Il est donc ici question d’une mutation génétique, due à la pollution d’un affluent du Nil – d’où la couleur jade de ce fleuve. Encore heureux que Martin ait décliné son message écolo dans une interview, parce que je n’avais franchement pas capté ayant lu - probablement avec une certaine distraction - cet album passablement farfelu selon mes critères.
Pour moi, c’était juste une irruption de l’univers d’Edgar Rice Burroughs dans celui d’Alix (je ne sais plus si c’était TARZAN DANS LE CENTRE DE LA TERRE ou dans une épisode du cycle de PELLUCIDAR). Ou alors ce film d’horreur SF américain, en N&B et des ’50, où suite à je ne sais plus contamination les hommes se transformaient en crocodiles. J’ai oublié le titre.
Peut-être aussi Martin songeait-il tout simplement à Sobek, le dieu-crocodile égyptien (*). Tout comme il a dû songer aux Satyres et Centaures d’Arcadie pour imaginer les hommes-lions dans le cycle d’« Orion ». Quoique ici il ne s’agissait plus d’une modification génétique mais d’une impossible hybridation entre un félin et une femme, excusez du peu ! En plus, ces hybrides se reproduisaient (est-ce que les mules, croisement du cheval et de l’âne, se reproduisent ? Bien sûr que non !).
Bref, comme je l’ai déjà dit ailleurs - et je ne suis pas le seul à l’avoir dit - l’Antiquité martinienne est une Antiquité rêvée, mélange d’histoire et de mythologie, de clichés et de
realia, à mi-chemin entre les peintres pompiers du XIXe et l’archéologie moderne du XXe s.
Des histoires que Martin aimait épicer de références au paranormal, au fantastique.
A mes yeux, c’est juste une stratégie scénaristique, du reste pas tellement en décalage avec les valeurs de nos Grands Anciens greco-romains.
J’utilise à dessein la lovecraftienne expression « Grands Anciens », car je me suis souvent demandé si, par hasard, Jacques Martin n’aurait pas été – quelque part – un lecteur du MATIN DES MAGICIENS de Louis Pauwels et Jacques Bergier. Superbe compilation de théories pseudo-scientifiques et de science fiction imprégnée de théosophie qui, dans les années ’60, a abouti à la fameuse revue PLANÈTE – cette bouillie pour cadres moyens et supérieurs incultes (j’en ai connus).
Mais vraie bénédiction aussi pour les romanciers et les scénaristes SF.

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(*) A décharge, je ne vois aucun rapport entre Sobek et la pollution, mais soit...