Nombre de messages : 115 Age : 51 Localisation : MEURTHE ET MOSELLE Date d'inscription : 10/08/2012
Pour ma part, j'ai beaucoup aimé son adaptation d' Ibicusd'Alexis Tolstoï.
Je possède le volume sous forme d'intégrale.
En jetant un oeil sur l'ensemble de ses BD, j'ai l'impression que c'est quelqu'un qui a un dessin mouvant et évolutif d'un album à l'autre, je veux dire par là qu'il n'est pas enfermé dans un style particulier et c'est ce qui fait son originalité.
Nombre de messages : 36711 Age : 69 Localisation : Lausanne Date d'inscription : 03/03/2009
Fenêtres sur rue vient d'arriver en librairie ! C'est probablement la parution la plus importante de ce week-end.
C'est en fait une suite de tableaux muets, qui montrent toujours le même lieu, tout en progressant au fil du temps. Ces images paraissent enregistrées par une caméra fixe, et elles montrent la façade d'une rue où se trouvent une dizaine d'appartements. On découvre ainsi les activités de ses occupants.
Le jour et la nuit se succèdent, et les personnages changent de place. Ils font certaines choses et la place de chacun évolue au fil des jours et des nuits. On découvre une suite d'actions, et on voit s'ébaucher des liens, quelques relations amoureuses ... et même des crimes !
Un récit nait de cette suite d'images, et il appartient au lecteur d'en reconstituer la logique. En fait, le lecteur se retrouve dans la position de James Stewart, le personnage principal de "Fenêtre sur Cour" (le fameux film d'Alfred Hitchcock). Sera t-il aussi intelligent que lui, et découvrira t-il qui sont les meurtriers ?
Jacques Tati et Alfred Hitchcock apparaissent en personne dans cet ouvrage hors norme qui rend hommage au monde du cinéma. La structure du livre est également inhabituelle, car les pages sont reliées entre elles et l'album peut se déplier comme un accordéon.
Le "défrichage" de ces images pourrait paraître au début fastidieux, mais on se prend vite au jeu de la reconstitution du récit. On découvre ainsi plusieurs petites histoires banales, amusantes ou dramatiques, mais on garde longtemps l'impression que tout n'a pas été compris. Ceci incite alors le lecteur à revoir un peu plus ces images, afin de bien en comprendre tout les détails.
C'est presque un livre hypnotique !
Depuis, je comprends un peu mieux James Stewart (ou plutôt son personnage).
Nombre de messages : 36711 Age : 69 Localisation : Lausanne Date d'inscription : 03/03/2009
Parmi les nouveautés de la rentrée 2015, il y a l'album que Pascal Rabaté a conçu en duo avec David Prudhomme. Cela s'appelle Vive la marée et c'est publié chez Futuropolis.
C'est un curieux livre dans lequel Rabaté et Prudhomme se relaient pour assumer tour à tour le dessin ou le scénario, et il est bien difficile d'y discerner qui a fait quoi. Cela raconte ... ou plutôt cela montre le départ en vacances de plusieurs dizaines de français, de même que leurs premiers moments au bord de la mer. Il n'y a pas de personnage principal, ni de trame scénaristique véritable dans cette BD qui essaie d'être "polyphonique", c'est à dire de montrer le maximum de personnages et de situations différentes, en variant les ambiances et les points de vue. Cela donne une suite de scénettes, et parfois de gags, qui ont pour thème commun les vacances d'été, avec la transhumance des automobiles, puis la vie un peu oiseuse au bord de la plage, avec sa lenteur, sa foule, ses charmes, et parfois sa vacuité.
Cela se lit sans déplaisir, mais sans passion non plus. On sourit parfois devant l'ironie de certaines situations et la justesse du regard, et quelques uns apprécieront peut être les effets de style de quelques images. En fait, ce livre m'a beaucoup fait penser à Dimanche d'août, un vieux film italien de Luciano Emmer qui multipliait les petites intrigues plus ou moins sérieuses, afin de raconter avec réalisme la vie des foules au bord de la mer. Le film avait toutefois un peu plus d'humour et de rythme que Vive la marée, que je me suis un peu forcé à lire jusqu'au bout. L'ambiance décrite dans la BD résonne très juste, mais il y manque une petite histoire, ou un personnage central, qui puisse un peu mieux capter l'intérêt du lecteur.
