



ActuaBD interviewe opportunément Olivier Grenson au sujet de ce deuxième livre :

https://www.actuabd.com/Grenson-2-2-Avec-le-nageur-solitaire-j-avais-envie-de-transmettre-une-evasion

Une exposition est consacrée à Olivier Grenson dans l'Atelier Antithèse à Montrouge. Elle est consacrée à ses deux derniers livres.



Elle aura lieu du 16 juin au 5 juillet. ActuaBD donne plus d'info à cette page :

Exposition et lithographie pour Olivier Grenson à l’Atelier Anthèse (...) - ActuaBD

Le partage des mondes est un roman graphique d'Olivier Grenson.



L'intrigue commence durant le Blitz. L'aviation allemande bombarde sans relâche Londres. Des enfants qui avaient été évacués loin de la capitale et de ses dangers reviennent passer quelques jours auprès de leur famille. Et Mary, une petite fille, se perd dans la foule à la sortie de la gare, juste au moment où les sirènes hurlent pour signaler l'approche des bombardiers de la Luftwaffe. Issac, un vieil homme, anéanti par la disparition de son épouse sous les bombes, croise la route de Mary. Il l'emmène avec lui dans les abris du métro pour la protéger. Pendant quelques jours, Isaac et Mary vont vivre ensemble, entre les alertes et un semblant de vie normale. Et pour soutenir le moral de sa protégée, le vieillard va imaginer un contre merveilleux. L'enfant l'écoute avec de plus en plus d'attention et participe à la narration, l'accompagnant avec des dessins. Et puis, un jour, nos deux héros croisent le chemin de la maman de Mary…

L'auteur essaie de démontrer que l'espoir et un certain bonheur peuvent naître au milieu des circonstances les plus noires. Et il construit donc un contraste émouvant entre la réalité et le merveilleux. Non pas d'ailleurs que le merveilleux soit si rose que cela. Rebecca l'héroïne du conte doit affronter des épreuves et met en jeu sa vie pour sauver un arbre géant dont elle est persuadée que la survie conditionne celle du monde où elle vie.
Cela étant, Olivier Grenson part dans des chemins étonnants. Clairement, l'histoire imaginée par Isaac et Mary se veut écologique. Elle traite des écosystèmes et de l'interdépendance des espèces. Et l'auteur bâtit un parallèle ébouriffant entre ses deux fils, en nous laissant entendre que la relation entre les deux héros relève d'un micro-écosystème où chaque personnage dépend de l'autre pour survivre. Isaac sauve Mary des bombardements et la joie de vivre de la petite fille détourne le vieil homme de se suicider.
Mis à part ce point, le ton de la BD est fort juste, empreint de tendresse et d'empathie. N'oublions pas non plus le côté doublement pédagogique : sur le Blitz et sur l'écologie.




Le graphisme est à l'unisson de la narration. Si l'horreur des attaques aériennes est représentée sans concession, le style affiche une certaine retenue. Sur un autre plan, la colorisation se veut signifiante : des teintes douces pour 1940 et plus vives dans le conte. Mary, alpha et oméga de la vie dans le roman graphique, apparait aussi très colorée, avec un joli béret rouge qui regarde du côté de Gibrat !  Une belle maitrise du pastel ! Et les visages sages s'illuminent par éclipses, conférent une belle vie aux vignettes.

Cet hymne à la résilience mérite le détour. Et puis, la conclusion, émouvante, sonne parfaitement juste. Le graphisme plutôt doux, à l'opposé de la situation vécue par les personnages, ne m'a pas gênée. Et donc, je note la BD entre EEE et EEEE. Le petit défaut mentionné plus haut me semble rédhibitoire pour l'obtention de la note maximale. Je suis d'ailleurs très curieuse de connaitre l'avis des autres membres du forum si certains se lancent dans la lecture   .

Quoiqu'il en soit, on peut saluer la coïncidence de la parution simultanée de La Route de Larcenet et du Partage des Mondes de Grenson. Pour le premier auteur, il n'y a plus d'espoir, alors que pour le second, l'espoir renaît des cendres   .

En tout cas, Gilles Ratier a beaucoup apprécié : https://www.bdzoom.com/194243/actualites/faire-face-a-l%E2%80%99adversite-grace-au-%C2%AB%E2%80%89partage-des-mondes%E2%80%89%C2%BB-d%E2%80%99olivier-grenson%E2%80%89/

Eléanore

Merci pour cette intéressante critique !

Pour ma part, j'ai été échaudé par la Fée assassine (voir message N° 12 de ce sujet) et je vais rester prudent. Ceci dit, cette histoire d'amitié qui nait au milieu du Blitz londonien peut très bien convenir au style très lisse de Grenson.

