Dupuy et Berberian, ensembles ou séparément

Je n'ai pas trouvé de sujet qui leur soit consacré, et il est temps d'en ouvrir un !  

Comme bien d'autres auteurs apparentés à l'Association, Dupuy et Berberian sont devenus en quelques années de vrais "classiques", grâce à la sortie quelques BD marquantes. Situés un peu à mi-chemin entre le grand public (voir leur production dans Fluide Glacial et surtout leur belle série intitulée Monsieur Jean) et la BD d'auteur, ils ont su zigzaguer avec habileté entre ces deux obligations contradictoires.

Leur oeuvre la plus marquante est sans aucun doute le Journal d'un album, une oeuvre autobiographique dans laquelle ils racontent la gestation difficile du tome 3 de "Monsieur Jean". C'est un magnifique document qui présente le monde des dessinateurs indépendants pendant les années 1990, et ce qui ne gâche rien, c'est aussi une BD passionnante à lire.



Cette oeuvre doit bien sûr être lue en parallèle avec le T3 de Monsieur Jean.



Par la suite, ayant atteint le grand succès pendant les années 2000, Dupuy et Berberian se sont progressivement séparés, malheureusement. Leur production individuelle n'a plus le même retentissement, mais ils restent l'un et l'autres des "bédéastes" intelligents et des auteurs à suivre.

Un petit portrait des deux auteurs. D'abord Philippe Dupuy :



Et puis Charles Berberian :



Et voici comment ils se dessinent l'un et l'autre dans le "Journal d'un album" !

Pour ce qui concerne l'actualité de l'automne 2016, la nouvelle oeuvre de Philippe Dupuy, qui s'intitule "Une histoire de l'art", a été très remarquée.



C'est un curieux "livre accordéon", qui se déroule dans le sens vertical, et cette construction surprenante provient tout simplement de la préalable mise en ligne de ces images sur Internet (sur Télérama si je ne me trompe). C'est en fait une sorte de blog que Philippe Dupuy a dessiné pendant quelques mois, avant de se décider à en publier une version imprimée.



Le titre de l'ouvrage est trompeur, car ce n'est pas une véritable "Histoire de l'art" que Philippe Dupuy nous raconte. C'est plutôt l'histoire de sa propre découverte de l'art contemporain  pendant ses années universitaires, lors de discussions (voir même d'affrontements) avec certains de ses professeurs. Et c'est ainsi qu'entre discussions théoriques et explorations de certains aspects particuliers de l'art (Joel Peter Witkin, les limites et interdits, les artistes bricoleurs, l'art abstrait), l'auteur s'interroge sur l'identité de l'art dans son sens large et nous emmène dans un voyage éblouissant d'érudition et d'intelligence.

Oeuvre hors norme, qui se situe d'ailleurs aux limites de la BD, cette "histoire de l'art" est un livre rafraîchissant qui nous fait mieux comprendre l'art moderne.  

C'est un Charles Berberian en solo que l'on peut retrouver dans le n° 14 de "La revue dessinée" qui vient de paraître.

Il nous y compte en images la genèse et le cheminement de la maison de disques "Saravah".

La Revue dessinée n'est malheureusement pas très bien distribuée en Suisse, mais je l'ai fait commander par mon libraire. On aura donc l'occasion de reparler de ces pages en solo de Charles Berberian.

La dernière œuvre de Charles Berberian met en lumière les nouvelles générations et leurs émois existentiels...

https://www.hubertybreyne.com/fr/expositions/charles-berberian-before-and-afterz
Les beaux cahiers de Charles Berberian vont passer aux ciseaux pour être dispersés à la vente chez Huberty Breyne Paris.

Exposition du 13 octobre au 10 novembre 2017

Dupuy et Berberian vont-ils un jour se remettre ensemble (par exemple pour dessiner une nouvelle aventure de Monsieur Jean) ?

Ce serait une bonne idée de leur part.

J'ai eu récemment l'occasion de lire le dernier album de Charles Berberian, intitulé Afterz.