Globalement, c'est un assez bon album, mais c'est loin d'être un chef d'oeuvre. C'est en fait une BD d'auteur qui nous entraîne dans ses propres fantaisies, avec plus ou moins de bonheur.
Rabaté a déjà fait mieux tout seul, et David Prudhomme aussi.
Nombre de messages : 36711 Age : 69 Localisation : Lausanne Date d'inscription : 03/03/2009
Dans son dernier album, intitulé Alexandrin ou l'art de faire des vers à pied, Pascal Rabaté n'est que scénariste et le dessinateur se nomme Alain Kokor.
Je ne l'ai pas encore lu ce livre, mais comme Rabaté est un auteur qui compte ...
Nombre de messages : 36711 Age : 69 Localisation : Lausanne Date d'inscription : 03/03/2009
Or donc, Alexandrin ou l'art de faire des Vers à pied est une BD parle de la poésie, ou plutôt qui raconte la vie d'un poète assez bohème. C'est en fait presque un clochard. Son vrai nom est inconnu et lui-même propose qu'on l'appelle tout simplement "Alexandrin".
Mais qu'est-ce donc que la poésie pour ce brave Alexandrin ? Il y a les rimes bien sûr, le rythme probablement, et la beauté du langage, mais aussi et surtout une certaine disposition d'esprit qui lui impose d'être perpétuellement en mouvement, et de glisser sur la surface des choses ... et en passant de mépriser les plus élémentaires contingences matérielles.
Comme Rimbaud, effectivement, Alexandrin refuse les contraintes du sens commun et s'adonne au jeu : il s'amuse en effet avec la vie, avec les mots ou avec les gens. C'est ainsi qu'il recueille quasiment une jeune garçon en fuite, qui ne sait pas encore très bien ce qu'il cherche. Mais le poète, lui, semble ne rien chercher d'autre que les rimes, la beauté, et une certaine forme de bonheur.
On devine que cela se terminera mal, mais le poète refuse de se fixer quelque part. Il continue à bavarder et à roder sans la moindre fatigue, en éduquant à sa manière le petit Kevin ... qui s'en ira juste à temps.
J'éviterai de décrire la fin de cette histoire, car ce livre exige au fond que l'on reste souriant, mais sachez simplement que par dessus toutes les vicissitudes, Alexandrin réussit à écrire un magnifique et dernier poème.
Nombre de messages : 36711 Age : 69 Localisation : Lausanne Date d'inscription : 03/03/2009
Le nouvel album de Pascal Rabaté, intitulé "Didier la cinquième roue du tracteur", est dessiné par François Ravard. Rabaté aime décidément les collaborations.
En cette saison pléthorique, je ne m'y suis pas encore intéressé.
J'ai finalement lu cet album assez léger, qui décrit de façon assez juste l'unviers des amours adolescents. Ce n'est pas un chef d'oeuvre, mais ce n'est pas non plus un livre indigne de la carrière de Rabaté.
Nombre de messages : 36711 Age : 69 Localisation : Lausanne Date d'inscription : 03/03/2009
Les nouveaux albums de Pascal Rabaté sont toujours dignes d'intérêt, même si les nouveautés paraissent actuellement en masse.
C'est ainsi que sort un roman graphique intitulé Sous les galets, la plage, qui raconte de façon amusée les expériences de trois étudiants pendant l'été 1962, dans une France encore dominée par une morale bourgeoise.
Le graphisme est assez classique mais l'auteur joue semble t-il beaucoup avec les ombres et les couleurs pour créer une ambiance.
Patrice Gentilhomme en dit beaucoup de bien sur ActuaBD :
Nombre de messages : 2061 Localisation : Avec ceux que j'aime Date d'inscription : 20/06/2011
Bonsoir
Et bien, face à tant d'éloges, je n'ai pu que me plonger dans cette BD .