Je vais au moins essayer de le trouver à la bibliothèque.

J'ai tout de même lu le Partage des Mondes et ... je n'aurais par dû !  

J'avais lu l'interview du dBD qui était plutôt flatteur pour cet album et comme eleanore en disait du bien ... j'ai finalement acheté.  

Grenson explique dans l'interview que son album ne comportait au départ que l'histoire féérique, racontée par le grand-père à la petite fille, Ce n'est que plus tard qu'il a étoffé son récit en plaçant ses personnages dans le monde du Blitz londonien. La partie la plus intéressante de cette BD n'est donc qu'un décor grisâtre qui cherche à mettre en valeur les contes colorés et imaginaires du grand-père.

L'ennui, c'est que ce conte qui se passe dans un univers imaginaire est d'une mièvrerie qui devient à la longue insupportable. En fait, cette histoire féérique m'a parue décousue et très artificielle et j'ai de la peine à croire qu'un enfant puisse être intéressé par un tel récit. L'histoire du grand-père n'a aucune accroche avec le monde réel et il en résulte une sorte de vacuité insupportable. Cette histoire fictive n'est certes pas bien méchante mais elle m'a vraiment ennuyé. Et comme elle dure longtemps ...  

il reste le joli contraste voulu par l'auteur, qui confronte le conte de fée et la vie des personnages dans le monde en guerre. L'idée parait séduisante mais son développement est bien laborieux, En fait, Grenson n'est pas un bon conteur lorsqu'il s'éloigne du monde réel.

Ce sera donc un EE, pour ne pas être excessivement méchant.

Bonjour Raymond

Je vous remercie pour votre confiance et votre lecture et suis désolée de vous avoir fait dépenser de l'argent pour être au final désappointé .
Gilles Ratier et dBD partagent mon avis sur la qualité du livre ce qui fait que je me sens moins seule  

Après, je souhaite vous proposer quelques angles de lecture que vous n'avez peut être pas perçus en première approche.
Le conte est-il mièvre ? Je ne le pense pas. En effet, Rebecca met sa vie en jeu pour convaincre son peuple de ne pas couper l'arbre géant. Et lorsqu'il semble qu'elle a échoué, son père, en digne émule d'Abraham, s’apprête à la sacrifier.
Le conte est-il artificiel ? Clairement, la notion d'écosystème avec interdépendance des espèces revêt une grande modernité et affiche une solidité scientifique à toute épreuve. Par contre, et je vous rejoins, ce mélange de science et de merveilleux navigue à 1000 lieues de Perrault et d'Andersen qui se gardent bien d'utiliser des ressorts autres que littéraires.
Le contre n'a t'il aucune accroche avec le monde réel ? Je l'ai écrit plus haut mais me suis sans doute mal exprimée. En fait, le conte et le Blitz fonctionnent de manière similaire. L'arbre géant a besoin des oiseaux pour dispenser la vie. Et ceux-ci s'abritent sous ses branches. Et de la même façon, Isaac a besoin de Mary pour trouver une raison de vivre et quitter son oppressant veuvage. Et Mary a besoin d'Isaac pour être protégée des bombardements nazis. Seule la retrouvaille de Mary avec ses parents relèvent d'une coïncidence forcée et artificielle. Après, nous sommes dans un conte où la réalité et l'imaginaire sont imbriqués par Grenson, et qui dit conte dit que les faits les plus invraisemblables font partie de l'ordinaire.
Le conte est-il trop long. J'aurais plutôt tendance à globaliser le sujet aux romans graphiques où les auteurs visent fréquemment les 300 pages ce qui finit par lasser. Je garde en triste la magnifique Bibliomule de Cordoue de Lupano et Chemineau qui a bien 100 pages de trop.

Eléanore

Merci de préciser certains détails sur lesquels je ne me suis pas attardé !

Il faut bien dire que lorsqu'un livre m'ennuie, je ne prolonge pas le déplaisir et je lis donc vite. C'est ainsi que je n'ai pas cherché à donner du sens au conte de fée qui est raconté dans le Partage des Mondes. Et de fait, je ne le regrette même pas.

Sinon, il n'y a pas de doute que ce livre a des aspects séduisants, d'où ma note assez moyenne. Cependant, je vais quand même me méfier désormais des louanges au sujet d'Olivier Grenson, surtout quand il n'a pas de scénariste.

En y repensant, l'idée d'écrire un conte érudit durant la Seconde Guerre Mondiale n'est pas nouvelle. C'est exactement ce qu'a fait Tolkien avec Le Seigneur des Anneaux, écrit entre 1937 et 1949 !

Eléanore