C'est en fait un recueil de strips verticaux, ou parfois de grands dessins d'ambiance, qui ont été publiés dans Fluide Glacial ces deux dernières années. Ils mettent en scène les nuits, les rencontres et parfois les aventures sentimentales de deux jeunes femmes dans le monde parisien actuel.



Mais que signifie le titre : "Afterz" ? Tout simplement le "moment d'après", que ce soit après la rencontre, après l'amour ou tout simplement après la nuit. Comme le dit une des héroïnes, au début de l'album : "Rentrer chez moi à l'aube, quand tout le monde dort, je crois que c'est ce que je préfère. J'évite de trop boire pour mieux profiter de ce moment".

Tiens, cela me fait penser à une vieille chanson de Julien Clerc.  

Mais que dire de l'album ? Que c'est un peu poétique, peut-être ...  un peu humoristique, de temps en temps ...  et un peu léger, certainement ! J'espérais en fait un peu plus !

Comme je l'ai dit plus haut : Dupuy et Berberian feraient mieux de se remettre ensemble.

Treblig a écrit:La dernière œuvre de Charles Berberian met en lumière les nouvelles générations et leurs émois existentiels...

Ecoutons Charles Berberian nous parler de cet album...

http://sequencebd.fr/afterz-charles-berberian/

Dupuy & Berberian / Prima Linea / Dessin original.

"Vernissage".

Berberian / Monsieur Jean / Tome 4 / "Vivons heureux sans en avoir l'air" / 1998.

Illustration réalisée pour un article intitulé "L'enfer des milliardaires", paru dans l'édition française du magazine "Cosmopolitan" (n° 233 du 01/04/1993).

Dédicace.

Charles Berberian  / Dédicace.

Monsieur Jean / Dédicace réalisé pour l'album "Un certain équilibre".

Le nouvel album de Philippe Dupuy, intitulé Left, évoque les problèmes de santé qui l'ont accablé ces dernières années.





Le titre fait bien sûr référence à sa main gauche, avec laquelle il y réalisé les dessins de ce livre. Il souffre en effet de douleurs persistantes de la main droite, comme bien d'autres dessinateurs avant lui.

Plus de détails dans cet article d'ActuaBD :

http://www.actuabd.com/LEFT-de-Philippe-Dupuy-L-Association-la-douleur-comme-ressource-creatrice

Dupuy et Berberian sont séparés depuis des années, mais ils continuent à faire des choses intéressantes.

Et Charles Berberian vient de publier Quand viens-tu me voir ? chez l'Association.



C'est un ouvrage autobiographique raconte ses relations parfois pénibles avec ses parents.

ActuaBD chronique ce livre avec bienveillance :

https://www.actuabd.com/Quand-tu-viens-me-voir-L-Association-Charles-Berberian-intime-mais-pudique

Nathanaëlle est une BD de science-fiction, scénarisée par Charles Berberian et dessinée par Fred Beltram.



Dans un lointain futur, l'humanité est coupée en deux. Les classes sociales les plus aisées vivent à la surface de la planète cependant que les êtres plus pauvres vivent reclus en sous-sol, persuadés qu'une guerre a rendu le monde inhabitable. Les élites ne connaissent plus la mort et revivent dans d'autres corps pour les citoyens les plus riches, ou dans des robots pour ceux plus modestes. Nathanaëlle vit dans un abri souterrain et va découvrir la réalité. Le livre conte sa révolte contre une société à deux vitesses et les combats qu'il en suit.