L'intrigue de Sous les galets la plage est très simple. Trois jeunes hommes de "bonne famille" profitent de l'absence de leurs parents pour prendre du bon temps. Durant un bain de minuit, ils font la connaissance d'Odette, une jeune femme ardente et effrontée. Usant de son charme, elle compromet les trois amis et les embringue dans des affaires de vols et des recels. Mais les pères des compères se rendent compte de la situation et décident de donner une "bonne" leçon à toux ceux qui contestent l'ordre établi...
Rabaté nous livre ici une BD sociale en renversant les rôles. Les méchants sont les nantis et les bons sont les marginaux. Les ascendants des jeunes gens se révèlent durs, incompréhensifs, inhumains. A contrario, les aigrefins font preuve de bonté et de générosité. L'auteur situe son action au début des années 1960 et dépeint une société quelque peu poussiéreuse et écrasante dont on pressent que la jeunesse ne le supportera plus très longtemps. Et comme le signale le chroniqueur d'ActuaBD, le titre parodie le slogan de mai 68, "Sous les pavés, la plage !", slogan réutilisé par Léo Ferré dans sa chanson anarchiste et révolutionnaire Il n'y a plus rien. La locution se situe à 3minutes et 47 secondes de la vidéo ci-jointe.
La BD est aussi une histoire d'amour. Refusant un parcours tout tracé dans l'armée, un des jeunes gens va adopter les valeurs d'Odette puis devenir son amant. Et la femme libre va découvrir dans son compagnon un abri et un refuge face à une vie terrible, père inconnu, viol de sa mère et enfance dans des services sociaux. La fin du livre est fort émouvante et rappelle le film Shéhérazade (2018). Du coup, le titre de la BD peut aussi évoquer la douceur (la plage) sous la dureté (les galets).
Le graphisme est dépouillé, contribuant par cela à l’âpreté de l’œuvre. Du coup, les personnages et les décors semblent relever de l'ébauche, ce qui peut désarçonner le lecteur. Les nombreuses scènes sensuelles ne choquent pas car parfaitement logiques et intégrées dans la narration... Par ailleurs, Rabaté a choisi de ne pas colorier la BD. Aussi multiplie-t-il les traits et les aplats noirs ou grisés. La densité reste faible, a contrario de celles choisies par Comès (Silence) ou Larcenet (Le rapport de Brodeck). On pourrait dire que la BD oscille entre le jour, l'ombre et la nuit. Un peu comme le destin des héros .
Au final, je recommande cette BD même si son intellectualisme tend un peu trop vers la caricature. Clairement, cette œuvre engagée s'inscrit dans la mouvance post soixante-huitarde. EEE
Eléanore
Dernière édition par eleanore-clo le Dim 28 Nov - 17:54, édité 2 fois
Nombre de messages : 36711 Age : 69 Localisation : Lausanne Date d'inscription : 03/03/2009
L'ambiance que tu décris me fait penser à d'autres albums bien connus de Rabaté, comme "Un petit rien tout neuf" ou comme "Un ver dans le fruit", des albums que j'aime bien. Comme c'est un auteur dont je suis régulièrement la production, je lirai forcément un jour cet album, quand il y aura un peu moins de pléthore.
J'ai sinon lu cet album qui est surprenant (et un peu scélérat ) sur le plan du scénario, et donc très agréable à lire. Je ne déflorerai pas trop cette histoire qui est pleine d'ironie, qu'il faut découvrir par la lecture plutôt que par des compte-rendus, et je dirai simplement que c'est une toute grande BD de Pascal Rabaté.
Nombre de messages : 36711 Age : 69 Localisation : Lausanne Date d'inscription : 03/03/2009
Pascal Rabaté est interviewé sur ActuaBD au sujet de son dernier album ! C'est un podcast.
Pascal Rabaté : « La Lumière ? Je la file aux autres. » (...) - ActuaBD
Sinon, l'actualité du dessinateur est représentée par un film qui s'intitule « Les Sans Dents ». Ce n'est pas son premier essai dans le monde du cinéma et je ne sais pas si on parlera beaucoup de cette nouvelle tentative.
