Raymond a écrit:Je n'avais pas pensé à cela, mais c'est une considération qui pourrait encore plus accabler Alix. Dans le duel qui oppose Antoine et Octave, il ne faut pas seulement voir l'Egypte contre Rome, mais aussi le monarque (Antoine) contre le républicain.
Considéré de cette manière, le fait de se trouver aux côtés d'Antoine devient de moins en moins pardonnable.
Ben oui, ce n'est pas seulement une guerre entre Occident et Orient, c'est avant tout la guerre civile entre Romains qui continue...
Comme je l'ai précisé plus haut dans un
PS, les mots, il y a 2.000 ans, n'avaient pas le même sens qu'aujourd'hui. Qui était le plus "monarque" des deux ? Le tonitruant Antoine, descendant d'Hercule (les
Antonii tiraient leur origine du fils de Jupiter), qui opportunément jouait la carte hellénistique [brillantes civilisations, ruinées par Rome], ou Octave, ce serré-du-cul, qui se fit octroyer par le sénat le titre d'"Auguste" et accapara de fait tous les pouvoirs impériaux en se cachant derrière un républicanisme de façade ?
J'avoue qu'à la place d'Alix j'aurais aussi hésité entre ce pleutre - bon lutteur mais mauvais escrimeur - qui se fit porter pâle à Philippes tandis que ce bretteur, ce ruffian d'Antoine faisait tout le boulot... (de même à Actium, qu'Agrippa remporta pour lui).
Bref entre la république des nantis et la monarchie démocratico-démagogique (fallait bien s'appuyer sur quelque chose)... mon coeur balance.
Dans l'Antiquité où le sens du bien public prime sur les individus, la lutte des classes était impensable. Chacun s'estimait à sa place dans l'ordre des choses. Le pauvre n'enviait pas le riche, mais s'estimait heureux d'être le client d'un bon patron. C'était maffieux, mais c'était comme ça. En cas de procès, le patron offrait un avocat à son client; en retour le client suivait et soutenait le patron, selon ses moyens (
"Est-ce que je peux faire quelque chose pour vous ?", me susurre Marlon Brando non pas dans
Jules César, mais dans
Il était une fois l'Amérique).
Héritier de l'"homme nouveau" Marius, l'aristocrate populiste César a surtout suivi
son destin, contre vents et marées. Le Grand Soir peut encore attendre...
La loyauté au clan qu'on a choisi et à celui qui le dirige est la vertu cardinale du Romain antique. C'est là que nous saurons si Alix est un Romain historique ou seulement un héros de papier (pour paraphraser Mao). Tout le monde n'est pas une girouette comme le pauvre Cicéron brillant littérateur (grâces lui soient rendues), mais qui changeait opportunément de camp au gré de ses intérêts. Il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis me direz-vous... Bien sûr, bien sûr... Vous savez comment il a fini? Antoine, ou plutôt sa femme, Fulvia (sacrée drôlesse, celle-là), lui a envoyé deux officiers l'égorger. Elle fit exposer sa tête et ses mains coupées sur le Forum, la langue percée d'un poinçon, cette langue qui l'avait traînée dans la boue... Une belle mort, en somme, à côté de ceux qui furent dépecés vif comme le furent les harkis en Algérie (relisez Appien). Vous imaginez Jacques Martin dessinant ça dans un album ? Mais ce qui me plaît chez Valérie Mangin, c'est qu'elle annonce une vision moins baba cool d'Alix... l'avenir nous dira quoi (il reste la charte Martin comme garde-fou).