Pour notre plus grand plaisir, Berberian déploie toute son intelligence dans un scénario brillant, quelque peu insensé. Le choix du titre n'est pas anodin car Nathan est le prophète ayant reproché au roi David de convoiter Bethsabée, l'épouse d'un de ses généraux. Et aussi car Nathanaël est le prénom d'un des disciple du Christ, réputé pour sa probité. La révolte de l'héroïne et ses choix politiques reflètent donc la personnalité de ces anthroponymes.
L'humour est présent dans l'intrigue notamment grâce au compagnon de la jeune femme, un robot-machine-à-café qui héberge l'esprit d'un citoyen décédé !
La société quelque peu totalitaire fait penser à La foire aux immortels de Bilal. Les maquillages, les habits-combinaisons, la violence policière présentent des ressemblances certaines.
La construction est complexe avec plusieurs lignes de narration, certaines dans le passé, d'autres dans le présent, qui, soyez rassuré(e)s, finissent par converger et sont toutes cohérentes. Les coups de théâtres émaillent le scénario, rendant l'intrigue plus vivante, plus efficace.
La fin ouvre la possibilité d'un autre opus. Espérons que le succès sera au rendez-vous et que nous pourrons retrouver les personnages dans de nouvelles aventures. La révolution est en marche et le pouvoir en place est encore à renverser.



Je n'ai apprécié le côté insensé de l'intrigue, la folie sous-jacente à tous les personnages. Et la filiation de Nathanëlle avec un savant, l'Edison local, apparait artificielle.

Fred Beltram dessine un univers rétro-futuriste, crédible et esthétiquement beau. Son métier d'infographiste transparait. L'ouvrage a été clairement conçu sur un ordinateur. Aussi, les formes et la ligne peuvent apparaitre froids voire glaciaux ou au contraire futuristes et avant-gardistes. Cela dépend de la sensibilité de chacun. Le découpage des vignettes est éloigné du gaufrier, ce qui renforce la dynamique de l'ouvrage. Notons enfin l'ominiprésence de la couleur grise, dans le ciel, dans la couleur des bâtiments mais aussi dans les vies...



Nathanaëlle a fait la une du magazine dBD de septembre 2019, et cet honneur me semble amplement mérité. En effet, la BD est riche et exigeante. Du coup, il n'est pas certain qu'elle plaise à tous les publics. A essayer peut-être donc ?

Bonne soirée
Eléanore

Bonjour Draculea

Je ne connais pas toutes les oeuvres de Dupuy et Berberian. Je confie apprécier la série Monsieur Jean. Elle décrit avec un regard perçant parfois ironique mais toujours tendre et léger, la vie d'un jeun homme nommé Jean. Le tome 4 a obtenu le Fauve d'Or du meilleur album français en 1999.

J'affectionne particulièrement le 3ème opus de la collection : Les femmes et les enfants d'abord. Avec un certain humour, il décrit les hésitations et les affres de M.Jean face à la paternité. La BD traite aussi d'autres questions comme l'amour et la vieillesse ou encore l'influence de l'enfant sur le couple. Avec l'émergence de la génération Y, la réflexion commence maintenant à dater mais cela reste très intéressant. La tonalité humoristique permet d'aborder des questions de fond, un peu comme le fait Emile Bravo dans son actuel série sur Spirou et la Seconde Guerre mondiale. Signalons qu'il est tout à fait possible de lire cet opus sans avoir lu ceux qui le précèdent.

Cerise sur le gâteau, mentionnée plus haut par Raymond, Dupuy et Berberian ont écrit une métaBD, journal d'un album, qui raconte la vie des auteurs durant la création de Les femmes et les enfants d'abord.

Bonne journée
Eléanore

Cela me fait bizarre de voir que Charles Berberian, un compagnon de route de l'Association, a écrit un scénario assez "standard" pour une BD de science-fiction.



Mais si ce scénario est "brillant et un peu insensé", il faudrait peut-être que je m'y intéresse !  

Gilles Ratier en dit en tout cas du bien sur BDZoom :

http://bdzoom.com/147966/actualites/«-nathanaelle-»-variation-dejantee-sur-le-theme-de-l’homme-du-futur-devenu-immortel…/

Philippe Dupuy, de son côté, continue à suivre une voie assez éloignée du grand public et se montre assez fidèle aux exigences de l'ancien binôme.

Son dernier album continue à explorer une sorte d'histoire de la peinture moderne, proche des intérêts du dessinateur. Cela peut être intéressant.



ActuaBD en dit du bien :

Peindre ou ne pas peindre - Le voyage esthétique au trait libre de (...) - ActuaBD