Nombre de messages : 2061 Localisation : Avec ceux que j'aime Date d'inscription : 20/06/2011
Les petits ruisseaux est une BD de Pascal Rabaté.
Emile, un homme âgé, essaie de retrouver le bonheur après le décès de son épouse. Ses journées se répètent inlassablement : pêche avec son ami Edmond, cuisine, discussions au café du petit village, etc. Et pourtant un jour tout bascule. Cela commence lorsque notre héros découvre la vie secrète de son compère. En effet, ce dernier accumule les rencontres avec des femmes dont il a fait la connaissance grâce à des agences. Cette double vie questionne Emile sur son deuil et la possibilité de recommencer sa vie. Il décide alorsde prendre la route pour retourner sur les lieux de son enfance. Il découvre une communauté de hippies et y retrouve sa sensualité….
La BD est souvent décrite comme heureuse et "faisant du bien". Et clairement, le personnage principal y retrouve le joie. Comme le dit Samuel Ullman dans son célèbre poème Youth (1918) : On ne devient pas vieux pour avoir vécu un certain nombre d'années ; on devient vieux parce qu'on a déserté son idéal. Les années rident la peau : renoncer à son idéal ride l'âme (We grow old by deserting our ideals. Years may wrinkle the skin, but to give up enthusiasm wrinkles the soul. Rabaté veut donc nous dire qu'une personne âgée peut vivre de la même façon qu'une personne plus jeune. Elle ne doit pas se contenter d'attendre la mort mais elle doit embrasser la vie à pleine bouche. Un beau message donc. Mais que c'est maladroitement dit. En effet, L'auteur réduit la verdeur à la sexualité. Nous avons donc droit aux très nombreux nus féminins peints par Demond, puis à l'amour libre avec les beatniks. Les femmes ne pensent manifestement qu'à cet aspect de la vie et sont présentées comme bien légères. De plus, le petit village fleure bon le populisme avec ses habitants parlant crûment et jabotant des propos de café de commerce, le tout sur fond d'un commérage envahissant. Au final, les personnages sont-ils sympathiques ? A décharge de l'auteur, on ne peut que saluer le travail fait sur la psychologie d'Emile. Nous le voyons hésiter, changer pas à pas et puis se lancer à l'eau avec beaucoup de courage.
Le dessin est stylé. Avec un trait dynamique, nerveux, et un usage minimal de la couleur, Rabaté crée une atmosphère provinciale tout à fait crédible. Les personnages sont parfaitement croqués et on ne peut que saluer la performance.
Au final, je sors déçue de la lecture. Un livre de divertissement dont la crudité affaiblit un beau message.
Nombre de messages : 2061 Localisation : Avec ceux que j'aime Date d'inscription : 20/06/2011
Pour compléter ma chronique et donner un autre éclairage, voici l'avis d'ActuaBD qui parle d'humour, de tendresse et évoque aussi le tabou de la sexualité des personnes âgées : https://www.actuabd.com/Les-Petits-Ruisseaux-Par-Pascal.
De son côté, ABCD a beaucoup apprécié l'ouvrage et lui a décerné le Grand Prix de la Critique en 2007 : https://www.acbd.fr/908/grand-prix-de-la-critique/2007/.
Il convient enfin de signaler que Pascal Rabaté a adapté sa BD en film, avec Daniel Prévost dans le rôle principal.
Nombre de messages : 36711 Age : 69 Localisation : Lausanne Date d'inscription : 03/03/2009
Cela fait longtemps que j'ai lu les Petits Ruisseaux et j'en ai gardé un excellent souvenir. Je pourrais pas discuter avec toi de tous les détails de cette histoire, que j'ai pas mal oubliée, mais j'aime d'une manière générale les récits de vie des gens ordinaires, ainsi que leurs anecdotes pittoresques. Je n'ai pas le souvenir pas que la sexualité fût si vulgaire que cela. J'en ai plutôt retenu que l'imagination humaine est capable de tout.